Israël Katz: la décision de reconnaître l’État palestinien «est une prime au terrorisme»


Propos recueillis par Isabelle Lasserre

Le figaro

24/05/2024

Par Isabelle Lasserre

Publié hier à 16:42, Mis à jour il y a 2 heures

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ENTRETIEN - Le ministre des Affaires étrangères israélien a déploré auprès du Figaro la temporalité de la décision de l’Espagne, de l’Irlande et de la Norvège.

Le chef de la diplomatie israélienne, Israel Katz, a accordé un entretien au Figaro lors de sa visite à Paris mardi 21 et mercredi 22 mai.

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LE FIGARO. - Trois pays européens, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège, ont pris la décision de reconnaître un État palestinien. Comment l’accueillez-vous?

Israël KATZ. - C’est très grave. Nous avons d’ailleurs rappelé nos ambassadeurs pour leur signaler notre préoccupation. Cette décision nuit à la sécurité, à l’autorité, à l’indépendance et à la souveraineté d’Israël. Elle réduit les chances de libérer les otages. C’est aussi une prime adressée au terrorisme et à la violence exercés par le Hamas et par l’Iran. Face aux assassinats, aux viols, aux corps meurtris et brûlés du 7 octobre, la reconnaissance d’un État palestinien adresse un message très dangereux: la terreur et la violence payent. Cette décision politique repousse la possibilité d’une paix entre Israël et les Palestiniens. Je me félicite de l’assurance qui m’a été donnée par Stéphane Séjourné sur ce sujet: la France considère que ce n’est pas le bon moment pour prendre une telle initiative.

Est-ce à dire que vous rejetez par principe la solution à deux États défendue par les Occidentaux?

Même en Israël, vous savez, certains soutiennent cette solution. Mais une vraie paix ne peut être que le fruit d’une négociation directe entre Israël et les Palestiniens. Depuis l’horrible massacre du 7 octobre, le peuple israélien, pas seulement ses hommes politiques, refuse que la sécurité d’Israël dépende des Palestiniens. Il faut d’abord que la sécurité soit restaurée, que le Hamas disparaisse de Gaza. Après seulement, il pourra y avoir une ouverture avec l’Autorité palestinienne. Mais il faudra qu’elle se réforme avant, qu’elle renie son slogan «De la rivière à la mer», enseigné aux enfants à l’école, qu’elle cesse de financer ceux qui tuent des Juifs. Si l’Autorité palestinienne rejoint l’axe arabe modéré, celui des Émirats arabes unis et du nouveau dirigeant d’Arabie saoudite, alors là, oui, on pourra négocier.

Vous considérez que le procureur de la Cour pénale internationale mène une justice politique en demandant un mandat d’arrêt contre Netanyahou et son ministre de la Défense. Pourquoi?

D’abord parce que les pays démocratiques comme Israël, qui possèdent une justice indépendante, ont l’obligation d’enquêter sur les soupçons de crimes quand on le leur demande. C’est la procédure. Le procureur aurait dû adresser ses demandes à la justice israélienne, qui s’en serait saisie. Il n’y avait aucune raison, dans ce cas, de ne pas respecter le principe de justice complémentaire qui est à la base du fonctionnement de la CPI. Ce n’était pas justifié, étant donné qu’Israël possède une justice indépendante. Ensuite parce que mettre sur le même plan la démocratie israélienne et l’organisation terroriste qu’est le Hamas prouve que le jugement du procureur est biaisé.

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Son initiative ne fera que renforcer Netanyahou. La tentative d’imposer de manière unilatérale un État palestinien va unir les Israéliens derrière lui, comme ce fut le cas après le 7 octobre. La réaction initiale de l’État français révélait une certaine opacité sur le sujet. On pouvait croire que la France soutenait la décision du procureur. Mais le ministre des Affaires étrangères, quand je l’ai rencontré, m’a apporté des clarifications importantes. La France reconnaît l’autorité de la CPI, mais elle est contre la comparaison entre Israël et le Hamas. Sa position est identique à celles de l’Allemagne et du Royaume-Uni.

Est-il trop tard pour empêcher la bombe nucléaire iranienne?

Non. Toutes les étapes du processus ne sont pas encore abouties. Il est encore temps d’agir avant qu’il ne soit trop tard.

Comment?

