Je vous recommande Incroyable Microbiote ! de Julien Scanzi
Le docteur Julien Scanzi est notre Giulia Enders français: gastroentérologue, il nous décrit dans ce petit livre accessible à tous et joyeusement illustré par Alice Varoquaux les rôles, équilibres et déséquilibres du microbiote, et les bonnes pratiques pour en prendre soin. Je le remercie de me l'avoir envoyé gracieusement!
A la fin de chacun des 9 chapitres, vous trouverez un résumé des points clefs en une page écrite et une page d'illustration, facilitant la mémorisation et priorisation.
J'ai beau avoir lu un certain nombre d'ouvrages sur le microbiote, j'en apprends toujours!
Partie 1: A la découverte du microbiote
Dans cette partie, Julien nous montre l'humain que nous sommes comme un être hybride, constitué, au-delà de nos 23 000 gènes d'Homo sapiens, d'en moyenne 540 000 gènes microbiens provenant d'environ 160 espèces. Dès notre naissance, nos parents nous transmettent un inoculum de microorganismes, qui deviendra notre microbiote.
Et dès la naissance, ce microbiote est influencé par les conditions de la grossesse, la naissance par voie vaginale ou césarienne, l'allaitement ou son absence, les médicaments, l'environnement de l'enfant... Seulement 2% de la signature du microbiote seraient influencés par notre patrimoine génétique. Autant dire que nous avons le pouvoir pour le moduler!
Toutefois, le mode de vie moderne a appauvri notre écosystème interne. Depuis les années 1920, le pH des selles des nouveaux-nés est monté à 6 au lieu de 5, car il manque de plus en plus de bactéries essentielles à la production d'acide lactique. Notre alimentation manque de fibres (avec une consommation de moins de 20g/jour pour les Français en moyenne, pour une recommandation entre 25 et 30g), elle s'enrichit d'additifs et de conservateurs anti-microbiens, nous sommes moins exposés la diversité naturelle en raison de notre mode de vie urbain et à 90% en intérieur, de l'excès d'hygiène, des antibiotiques, médicaments et pesticides qui impactent nombre de nos petits habitants...
Partie 2: Le microbiote au coeur de notre santé
La diversité du microbiote est très importante pour la résilience de ses fonctions. En effet, nous nous appuyons sur les microbes pour de nombreuses fonctions que nous leur avons déléguées dans notre co-évolution - par exemple éteindre le signal inflammatoire, produire certaines enzymes pour mieux digérer les produits laitiers, etc.
Nos microbes produisent des neurotransmetteurs, des vitamines, des acides gras à chaîne courte très importants pour la santé intestinale et le métabolisme, ils régulent le poids et l'absorption des calories, développent le système immunitaire, consolident l'effet barrière contre les invasions de pathogènes, et peuvent même activer certains médicaments.
La perte de diversité est un facteur de risque dans nombre de maladies, infectieuses et de civilisation, et de désordres métaboliques.
Par exemple, les dommages collatéraux des antibiotiques incluent la dysbiose (une rupture de la symbiose hôte-microbiote, c'est-à-dire de la relation de bénéfice mutuel), les mycoses, l'infection récidivante à Clostridioides difficile, l'augmentation des risques de surpoids et obésité, la diminution de l'efficacité des chimiothérapies et immunothérapies, la diarrhée associée aux antibiotiques... et l'augmentation de la résistance aux antibiotiques - l'une des 10 plus importantes menaces pour la santé publique d'après l'OMS! Pour en savoir plus sur les risques d'une utilisation excessive d'antibiotiques, Missing Microbes de Martin Blaser est le livre de référence, un des pionniers du secteur du microbiote.
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Partie 3: Agir sur notre microbiote
Le microbiote n'est marginalement déterminé par nos gènes, et à 98% par l'environnement: ce que nous mangeons, ce que nous faisons, notre activité physique, et tout ce à quoi nous l'exposons.
