L’écriture inclusive ou quand le militantisme s’incruste dans la communication et bouscule les inégalités de genre !

L’écriture inclusive ou quand le militantisme s’incruste dans la communication et bouscule les inégalités de genre !

Quand le masculin l’emporte sur le féminin

Une règle simple, dictée par la langue française, que nous apprenons dès lors que nous sommes en âge de manier la langue de Molière. Lorsque nous parlons d’un groupe d’hommes, nous utilisons le pronom ils. Lorsque nous parlons d’un groupe de femmes, nous utilisons celui d’elles. Oui, mais voilà, il suffit que ce même groupe de femmes soit rejoint par un homme pour que le pronom utilisé change. Rien de sexiste selon vous ? Eh bien, détrompez-vous, c’est l’exemple même du sexisme de la langue française.

Saviez-vous que cette règle date enfaite du 17ᵉ siècle, période à laquelle un certain Claude Favre de Vaugelas, grammairien français, décide, dans son œuvre Remarque sur la langue française (1647), que « le genre le plus noble l’emporte » et que « le genre masculin, étant le plus noble, doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble. ». Assez douteux n’est-ce pas ? Cela ne s’arrête pas là, l’Académie française va plus loin en supprimant notamment certains noms féminins de métiers de son dictionnaire. Car oui, avant le 17ᵉ siècle, il y avait des poétesses, des professeuses ou encore des autrices. Le but de cette manœuvre ? Légitimer la pratique des hommes dans ces professions mieux valorisées et délégitimer celles des femmes. « Oui, mais il existe également des métiers dont le masculin n’existe pas » me direz-vous « par exemple sage-femme, il n’y a pas d’équivalent pour un homme ?! Ce n’est donc pas du sexisme ! » Et si ! Il existe des professions qui étaient exclusivement féminines, parce que catégorisées comme telles du fait des valeurs attribuées aux femmes comme la douceur, la patiente, l’empathie, la compréhension, etc. Les hommes à qui on attribue des qualificatifs masculinistes étaient donc mal vu s’ils se dirigeaient vers ce genre de profession. La langue française dès lors qu’elle est régulée par des êtres humains est forcément influencées par la société et son évolution. Il y a du sexisme dans la langue française, c'est un fait (du moins j’espère vous l’avoir prouvé) et il existe des inégalités de genre partout autant vis-à-vis des hommes que des femmes.

Mais qu’est-ce que l’écriture inclusive et pourquoi pose-t-elle tellement problème ?

L’écriture inclusive désigne les différentes règles et pratiques qui cherchent à éviter toute discrimination sexiste par le langage ou l'écriture. Mais pourquoi cette dernière dérange ? La réponse est simple. La politisation et le militantisme dans l’usage la langue française dérange, car ils remettent en cause des ordres établis depuis des siècles, une histoire qui peut faire grincer des dents, mais surtout une identité qui nous est attribué par la langue. Le changement fait toujours peur et il est systématiquement remis en question. Pourquoi changer ? Cela fait des siècles que nous faisons ainsi ! Permettez-moi de vous demander et pourquoi pas ? Pourquoi pas, au nom de l’égalité, se dire qu’il est possible de revoir certains usages de la langue pour tendre à la réalité sociale dans laquelle nous sommes ? Les femmes veulent plus de visibilités, mais surtout une égalité. Et cette égalité passe par une utilisation plus juste de la langue française. Vous pouvez trouver mille excuses pour ne pas pratiquer l’écriture inclusive, même si je suis convaincue que vous le faites déjà parfois notamment en utilisant des formulations telles que le (e). Il suffit d’un peu de bonne volonté et si vous n’êtes pas convaincu par le fait de mettre les deux genres en présence, vous pouvez toujours opter pour le langage épicène. Soit, le fait de ne mettre aucun genre et d’utiliser des mots qui ne varient pas selon qu’ils s’appliquent à un homme ou une femme. Vous adopterez des mots tels que personne, journaliste, artiste, etc. Cela permet de désigner un groupe de façon plus neutre et de gommer les inégalités.

