La course au magasin sans caisse
Selon une étude récente OpinionWay1, 75 % des Français préfèrent effectuer leurs achats du quotidien en magasin. Près d’un Français sur deux prendrait d’ailleurs plaisir à faire ses courses. Mais reste un frein au moment de franchir le seuil d’un magasin : les files d’attente en caisse. Qui n’a jamais rebroussé chemin (moi le premier) à l’entrée d’un magasin en voyant la queue aux caisses ? Elles décourageraient jusqu’à 30 % des clients de finaliser leurs courses ! Un inévitable passage en caisse… Jusqu’à ce qu’Amazon déploie, cette année, sa technologie Amazon Go, qui permet aux consommateurs de partir avec leurs achats sitôt leurs sacs remplis. Une prouesse dont le géant de Seattle n’est désormais plus le seul à pouvoir s’enorgueillir. Monoprix vient également de se lancer dans l’aventure du magasin sans caisse avec sa solution Monop’Easy. Je l’ai testée (par contre j’avais pas le budget pour aller à Seattle ).
Amazon : fusion de capteurs et algos à gogo !
Après la scanette pour simplifier les courses en ligne et fidéliser davantage le consommateur, les surfaces alimentaires rivalisent d’inventivité pour assurer une expérience client agréable en magasin, tout en tentant de minimiser au mieux l’attente une fois en caisse. Caisses automatiques, files d’attente unique, self-scanning… Autant d’innovations qui ont, ces dernières années, permis de désengorger les files d’attentes dans les supermarchés. Mais pas au point de les supprimer totalement. Du moins, jusqu’à ce qu’Amazon, en décembre 2016, révèle Amazon Go, sa technologie pour des magasins sans caisse.
Disons-le d’emblée : le mastodonte de la distribution a misé sur un principe aussi simple que sa technologie est complexe. En résumé : les clients s’identifient en passant leur smartphone – sur lequel ils ont préalablement installé l’application Amazon Go, et activé leur compte – devant une borne à l’entrée du magasin partenaire. Ensuite, grâce à des capteurs disséminés dans le magasin et de puissants algorithmes d’analyse d’image, chaque produit pris ou reposé sur un rayon est comptabilisé dans un chariot virtuel. Ses courses faites, le client sort directement du magasin sans caisse, et son compte est automatiquement débité de ses achats. Magique !
Il aura fallu de nombreux mois de développement avant que cette solution de magasin sans caisse soit enfin, début 2018, déployée dans… une supérette de Seattle. Et cela, après un retard d’un an, lié aux difficultés d’identification précise des consommateurs dans les rayons, et… à la propension des enfants à prendre et reposer des produits en rayon, ce qui désorientait les algorithmes !
Monoprix : un smartphone et c’est tout ?
Flashback : nous sommes en 2016, et Amazon fait la promotion sa solution pour des magasins sans caisse Amazon Go. Réplique (quasi) instantanée de Monoprix, pastichant la campagne d’Amazon… Vantant les mérites de sa solution maison, disponible depuis dix ans : la livraison à domicile !
Drôle ! Mais pas de quoi venir chatouiller Amazon Go sur le terrain des magasins sans caisse, car la livraison à domicile, pour s’affranchir des caisses, n’en fait pas moins patienter le client, qui doit de surcroît être présent, chez lui, pour réceptionner sa livraison. Pas franchement libérateur… Il n’est cependant peut-être pas nécessaire d’aller aussi loin qu’Amazon pour “cracker” le problème du passage obligé par la case caisse. Et même, à bien y réfléchir, la solution était, de longue date, presque toute trouvée. Il suffisait de transposer le self-scanning (vous voyez les douchettes disposées dans les rayons ? Vous y êtes !) au smartphone, et de lui adjoindre une appli couplée à un compte client. Le client scanne les produits avec son smartphone. Ses achats sont débités via l’application. Il ressort du magasin sans passer en caisse. Simple. Au moins en théorie.