Pour agir sur notre microbiote, le premier levier est l'alimentation. Le régime méditerranéen est excellent, riche en graines, féculents complets, légumineuses, et pauvre en aliments industriels transformés. Les fibres favorisent le développement des bonnes bactéries, les sucres favorisent les moins bons microorganismes comme ceux responsables des mycoses.
Nous pouvons aussi agir par les probiotiques, prébiotiques, symbiotiques, et postbiotiques.
Certaines souches probiotiques sont reconnues par les associations de médecins, comme la Lacticaseibacillus rhamnosus GG et la Saccharomyces boulardii CNCM I-745, qui réduisent de 50% les diarrhées associées aux antibiotiques, ou la L. reuteri DSM 17938 contre les coliques du nourrisson.
Quant aux aliments, Julien Scanzi dit bien que "pour parler de probiotique il faut que l'aliment fermenté comporte des microorganismes vivants bien définis et dont le bénéfice pour la santé soit lié directement à ces microorganismes, indépendamment des autres composés de l'aliment" et que "sans efficacité démontrée on ne peut pas parler de probiotique" - ce que je salue avec enthousiasme.
"Pour parler de probiotique il faut que l'aliment fermenté comporte des microorganismes vivants bien définis et dont le bénéfice pour la santé soit lié directement à ces microorganismes, indépendamment des autres composés de l'aliment" - Julien Scanzi.
Toutefois, il considère le kefir de lait comme un probiotique, alors que les microorganismes du kefir ne sont pas définis et standardisés, du moins pour les produits de grande surface ou les ferments pour kefir végétaux par exemple de @Brin de Foli, qui ne détaillent pas les espèces de microorganismes inclus, et encore moins les souches (si la différence entre espèce et souche n'est pas claire pour vous, lisez ceci). En conséquence, ils ne répondent pas aux critères de la dénomination probiotique.
Paul Cotter , chercheur reconnu pour ses études dans les aliments fermentés, précisait à la dernière conférence International Scientific Conference on Probiotics, Prebiotics, Gut Microbiota and Health - IPC2025 qu'il y a une très forte hétérogénéité des compositions de kefir, et de leurs bénéfices. Un kefir du commerce par exemple ne présentait pas de bénéfices dans une étude de son groupe, mais il ne contenait pas la communauté de bactéries et levures normalement associée au kefir.
"Attention, un aliment fermenté n'est pas obligatoirement probiotique" - Julien Scanzi
Au niveau médical, pour traiter une infection récidivante au Clostridioides difficile, il est maintenant possible de recourir à la transplantation de microbiote fécal (FMT). Cette procédure consiste à prélever les matières fécales d'un donneur, screenées pour assurer l'absence d'agents infectieux, administrées ensuite par endoscopie, sonde nasogastrique ou gélules, au patient receveur. Cette procédure peu ragoûtante sauve des vies et présente un taux de succès de 90% contre 30% pour les antibiotiques. Des études sont en cours pour tester la FMT dans d'autres conditions comme la cirrhose, le côlon irritable, les dysimmunités, les infections urinaires, l'anorexie, le diabète, l'autisme, la maladie de Crohn, la sclérose en plaque...
Enfin, comme le dit Julien Scanzi, préserver son microbiote c'est un acte écologique! Et j'ajouterai que c'est une prise de conscience philosophique et spirituelle: c'est reconnaitre que notre existence, notre identité est une symbiose, que nous sommes des holobiontes, des êtres hybrides (et ce à toutes les échelles), que nous sommes partie inhérente d'un grand tout magnifiquement entremêlé.
Engineer/Water Manager, USCG Veteran
1 ansExcellent!
Founder and CEO at Mulembo Farms Ltd
1 ansNicolas Durr
Ingénieure process -Chef de projet
1 ansCommandé 😁, hâte de le recevoir, merci pour le partage Nina Vinot !
Gastroentérologue, auteur et conférencier, fervent défenseur du microbiote intestinal
1 ansUn grand merci Nina pour ce partage 😃 🙏
International Marketing Manager Health & Nutrition
1 ansValidé de mon côté également ! Très instructif et pédagogique