Joseph est mort
Joseph était le kiosquier de la place Levis à Paris. Il est mort le 28 janvier.
Samedi le kiosque était fermé. Quelqu’un avait affiché son avis de décès. Les passants ont arrêté de passer. Ils se sont attroupés pour lire la terrible nouvelle. D’abord incrédules face à la soudaineté de sa disparition, de parfaits inconnus se sont mis à se parler, à échanger des souvenirs et des anecdotes heureuses avec Joseph. Il pleuvait mais personne ne semblait s’en soucier. Les uns parlaient de sa culture, les autres de son humanité. Des pensées dites à voix haute pour se réconforter entre vivants.
Pendant le week-end la devanture s’est couverte de petits mots. Des mots d’enfants pour lesquels Joseph avait toujours des bonbons, Halloween ou pas. Des mots de « grandes personnes » qui évoquaient le sourire de Joseph ou sa gentillesse. Des mots de croyants. Des mots de non-croyants. Et puis des fleurs, des bougies. Un autel s’est improvisé. Comme pour un attentat. Mais ici, pas de terroristes. Le coupable s’appelle crise cardiaque me dira un commerçant du « village » qu’est la rue de Levis.
Pourquoi raconter cette histoire ? Parce que ce drame intime a une portée qui dépasse largement le cercle des proches de Joseph...
Tout d’abord, en lui rendant cet hommage maladroit, j’ai l’impression de m’acquitter d’une dette. Pas une dette financière. Une dette morale. La dette que j’ai envers quelqu’un qui comptait pour moi mais à qui - pour un tas de mauvaises raisons - je ne l’ai jamais dit. Il y a autour de nous des personnes qui sont importantes pour nous et auxquelles - par timidité ou “parce que ça ne se fait pas” - on ne dit pas qu’elles comptent pour nous. Pour les uns ce sont les amis, la famille. Pour les autres ce sont les collègues, les copains du sport ou encore tel ou tel commerçant chez qui on a ses habitudes depuis toujours. Certains nous rassurent, d’autres seraient là en cas de coup dur. D’autres encore rendent simplement notre quotidien plus chaleureux. Et ces personnes, qui sont autour de nous depuis longtemps, on les imagine immortelles. Et ce n’est malheureusement pas le cas. Alors que la disparition de Joseph soit une incitation à briser le mur de la pudeur et à parler à ceux qui nous sont chers, avant qu’il ne soit trop tard.
Ensuite, le désarroi dans lequel la disparition de Joseph nous a plongés sonne aussi comme un démenti cinglant à tous les prophètes de la déshumanisation des villes. Ici, dans le village de Lévis, sur cette place, dans cette rue piétonne où résonne presque tous les jours les harangues des marchands de fruits et légumes et les conversations des clients attablés en terrasse, on se croise, on se reconnaît, on s’arrête, on se salue. C’est une version moderne du village où tout le monde ou presque se connaît. Et le kiosque de Joseph faisait partie de ces lieux où s’entretenait - à l’abri de la pluie - le sentiment réconfortant que nous appartenons tous à une même famille, que nos vies sont entremêlées, attachées - pour le meilleur - aux lieux et aux habitants de ce quartier.
Et enfin, parmi les métiers touchés de plein fouet par la révolution digitale, nul doute que le secteur de la presse fait partie des activités qui subissent la plus forte remise en cause. Accès gratuit à l’information, numérisation, crise du support papier, développement de la publicité sur Internet sont autant d’oracles annonciateurs de la fin de la presse et des kiosquiers. Pour autant, place Levis, le kiosque de Joseph était ce petit village gaulois qui résistait au “tout numérique”, comme un contradicteur éloquent à ceux qui prévoient la disparition totale de la vieille économie. Joseph distribuait des journaux à des gens qui n’imaginent pas les lire sur leur PC, leur smartphone ou leur tablette. Mais aussi à des gens qui venaient chercher à la fois un journal, un conseil, un café, de la chaleur humaine...Joseph était de ceux qui font le succès de ces modèles qui allient distribution physique et distribution numérique. Il ne suffit pas de décréter l’avènement du “phygital” pour réussir. Pour réussir il faut identifier les bonnes personnes, les belles personnes. Joseph était fait de ce bois là.
Head of Bid & Contract Evaluation / RMC Coordinator chez Airbus Defence and Space
1 ans🙏🙏🙏 et Bravo Alain
Service à la personne | Dépendance | Recrutement | Direction Résidence Autonomie | Accompagnement sur mesure | Alzheimer | Seniors | EHPAD | Management | RH | Bénévolat associatif
4 ansMerci pour ce témoignage simple et vrai. Que Joseph repose en paix après avoir fait du bien... peut-être sans le savoir !
Responsable Département Assurances - Crédit Agricole Provence Côte d'Azur
4 ansUn bel hommage !
General praticien at Cabinet Loire Santé - 49610 MURS ERIGNE
4 ansTouchant témoignage On aurait eu envie de rencontrer ce joseoh Belle personne Belle rencontre Ces petits riens qui font chaud au cœur et a notre humanité