Les règles de l’écriture inclusive

Rassurez-vous, vous ne devrez pas revoir l’entièreté des règles de grammaires déjà existantes en optant pour ce style d’écriture. Ce ne sont que quelques petites habitudes à prendre. Il vous suffit de respecter les règles suivantes :

  •  Mentionner par ordre alphabétique les termes au féminin et au masculin
  • Pour l’accord, faites-le avec le sujet le plus proche du verbe
  • Utiliser un point médian pour marquer le genre des mots

Sur MAC

Agencement de clavier français et belge : Shift + Alt + F / Agencement de clavier suisse francophone, canadien multilingue : Shift + Alt + H / Agencement de clavier anglais, canadien ou allemand : Shift + Alt + 9

Sur PC

Alt + 0 1 8 3 : le point médian apparaît en relâchant Alt / Alt + 2 5 0 : le point médian apparaît en relâchant Alt

  • Ne plus utiliser les majuscules de prestige à Homme ou Femme

Pas si compliqué non ? En attendant d’avoir une police d’écriture épicène universelle et reconnue, vous pouvez consulter le manuel d’écriture inclusive ici pour ne plus faire d’erreurs.

Une communication pour tous·tes mais pas seulement !

En tant que communicante et féministe (j’ai hésité à le mettre celui-là), je mets en pratique l’écriture inclusive et je revendique son utilisation. Pourquoi ? Car je considère que lorsque je rédige un texte, quel qu’il soit, je me dois de parler à tous·tes. Je veux que chacun·e puisse se reconnaître et se sentir concerné·e. N’est-ce pas là l’objectif de toute communication ?      

Aujourd’hui, il me semble toujours risqué de parler d’inégalité de genre. En effet, il peut être très mal vu de se revendiquer féministe dans son milieu professionnel et encore plus en mettant en application une pratique considérée comme militantiste. J’aurais pu simplement vous expliquer les règles de l’écriture inclusive en vous expliquant que c’est la nouvelle tendance pour paraître dans l’aire du temps. Mais je souhaite aller plus loin en vous sensibilisant vraiment à la question des inégalités de genre. Je tiens également à vous mettre en garde sur l’utilisation de l’écriture inclusive. Oui la mettre en pratique, c’est bien, mais elle doit s’accompagner de vraies mesures égalitaires dans votre entreprise. Vous ne devez pas tomber dans du « féminisme washing », soit l’appropriation d’une cause à des fins mercantiles ou pour se donner une bonne image vis-à-vis d’un public de plus en plus sensibilisé à la question du droit des femmes. Commencez par évaluer votre entreprise sur le sujet, mettez en place une grille salariale, encouragez les femmes à prendre plus de responsabilités, proposez des congés parentaux ou des congés paternités. Créez un espace professionnel sans discrimination, sensibilisez vos employé·e·s aux comportements sexistes et déplacés, mettez en place une plateforme de soutien et de recueillement de témoignages. Faites-le avec conviction pour que cela ne passe pas pour de l’opportunisme !

Et vous, quel est votre avis sur la question de l’écriture inclusive et les inégalités de genre dans la langue française ?


Justine Coppex Le 22 juin 2021

Jean-Blaise Held

Codirecteur chez Microplume sàrl, chargé de cours HEIA, mediatrainer, coach en communication

3 ans

Merci Justine! Votre article est fort bien argumenté et convaincant!

Marko Filipec

MA Socioéconomie - Mention: Développement et migration

3 ans

Je suis réticent vis-à-vis de l'écriture inclusive mais je respecte ta démarche. Salutations !

Nicolas Thorimbert

Co-founder & CEO chez Feezy Agency

3 ans

Bravo d’avoir été au bout de tes idées et d’avoir osé poster ton article ! Même si l’on a parfois des divergences et des débats animés, c’est toujours sain et constructif. Et quand on partage et s’exprime avec respect, il y a de toute façon quelque chose d’enrichissant pour toutes les parties impliquées.

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