Par deux actions. D’abord, en imposant de nouvelles sanctions économiques sévères contre Téhéran. La conjoncture est favorable: par le passé, les Européens s’y opposaient pour des raisons économiques. Mais aujourd’hui, la manière dont Téhéran utilise ses affidés contre Israël est apparue au grand jour. En tirant des centaines de missiles contre Israël, mais aussi en apportant son soutien à la Russie dans sa guerre en Ukraine, l’Iran a prouvé aux Européens qu’il était un pays dangereux. Nous travaillons aujourd’hui avec eux pour ouvrir un nouveau processus de sanctions. Si les États-Unis et l’Union européenne s’allient pour les durcir, l’Iran sera isolé.

La Russie ne peut pas l’aider financièrement et la Chine, qui a besoin de conserver ses relations économiques avec l’Europe, y réfléchira à deux fois. Tous les mouvements terroristes de la région s’affaibliront si de nouvelles sanctions sont prises contre l’Iran. Ensuite, en instaurant une menace militaire sérieuse contre Téhéran. Pas pour faire la guerre, mais pour l’empêcher. Pour tracer une ligne rouge interdite à franchir. La seule fois où l’Iran a suspendu son programme nucléaire, c’est quand George Bush a attaqué l’Irak en 2003. Les Iraniens ont eu peur d’être les prochains. Nous le savons grâce aux archives que nous avons récupérées en Iran. Le régime iranien réagit à la menace et à la force. C’est un État extrême mais aussi très sophistiqué. Les fanatiques veulent faire avancer la révolution chiite, mais ils ont peur d’une confrontation directe. C’est la raison pour laquelle ils utilisent leurs «proxies», leurs affidés, pour mener le combat.

Où en est la guerre contre le Hamas?

Le point principal qui déteint sur toute cette guerre, c’est les otages. Sans cela, la question serait déjà réglée depuis longtemps. L’utilisation de la population palestinienne comme bouclier humain par le Hamas rend les choses difficiles. Mais nous allons finir le travail, même à Rafah. À ce propos, il y a une différence entre les craintes des Occidentaux et la réalité. Nous avons déjà évacué 900.000 civils.

À lire aussiReconnaissance de l’État palestinien: la décision de l’Espagne, la Norvège et l’Irlande peut-elle vraiment changer la donne?

Nous avançons avec prudence. Nous avons déjà découvert plusieurs dizaines de tunnels, qui relient Gaza au Sinaï et qui ont servi au transfert des armes. Nous sommes d’accord pour ouvrir des négociations pour le retour des otages, nous sommes même prêts pour cela à payer un prix élevé. Mais Sinouar, le chef du Hamas, ne veut pas. Il attend que le système global ou les tribunaux internationaux arrêtent Israël de façon unilatérale, sans que le processus soit conditionné au retour des otages. Il veut les garder. C’est pour cela qu’il n’accepte pas les termes de la négociation.

La prochaine guerre israélienne sera-t-elle contre le Hezbollah?

Il faut toujours être prêt à prendre l’initiative face à des menaces existentielles. Nous devrons le faire si nous n’avons pas d’autre choix. Mais la doctrine israélienne ne prévoit pas d’attaquer tous ceux qui nous menacent! Tant que nous ne subissons pas d’attaque directe, nous n’attaquons pas nos ennemis. C’est aussi valable pour le Hezbollah. Nous avons réagi quand il nous a attaqués, mais de façon limitée. Il est vrai qu’après le 7 octobre, il y a eu un dilemme en Israël.

La question d’une intervention contre le Hezbollah a été posée. Mais nous avons répondu par la négative et choisi d’agir à Gaza et d’essayer d’obtenir la libération des otages. Cependant, Israël, craignant une attaque terrestre du Hezbollah, a dû déplacer 700.000 personnes dans le nord du pays depuis le début de la guerre. Elles ne reviendront pas tant que le Hezbollah ne sera pas revenu sur ses positions, en accordance avec la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Le Hezbollah n’a pas le droit d’être dans le sud du Liban, où seuls l’ONU et l’armée libanaise sont censés agir. Nous préférerions régler le problème grâce à une solution diplomatique.

L’Arabie saoudite rejoindra-t-elle les accords d’Abraham?

Elle est très volontaire pour le faire. Comme elle est très volontaire pour signer un accord stratégique avec les États-Unis. Malgré le rapprochement entre Riyad et Téhéran, les Saoudiens savent qu’ils sont, autant qu’Israël, une cible de l’Iran. Nos deux pays ont des intérêts en commun. Mais il est vrai que nos relations sont plus difficiles depuis la guerre, à cause des opinions publiques arabes et des conditions en faveur des Palestiniens imposées par Riyad en échange d’une normalisation. À la fin, c’est le chef de l’État saoudien qui devra prendre une décision.

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par Taboola

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76 commentaires

  • totobebete

  • le 24/05/2024 à 06:21

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