"Je suis nul, j'ai pas d'idées !"​ ou la créativité défoncée des gens sérieux.

"Je suis nul, j'ai pas d'idées !" ou la créativité défoncée des gens sérieux.

Entre 40 et 50 ans, l’humain tire son bilan et continue de payer la facture de ses traumatismes enfantins. À l’époque on marchait dans les flaques, on dessinait sur les murs, on chantait fort et on en avait rien à faire. En grandissant les pulsions créatives se rangent peu à peu au placard et tout le monde devient sérieux, alourdi par des factures et des névroses, justifiées ou non. Mais la pulsion créative est toujours là, enfouie, endormie, anesthésiée, embuée par une succession d’enjeux qui n’ont pas lieu d’exister. “Je suis nul, j’ai pas d’idées !”, devenant une sorte de prophétie auto-destructrice qui fonctionne comme un mantra, une résignation déprimante pour tout le monde. Nul en quoi ? Idée de quoi ? La création n’est pas une question de technique ou de concept, c’est une envie de se sentir libre le temps d’un rêve qui se construit, quels que soient l’objet, l’outil ou le résultat.

La création est une sortie dans l’espace, une extraction du réel, un moment suspendu entre deux angoisses. C’est là que le cerveau s’apaise, débarrassé momentanément de ses missions.

Mais les gens sérieux ont perdu le goût des mains sales, ils ont affiné leur esthétique et ils entretiennent progressivement le mythe que l’action de créer doit générer une oeuvre. Ils confondent le geste et le résultat et désespèrent de ne pas être “artiste”. En plaçant la valeur sur le résultat esthétique et le regard de l’autre, ils oublient le plaisir orgasmique du simple acte de créer pour créer. La créativité n’a pas d’objectif de valeur, de jugement, de marché, elle vit pour elle-même comme une extension de sa volonté. Dès qu’elle se charge d’une peur ou d'un but elle s’enferme et disparaît comme le chat de Schrödinger. Créer sans d’autre but de créer, tout le monde peut le faire, c’est simple, il suffit de s’y mettre et puis c’est tout. Vous comptiez sculpter un lion et ça ressemble à un hamster ? Et alors ? Pendant quelques heures vous avez construit un monde libre et merveilleux.

La créativité est tellement humaine et présente en nous qu’elle en devient même un outil de médiation thérapeutique pour les populations en souffrance. À travers des ateliers de danse, de chant, d’improvisation, d’écriture, de land art, de dessin, des personnes enfermées dans leurs traumatismes se mettent à révéler des parts d’eux-mêmes. Parce que pendant quelques minutes qui parfois se transforment en années, on se met à produire quelque chose qui vient de soi et seulement soi, sans d’autre fonction que de se sentir autonome, responsable et pour finir, humain. Je ne cesse donc de répéter aux gens sérieux de faire redescendre la créativité de son piédestal et de recommencer à s’amuser en sautant dans les flaques et en malaxant leur pâte à modeler, quelle qu’elle soit.

Rached Bellouti

diplômé 21x chez institute Don Bosco technologie Belgique

5 ans

Franchement bien joué Cyrille tu es super cool j'ai vue sur Facebook la dernière vidéo. Franchement je me suis sentie comme si je te connaissais depuis toujours......👍je te retire mon chapeau .

⨀ Cyril JAMOT

[⚡️] COO ∣ EXECUTIVE OPERATIONS MANAGEMENT ∣ INTERIM MANAGEMENT ∣ CONSULTANT ∣ COACH ∣ Social and Solidarity Economy ∣ EcoTech & Sustainable Devt ∣ MedTech & Holistic Health ∣ Perfumes & Cosmetics ∣ Crafts & Luxury

5 ans

Tout à fait d’accord ! À mort le puritanisme de l’esthétique scandinavo-new-yorkaise ! Et vive la jouissance orgasmique de sauter dans les flaques de boue et de rentrer avec un pantalon degueulasse ! ...

Jérémie Babonneau

Formation Hygiène Alimentaire - HACCP ✅ J'accompagne les acteurs de l'alimentaire dans leurs pratiques pour garantir un produit sûr à leurs clients.

5 ans

Très inspirant, il y a des notions qui passent toujours mieux quand on lâche la bride à sa créativité.

Sophie LEFEBVRE

#polyvalence : Expert commerce international et neuropédagogie

5 ans

J'ai commencé par lire les commentaires (comme je lis un livre, en commençant par la fin), avec une espèce d'a priori de je-ne-sais-quoi. Mais les autres, là oui, ceux qui commentent, m'ont donné envie de démuseler ma curiosité. Parce que question sérieux, je me pose là. Rigoureuse, raisonnable, presque chiante, je me suis dit "encore un article qui va nous expliquer la vie"... Et paf, prends ça Soso, un article tout en fluidité, en humour et sans leçon de morale. Un article qui fait du bien à ma créativité qui s'exprime souvent le week-end et qui, somme toute, donne des résultats douteux, mais qui me laisse ce je-ne-sais-quoi de super pouvoirs pour affronter les "sériosités" de la semaine qui ne manquera pas de suivre. Moi je couds des cœurs bariolés et je tisse des petits sacs qui ne servent à rien mais je me sens Wonderwoman quand je fais le nœud qui fera passer mon ouvrage de l'assemblage fragile à l'objet voué à la postérité. Rien que ça. Merci pour ce bel article @Cyrille de Lasteyrie et merci aux commentateurs d'avoir aiguisé ma curiosité 😘

Antoine Jambart

Formation de Formateur & Formations LinkedIn en entreprise depuis 2010 🤩

5 ans

Jouissif à lire. 2 mots donc : BRAVO et ENCORE 😎

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