Intouchables ou responsables ?

Intouchables ou responsables ?

Intouchables… Pour notre imaginaire collectif, ce terme est plein de promesses tant il évoque le film d’Olivier Nakache et Eric Tolédano aux plus de 51 millions d’entrées dans le monde.


C’est bien ce mot qui est déjà sur toutes les lèvres pour évoquer le statut prochain des établissements de santé, à l’aube de la sortie d’une crise dont ils sont les héros. Certains s’en réjouissent, d’autres le déplorent.


Pourtant, il n’y a aucunement lieu de s’inquiéter de l’avenir de la régulation de notre système de santé. C’est au contraire une merveilleuse opportunité pour renverser complètement un système de régulation obsolète basé sur la défiance, qui s’est traduite par le triptyque injonction / contrôle / sanction.


Les outils de la régulation de l’hospitalisation d’hier ont en effet été conçus pour organiser une mise sous tutelle des offreurs de soins : par un régime quantitatif d’autorisation, par un modèle de financement qui enferme les hôpitaux sur la poursuite d’intérêts de volume et conversion de leur seule activité, par un modèle de reporting et évaluation surabondant.


Telle la destruction créatrice schumpéterienne, cette crise nous a démontré que le renoncement à la défiance, au profit de la confiance, fait des miracles. La légende d’un hôpital gaspilleur et inerte a été balayée pour révéler un hôpital agile, inventif et engagé. Cela a été rendu possible par la confiance accordée au plus petit échelon (le GHT, l’établissement, le pôle, le service, jusqu’à l’équipe de soins), en lui déléguant l’initiative et la décision. Cette confiance a parfois été forcée car la seule option possible aux vues de la crise à surmonter.


Il est donc temps de penser un système de régulation débarrasser de la logique d’autorisation et sanction, au profit de la responsabilisation. Cela passe par un modèle de délégation de décision et de moyens audacieux, bien au-delà des timides tentatives depuis la mise en place des contrats de pôles. Cela passe aussi par une médicalisation accrue de la gouvernance, au-delà du stérile débat des pouvoirs et contre-pouvoirs. Cela passe enfin par des modèles de financement à la capitation, en solidarisant les hôpitaux avec les autres offreurs de soins. Les professionnels de santé y sont près, les citoyens qui les acclament l’attendent. Il reste donc à opérer cette révolution culturelle dans nos institutions héritières du legs jacobin et universaliste.


Notre système de régulation échouera s’il ne se réinvente pas et si les énergies sont mises dans la recherche de moyens pour contourner cette évolution inéluctable au motif d’une éventuelle hémorragie des dépenses publiques.


Plutôt que de déplorer des hôpitaux intouchables, nous pouvons faire le choix d’hôpitaux responsables. 

Bravo Clémence. le mois de mai arrive, l'heure des révolutions culturelles ? ...

Valerie Reznikoff

Responsable de projets innovation collaborative / ingénérie de la transformation chez ANAP

4 ans

"Cela a été rendu possible par la confiance accordée au plus petit échelon (...), en lui déléguant l’initiative et la décision" #Hospitalents

Grégory Caumes

Délégué National de la Fédération Santé Habitat, Expert en droit et politique de santé

4 ans
Grégory Caumes

Délégué National de la Fédération Santé Habitat, Expert en droit et politique de santé

4 ans

J'aime beaucoup ton article, en espérant que tu sois prophète du système de demain.

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