L’ère Ghazouani: des préalables prioritaires face à des citoyens impatients
Pour des Mauritaniens, l’ère Ghazouani n’a effectivement sonné, malgré la cérémonie d’investiture et le discours prononcé à cette occasion, qu’avec la constitution de son premier gouvernement. Celui-ci, fort de sa diversité, de la prédominance du caractère technocrate de ses membres et de l’expérience de son premier chef (PM), est appelé à se mettre au travail technique que nécessite la réalisation des engagements pris par Son Excellence le Président de la République Monsieur Mohamed Cheikh Al-Ghazouani à l’endroit de son peuple.
Ce travail consiste (i) à élaborer la traditionnelle Déclaration de Politique Générale du Gouvernement, (ii) à intégrer le programme électoral du Président de la République aussi bien dans la Stratégie de la Croissance Accélérée et de la Prospérité Partagée 2016-2030 (SCAPP) que dans les stratégies sectorielles et leurs plans d’action et enfin, (iii) à reprendre les organigrammes des Ministères et le déploiement des ressources humaines.
Déclaration de Politique Générale du Gouvernement :
La Déclaration de Politique Générale du Gouvernement est un document qui, normalement, rassemble des objectifs spécifiques et des actions dont la réalisation, permet d’atteindre une autre catégorie d’objectifs inscrits déjà soit, pour une certaine échelle de temps, dans les stratégies sectorielles ou soit, pour une autre plus longue, dans la politique générale du pays (exemple l’actuelle SCAPP 2016-2030).
Face à la contrainte des délais, l’urgence est à la préparation de cette Déclaration et à sa présentation devant le Parlement. Autrement dit, les différents secteurs doivent préparer leurs contributions à cet important document sur la base du programme électoral du Président de la République et des documents référentiels actuels pour l’action de l’Etat et du gouvernement, même si ces documents sont appelés à être, ultérieurement, réactualisés.
Nul doute que dans le cadre de ce travail, l’idéal aurait été, pour les nouveaux Ministres, de repartir de bilans laissés par leurs collègues sortants pour la période 2009-2019 et d’avoir assez de temps pour effectuer une contre expertise de ces bilans, doublée d’un diagnostic exhaustif et judicieusement approfondi pour chaque secteur.
A l’issue de cet exercice, le mieux aurait été encore, toujours pour la nouvelle équipe gouvernementale, de pouvoir actualiser les stratégies sectorielles, réviser les organigrammes et choisir les collaborateurs avant de préparer les contributions de leurs différents secteurs à cette sorte de plan d’action du Gouvernement. A propos, il est suggéré que cette Déclaration-Plan d‘action soit, pour plusieurs autres raisons, faite, cette fois-ci, pour la seule année 2020.
Il est aussi à remarquer que la contre-expertise dont on a parlé plus haut, se justifie par le fait que les bilans laissés sont faits par des cadres habitués à un mode stéréotypé de voir, de réfléchir et d’agir, un mode répondant généralement à la volonté de leurs chefs directs (Ministres) qui, eux aussi, faisaient partie d’un système ayant une vision, des approches et des objectifs qui pourraient ne pas correspondre à la situation actuelle et à la volonté de ses nouveaux acteurs.
En somme, l’essentiel est, à ce stade, que chaque Département Ministériel puisse faire émerger, dans sa contribution, les priorités parmi les engagements du Président de la République dans son domaine et que le gouvernement puisse disposer d’une feuille de route pour une période certainement transitoire, mais qui devra être suffisante pour juger l’action de ce gouvernement et apprécier l’évolution des choses de façon générale.
Organigrammes des Ministères :
En parallèle avec la préparation de sa contribution à la Déclaration de Politique Générale du Gouvernement, chaque Département doit actualiser son organigramme en s’inspirant de la nouvelle architecture de l’appareil de l’Etat et de manière à mettre en exergue les priorités imposées notamment d’un côté, par les orientations générales du Président de la République et de l’autre, par les détails du contenu de son programme électoral.
Dans le contexte actuel, cette question des organigrammes met surtout le Bureau d’Organisation et des Méthodes (BOM) de la Primature devant une responsabilité énorme en ce qui concerne particulièrement l’organisation de l’appareil de l’Etat, des Ministères, de la Présidence et de la Primature.
Quant aux choix des ressources humaines et à leur redéploiement, ils constitueraient des enjeux de taille tant pour un Ministre de tutelle dûment responsabilisé que pour tous les Ministres réunis en Conseil et aussi pour les organes de suivi-évaluation de la Primature et de la Présidence de la République. La vérification des données incluses dans les CV et l’adéquation des profils avec la description des postes à pourvoir, doivent être obligatoires ; l’expérience et la moralité pouvant, provisoirement, être des bonus importants pour départager les cadres qu’on propose pour la nomination et qui auraient remplis les conditions obligatoires.
Intégration du programme électoral du Président de la République dans les documents de référence.
Dans ce processus de réalisation de ce qui a été ici appelé ‘’des réalables prioritaires’’, notre gouvernement devra enchainer l’élaboration et/ou l’actualisation des stratégies sectorielles et de la SCAPP 2016-2030 de manière à y intégrer les engagements du Président de la République dans les différents domaines; le but étant d’harmoniser ces documents de référence pour la politique générale de l’Etat et de répondre aux exigences du programme électoral présidentiel et de ses priorités.
Ensuite, chaque secteur d’activité devra mettre en œuvre, pour la période de validité de sa stratégie, un plan d’action déclinant les objectifs de cette dernière et englobant, bien évidemment, les actions inscrites notamment dans la Déclaration de Politique Générale du Gouvernement pour la seule année 2020, comme déjà proposé.
La réadaptation des organigrammes aux exigences des nouvelles stratégies et un éventuel redéploiement des ressources humaines, pourraient alors être la tâche d’un autre gouvernement, souhaité plus idéal.
Au bout de ce processus adaptatif, il est espéré de voir les institutions de l’Etat devenir fortes et performantes: structures opérationnelles adaptées, ressources humaines objectivement choisies et totalement responsabilisées à chaque maillon de la chaine administrative, respect rigoureux des procédures administratives et de la réglementation, accès équitable aux postes et à tout aut avantage offert par l’Etat, garantie de moyens matériels et financiers en rapport avec les plans d’action, obligation de résultats, instauration du principe de la pinution et de la récompense, etc.
Le renforcement de la mission de suivi-évaluation au niveau de la Présidence de la République et de la Primature et puis le renforcement du rôle de la Cour des compte, aideraient à la promotion d’un Etat de droit.
En ce qui concerne particulièrement le suivi-évaluation, il s’impose de disposer d’outils bien invidualisés au sein des deux Cabinets de la Présidence et de la Primature qui soient capables d’accompagner le processus des réformes envisagées et entamées déjà par la responsabilisation des Ministres dans l’exercice de leurs attributions.
Par ailleurs, il est à souligner qu’en face du temps que doit raisonnablement nécessiter la réalisation des préalables prioritaires ci-dessus décrits (01 Août-tenue de la session parlementaire), il y a des citoyens impatients. Ils sont impatients surtout de voir l’ère Gazouani inaugurée avec des mesures concrètes et capables d’impacter directement les conditions de vie des populations ou de créer, chez elles, des espoirs réalisables.
Attention, même s’ils semblent s’accorder sur le fait de donner une chance au nouveau gouvernement ou un délai de grâce, ne perdons pas de vue que les Mauritaniens changent et que leur vigilance s’aiguise.
Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme