L’âge d’or de la Chine, c’est demain !

L’âge d’or de la Chine, c’est demain !

Ces derniers temps, on entend beaucoup de lamentations : les confinements, l’exode de certains HNWI[1], le tassement du marché immobilier résidentiel, l’interdiction américaine de la vente de certains semi-conducteurs à la Chine, la croissance « en panne »... Les « experts » de la Chine écument les plateaux TV pour expliquer que tout est fini. La Chine, redevenue infréquentable, serait au bord du gouffre.

Je ne crois rien de tout cela. Voici les raisons pour lesquelles je pense que la Chine est au contraire sur le point d’accélérer.

 

Il est assez facile pour un pays de devenir riche, ou disons aisé. Cependant, quel cocktail unique lui est nécessaire pour devenir dominant ?

Il semble que parmi les conditions de base, il y a une énergie abondante et peu chère, une population éduquée et ambitieuse, du capital prêt à accepter une dose de risque, des avancées technologiques significatives, des infrastructures et une certaine stabilité politique. Regardez le Royaume-Uni du XIXème siècle et les USA du XXème siècle : ils cochent toutes les cases.

Et la Chine alors ?

 

Commençons par l’énergie : les déboires russes et la capacité de signer des contrats longs (27 ans de gaz avec le Qatar par exemple) garantissent à la Chine une énergie abondante, peu chère et stable à long terme. Différence notable avec l’Allemagne : avec moins de 15% de ses importations, la Chine est loin d’être dépendante de la Russie. L’immense effort actuel en faveur des énergies renouvelables et du stockage rajoute à la diversification des sources et à l’abaissement des coûts. Le coût de l’électricité solaire en Chine est maintenant inférieur au prix public[2] et ne cesse de baisser.

 

Faut-il s’étendre sur la population ? Elle est extraordinairement éduquée. Le classement PISA[3] consacre la supériorité des élèves de Shanghai, mais les écoliers originaires des autres régions sont encore meilleurs ! Pas de grande démission ici. On démissionne souvent, oui, mais pour progresser plus haut et plus fort dans une autre entreprise. Même si le flux de candidats à l’urbanisation va se tarir et le vieillissement guette, on gagnera en qualité ce qu’on perd en quantité. Les immenses efforts de robotisation sont là pour compenser la quantité. La Chine est déjà depuis plusieurs années le pays où sont en action le plus de robots.

 

Passons aussi rapidement sur les infrastructures : à l’intérieur, les routes, voies ferrées à grande vitesse, les canaux, les aéroports forment un réseau non seulement dense mais surtout de grande qualité, flambant neuf et économique... sans parler des infrastructures digitales 5G, et bientôt 6G. A l’extérieur, les Nouvelles Routes de la Soie consacrent l’importance des infrastructures logistiques et placent la Chine au centre du monde en développement. Elles raccordent aussi la Chine au marché Européen.

 

Ces routes facilitent l’écoulement des produits made in China. Toutefois, même sans ce soutien logistique, ceux-ci seront durablement plus compétitifs que leurs concurrents occidentaux pour au moins 4 raisons :

-      L’inflation par les coûts (énergie, transport) est bien moindre en Chine qu’en Europe ou aux USA. Avec une inflation globale de l’ordre de 2%[4], la Chine contrôle sa compétitivité. Le taux directeur de la banque centrale (PBOC), à 4.30%[5], garde un volant de baisse potentielle important.

-      Même si les coûts salariaux deviennent comparables aux pays occidentaux les plus avancés, les effets d’échelle, les structures corporate plus plates et la compétition extrême sur le marché intérieur amènent les entreprises Chinoises vers les structures de coût les plus efficaces.

-      Le prix n’est pas la seule variable pour des produits made in China qui montent rapidement en gamme grâce à une activité de R&D intensive dans tout le pays. Forbes l’écrivait déjà en 2018[6] et c’est encore plus vrai aujourd’hui. Les innovations sont testées puis déployées avec succès sur le marché domestique, en attendant d’être adaptées à l’export si elles sont pertinentes.

-      Une nouvelle répartition des compétences est en train de s’effectuer au niveau mondial, en partie au bénéfice de la Chine, ce qui ne manquera pas de créer de nouvelles rentes à son profit, bien plus puissantes que les anciennes. Les anciennes rentes étaient basées sur le faible coût du travail, la faible protection de la propriété intellectuelle, la protection du marché intérieur, les faibles exigences environnementales. Les nouvelles rentes créées par l’innovation concernent les systèmes de production des énergies vertes, le génome, l’espace, les batteries et les véhicules électriques. Des écosystèmes et des standards chinois s’imposent dans l’intelligence artificielle, l’IIoT, les télécommunications… et la Chine est en train de se constituer une avance considérable dans le domaine du big data.

En fait, cette tendance a déjà commencé : ces dernières années, les industries à faible valeur ajoutée ont massivement quitté la Chine pour le Vietnam, l’Inde, le Bangladesh, l’Indonésie. Malgré cela, l’excédent de la balance commerciale chinoise a crû de 30% entre 2020 et 2021, et 2022 semble montrer une nouvelle augmentation[7].

 

Pour finir sur ce point, citons Forbes dans l’article en référence ci-dessus : « La Chine a l’argent, une population active éduquée et ambitieuse, un caractère volontariste, d’excellentes entreprises et une volonté de réussir qui l’emmènera loin. » Tout est dit.

 

Le dernier point est la stabilité politique. Qu’on l’aime ou non, ce régime se caractérise par une très grande stabilité mais aussi une grande réactivité. Les mots d’ordre d’en haut sont appliqués sur le terrain à une vitesse stupéfiante. Un état central stable au service du développement économique. Quelle redoutable efficacité !

 

La conclusion du dernier congrès du PCC est ceci : le modèle de développement de la Chine devait changer. Le changement est toujours douloureux pour les bénéficiaires des rentes en place ; des forces de résistance se mettent toujours en marche pour le retarder. Pour éviter cela, l’idée est d’être un peu plus directif, moins consensuel, pour que les rentiers acceptent de lâcher prise. Le USA ont-ils fait autre chose dans les années 1890 avec leurs lois anti-trust ?

 

En conclusion, voici comment je qualifierais la Chine, bientôt 15 ans après m’y être installé : prête. L’esclave est déjà devenu contremaitre et est en passe de devenir le maitre. Les quelques déboires récents ne sont que l’écume. Les a priori s’envolent ; les atouts restent.


[1] High Net Worth Individuals : catégorie de la population la plus aisée

[2] Cf. Solar power is cheaper than grid electricity in China | World Economic Forum (weforum.org)

[3] Cf. PISA Rankings | PISA Results | PISA Ranking 2019 (schoolinreviews.com)

[4] Cf. Worldwide Inflation by Country 2022 (inflationdata.com)

[5] Taux de la PBOC pour durée > 5 ans. Pour les durées inférieures, le taux est de 3.65%.

[6] Cf. China Is Innovating Faster Than You Imagine (forbes.com)

[7] Les chiffres préliminaires pour 2022 indiquent une nouvelle hausse de près de 8%


jean-louis Lacoste

Conseiller du Président , groupe NORINCO

1 ans

oui tout a fait vrai !!!!

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets