Julia de Funès : une nouvelle icône réactionnaire de la droite intellectuelle ?

Julia de Funès : une nouvelle icône réactionnaire de la droite intellectuelle ?

Il n’échappe à personne que la critique de l'ordre établi est souvent un prélude à une proposition de changement, et en cela, Julia de Funès se présente comme une figure paradoxale. Son dernier livre, "La vertu dangereuse : Les entreprises et le piège de la bien-pensance", est une dissection critique du monde du travail et une invitation à la réflexion morale. Elle observe, avec une acuité qui ne laisse pas indifférent, les mécanismes par lesquels les entreprises, sous le vernis de la vertu contemporaine, deviennent des machines à broyer l'individu.

Une Voix Critique au Cœur du Système

Julia, issue de la haute bourgeoisie, observe ce phénomène d'une distance sociale et économique qui trahit une certaine ironie. Sa critique ne provient pas des tranchées où se jouent les luttes quotidiennes pour l'existence, mais d'une tour d'ivoire où les vicissitudes de la vie sont atténuées par une vie de privilèges. Cette position suggère une empathie limitée, car, comme le soulignent de nombreux sociologues, la distance économique et sociale rend l'empathie envers les classes inférieures difficile, et très souvent artificielle.

Mais une analyse plus profonde de ses écrits révèle une complexité qui dépasse cette première impression. Funès ne se contente pas de critiquer le système capitaliste, elle pointe du doigt la manière dont celui-ci se drape d'une moralité de façade. Elle met en lumière comment la bien-pensance, cette conformité à un credo moral du moment, aliène non seulement les travailleurs par une quête incessante de productivité et de rendement, mais aussi par l'imposition d'un langage et de pratiques qui prétendent bien faire mais qui, en réalité, nivellent les particularités humaines et la possibilité de l'authenticité.

Elle ne rejette pas l'idée de vertu ni celle de progrès moral, mais met en garde contre leur instrumentalisation par les structures de pouvoir. Son analyse critique du management bienveillant n'est pas une diatribe contre la bienveillance en soi, mais contre la façon dont celle-ci est utilisée comme un placebo pour masquer les inégalités structurelles et les dynamiques de domination au travail. Elle souligne que cette bienveillance, souvent caricaturale, ne fait que masquer ces problèmes, les renforçant en détournant l'attention des véritables enjeux de l'aliénation. Mais en parallèle, elle ignore superbement une réflexion d’un de ses interlocuteurs sur la persistance des discriminations subies par les salariés dans les entreprises.

Au-delà de la Surface : La Profondeur de l'Analyse ?

Son discours sur la parité et le féminisme contemporain est également révélateur. En critiquant l'approche strictement quantitative de la parité, elle ne nie pas la nécessité de l'égalité des sexes, mais souligne que l’approche quantitative manque de profondeur, ignorant la répartition inégale des tâches dans la sphère privée qui impacte directement la vie professionnelle des femmes. Funès propose ainsi une réflexion sur l'égalité qui prend en compte l'humain dans son intégralité, non pas en tant que nombre, mais en tant qu'être complexe et multidimensionnel.

La position de Julia soulève une tension interne difficile à résoudre. Sa critique de la bien-pensance porte en elle une forme de bien-pensance de l'esprit critique. Elle se pose en défenseur d'une morale qui ne se contente pas de la surface, mais cette position est-elle accessible à tous ou n'est-ce pas là, en quelque sorte, une nouvelle forme de distinction culturelle et intellectuelle, une manière pour les élites de se définir par opposition à une masse perçue comme incapable d'une telle réflexion ?

La philosophie humaniste, qui place l'individu et ses valeurs au cœur de toute analyse, doit s'interroger : peut-on comprendre l'aliénation d'une classe sans en être issu ? Peut-on critiquer efficacement un système dont on ne souffre pas directement ? Funès tente de franchir cette barrière sociale, mais cette tentative est teintée d'une ironie sociologique. Elle parle de liberté, d'authenticité, de la nécessité d'une réflexion morale profonde, mais cette voix émane d'un environnement où ces valeurs sont moins mises à l'épreuve par la nécessité économique que pour une grande partie de la population.

Entre Critique et Contradiction : La Position est-elle tenable ?

Ainsi, Julia de Funès, dans ses analyses, ouvre une fenêtre sur les contradictions d'une société où la bien-pensance devient le masque de l'aliénation, mais elle est elle-même un produit de ce même système. Sa critique, que l’on peut imaginer sincère, soulève la question de l'authenticité dans le discours critique quand l'émetteur est protégé par les privilèges que ce même système a créés. Son œuvre est donc à la fois un miroir tendu à la société et un reflet de ses propres limitations sociales, un appel à la conscience critique qui doit se confronter à la réalité de sa propre condition.

Sa réflexion est réactionnaire et de droite. En critiquant la bien-pensance et les idéologies progressistes, elle apparaît comme nostalgique d'une époque où les hiérarchies naturelles et les autorités étaient moins remises en question, où la liberté d'expression n'était pas entravée par la peur de l'offense. Cette critique trahit un désir de revenir à des valeurs ou des systèmes de pensée qui privilégient l'ordre, la tradition, et un conservatisme intellectuel qui s'oppose à ce qu'elle perçoit comme une "moralisation" excessive de la société. 

Cette position séduit les courants de pensée qui valorisent un retour à l'ordre établi, à une société où les rôles et les responsabilités étaient plus clairement définis, et où l'individu était moins confronté à la complexité des identités contemporaines. En France, la droite et l'extrême droite. Il suffit de voir quelle est l’orientation politique des médias qui l’encensent. Alors, certes, on pourrait penser que cette interprétation réactionnaire et de droite est peut-être un peu réductrice…

Dans ce livre, Julia de Funès prône subtilement une réévaluation critique des moyens par lesquels de droits ou la justice sociale sont poursuivis, se défendant d’un retour en arrière réactionnaire. Elle invite à une introspection morale qui transcende les clivages politiques traditionnels, bien que, dans le contexte actuel, il est très facile d’y voir une critique des politiques progressistes. La réaction contre ce qu'elle perçoit comme une dérive idéologique, est elle-même devenue une forme de dogmatisme.

Pour aller plus loin sur le chemin de la Bien-Pensance au Travail voici quelques pistes de réflexion :

La Vertu comme Masque :

Les entreprises adoptent des politiques de diversité, d'inclusion, et de bien-être au travail, non pas toujours par souci réel pour leurs employés, mais pour se conformer à l'image attendue par la société ou pour améliorer leur marque employeur. Cette vertu affichée sert souvent de façade pour cacher des pratiques moins nobles, comme l'exploitation ou la surcharge de travail.

L'Instrumentalisation de l'Éthique :

Les valeurs éthiques sont parfois utilisées comme des outils de management pour motiver les employés ou pour justifier des décisions qui, autrement, pourraient être contestées. On peut parler de "management bienveillant" qui impose une bonne humeur et une collaboration forcée, rendant la critique ou le mécontentement difficile à exprimer sans sembler dissonant ou non-coopératif.

L'Aliénation par la Conformité :

Les employés se sentent souvent poussés à adhérer à ces valeurs exhibées, non par conviction personnelle mais par nécessité de s'intégrer ou de progresser dans l'entreprise. Cela peut mener à une perte de soi-même, où l'individu se conforme à une image idéalisée, perdant en authenticité et en individualité. L'aliénation se manifeste par une dissociation entre ses propres valeurs et celles qu'il doit projeter au travail.

Le Contrôle sous Couvert de Liberté :

Sous prétexte de donner plus de liberté et de flexibilité (comme le télétravail ou les horaires aménagés), les entreprises peuvent en réalité augmenter la surveillance et les attentes en termes de disponibilité et de productivité. Cette "liberté" est alors limitée par la nécessité d'être toujours accessible ou productif, créant une nouvelle forme de contrainte.

L'Illusion de l'Engagement :

Les initiatives de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) ou les projets de bénévolat d'entreprise peuvent donner l'illusion d'un engagement social, mais souvent, ces activités sont contraintes par le temps ou l'énergie disponible après une journée de travail, ou bien elles servent à améliorer la réputation de l'entreprise plus qu'à impacter positivement la société ou l'employé.

La Réduction de l'Identité à une Fonction :

Les employés sont souvent réduits à leur rôle ou à leur contribution économique, où leur valeur se mesure à leur productivité plutôt qu'à leur humanité. La bien-pensance peut renforcer cette réduction en célébrant la conformité à des normes comportementales ou productives, au détriment de l'expression individuelle et de la créativité.

N'hésitez pas à laisser commentaires et avis sur le sujet. C'est en analysant et en critiquant que l'on fait avancer la réflexion !

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Dirigeant chez JMP Consulting | Consulting Management, Auteur

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Jacques Meynier

Retraité: Chef d'entreprise Manufacture Meynier

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Adrien Beaudrey C'est ainsi l'organisation de la société et des entreprises . Les connaissances doublées par l'expérience permettent d'accéder à des postes et à comprendre les problématiques. Heureusement dans un monde libérale l'ascenseur social et professionnel est sensé fonctionner pour donner une chance à tous . Votre histoire de la souris ce sont les soft skills qui fonctionnent. Dernièr point : En lisant le fil des messages , j'ai remarqué qu'il y avait beaucoup de coach et consultants qui dénigrent et insultent Julia de Funès. Durant mon activité professionnelle j'ai utilisé les services de conseils avec plus ou moins de réussites . J'en ai dédui qu'il y avait 3 profils. - Les Specialistes : Utilent pour les problématiques techniques - Les Généralistes qui apportent de la vision et du recul. Et les Spécialistes en Généralité qui ne servent à rien Je pense que la meute des détracteurs agressifs est composée de cette 3ème categorie. C'est un peu sévère de ma part , mais les critiques et les argumentaires n'ont pas été très cool et objectifs. J' ai été content d'avoir pu échanger avec vous . Je vous souhaite le meilleur dans votre activité professionnelle.

Les entreprises jouent simplement le jeu de leurs investisseurs rse. Au lieu de traiter la question sociale et le chômage de masse, il est bien plus simple de parler d’inclusivité, d’organiser des ateliers en non mixité que d’augmenter les salaires. En ce sens, De Funès n’est que le symptôme d’une escroquerie généralisée.

Jacques Meynier

Retraité: Chef d'entreprise Manufacture Meynier

5 j.

Adrien Beaudrey Julia de Funès Docteur en philosophie utilise ses compétences au service des entreprises depuis de nombreuses années. La Vertu Dangereuse traite les differents sujets de façon pragmatique , factuelle et précise. Elle ne s'occupe pas des dernières théories à la mode mais préviens des travers de la bien pensance , de l'angélisme , de la bienveillance caricaturales qui se répandent dans les entreprises. Si je peux me permettre ;je vous conseille vivement de lire cet ouvrage. Cordialement

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