L’ÉCOLE PEUT-ELLE SAUVER LA DÉMOCRATIE ? De François DUBET, Marie DURU-BELLAT - Éditions du Seuil paru en 2020.
« La sociologie de l’éducation est pour l’essentiel une sociologie des inégalités scolaires et une sociologie critique révélant que si la massification a démocratisé l’accès aux biens scolaires, elle n’a pas réduit sensiblement l’impact de l’origine sociale et culturelle des élèves sur leurs performances et leurs carrières. »
François Dubet et Marie Duru-Bellat
L'école démocratique de masse a sans doute réduit les inégalités scolaires, mais elle a surtout transformé le mode de production de ces inégalités en accentuant la compétition dégageant les vainqueurs et les vaincus de la massification.
La promesse des réformateurs du système scolaire entre 1960 et 1975 était de permettre à tous l’accès à un nouveau statut de culture et de connaissance : ouverture de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur au plus grand nombre.
Ainsi l’école est devenue le moteur démocratique de masse, associée à l’idéal de l’égalité des chances méritocratiques.
Mais cet essai écrit à quatre mains démontre l’ambiguïté de cette politique scolaire. Car il est apparu que le système méritocratique, où chacun doit se sentir responsable de son effort et de sa valeur, procédait finalement à un filtrage, une distillation continue, comme le nomment les auteurs. Tous ceux qui n’arrivaient pas à suivre – en raison du contexte culturel ou familial, à cause du rythme de compétition accru, d’un habitat en « quartier difficile » ou d’une assignation à un « établissement à problème » – tous ceux-là sont progressivement exclus.
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Aussi si dans l’école républicaine, les injustices étaient vécues comme étant d’origine sociale, dans l’école démocratique de masse les inégalités scolaires sont vécues comme des épreuves personnelles d’échec ou de réussite.
Autre revers actuel de ce système, très bien décrit dans le chapitre « Des diplômes utiles à tous et à chacun », c’est l’inadéquation entre le rythme de production des diplômes et celui des emplois correspondants, entre la valeur du diplôme obtenu et la « capacité à se vendre » sur le marché du travail. Car Les étudiants, 8 fois plus nombreux qu’il y a 50 ans, s’aperçoivent que, malgré leurs études et leurs réussites, leur position sociale n’en sera pas meilleure lorsqu’ils auront à s’insérer dans le monde du travail.
Autre effet de la massification scolaire : elle accentue la stigmatisation des non diplômés, les plus nombreux, ou des peu diplômés, créant ainsi un creusement des inégalités à partir des parcours d’insertion.
Quand on apprend que 20% des élèves qui entrent au collège ont de grandes difficultés pour lire, écrire et compter, on peut s’interroger sur le coût du développement des filières d’excellence (Grandes écoles, ENA, Polytechnique, HEC), et estimer que « l’on aurait gagné en justice sociale à moins investir dans le sommet de la pyramide éducative pour allouer les sommes ainsi dégagées à la réduction des inégalités entre jeunes enfants ».
Ouvrage captivant et accessible à celles et ceux qui auraient la curiosité voire l’intérêt à s’intéresser au sujet.
Yades Hesse – mars 2022