En pratique, Monoprix a déployé fin 2017 Monop’Easy dans une poignée de magasins sans caisse. Juste après Walmart qui, suite à un pilote testé en mars 2017, l’a implémentée dans une centaine de ses points de vente aux États-Unis. Si l’enseigne française n’a pas la primeur mondiale, saluons tout de même le chemin parcouru, dans sa quête du magasin sans caisse.
Monop’Easy : le magasin sans caisse à l’épreuve des faits
Disponible, pour l’heure, dans les Monoprix de Clichy et de la Madeleine à Paris, l’application est facile d’usage : il n’y a qu’à indiquer ses coordonnées personnelles et bancaires puis à scanner les codes-barres des produits avec son smartphone. Une fois les courses finies, reste à valider les achats (un coup d’œil sur l’écran, une confirmation via un simple bouton) et le tour est joué : le ticket de caisse est directement disponible sur l’écran, le compte est débité… et la voie est libre. Adieu les caisses !
Mais alors… Pourquoi diable le géant de Seattle s’est-il acharné à développer un système digne des voitures autonomes, si une appli suffit ? Comme souvent, le diable est dans les détails… de l’expérience client.
À l’évidence, Amazon apporte une fluidité inégalable, puisqu’aucun effort n’est requis. Certes, scanner un produit n’est pas épuisant… Mais à raison de quelques secondes pour chaque produit, le temps passé à remplacer soi-même le caissier, peut, pour un caddie bien rempli, être décourageant. D’autant qu’il faut constamment garder son smartphone en main… Avantage clair, donc, pour Amazon Go.
Que devient, alors, l’expérience client Monop’Easy, dans le cas favorable d’une liste d’achat réduite ? Pour le savoir, nous avons interrogé des clients découvrant la solution pour la première fois, dans le magasin de la Madeleine à Paris.
Premier constat : l’intérêt du magasin sans caisse ne se manifeste que dans certains cas d’usage précis. Typiquement, comme l’explique Alba, jeune étudiant, « l’application est réellement utile entre midi et deux, quand on n’a pas le temps et qu’on est “déprimé ” rien qu’à l’idée de faire la queue. » Deuxième constat, quitte à installer une appli pour faire ses courses, il semblerait judicieux qu’elle offre d’autres services. Ainsi Clarisse, une habituée du magasin, dit regretter que sa carte de fidélité n’y soit pas directement associée.
Mais revient surtout la question de la sécurité. Non pas celle des données… Mais celle qui protège contre les usages frauduleux ou le vol. Clarisse, refroidie par l’absence de carte de fidélité, l’est davantage encore par le risque que l’on « vole mon portable et qu’on fasse ses courses avec ». Quant à Emma, chef de projet, très enthousiaste par la possibilité d’éviter les caisses, s’interroge sur le risque de vol de produits : « Comment les agents de sécurité vont-ils différencier les utilisateurs de Monop’Easy des voleurs ? » La question se pose aussi pour Luka, étudiant : « en période d’affluence, contrôler tout le monde va être un vrai casse-tête pour les agents de sécurité. Il va forcément y avoir des voleurs qui vont passer entre les mailles du filet ». Sur ce point, la réponse de Clémentine – elle-même manager en grande surface – donne une idée de la manière dont les promoteurs de ce type de solution envisagent la question de la fraude. « Les vols ne vont pas forcément augmenter avec l’application, nous dit-elle. Quoiqu’il arrive, il y en aura toujours. Mieux vaut favoriser les achats en supprimant les files d’attente aux caisses plutôt que de créer une psychose sur les vols. »
L’avenir dira si elle a raison. Mais aussi bien pour Amazon et Walmart que pour l’enseigne française, la question de l’authentification des consommateurs, ainsi que celle du contrôle de la fraude, ont de grandes chances de constituer un facteur déterminant du succès du magasin sans caisse.
1 OpinionWay – Avril 2017
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