LA CRISE DITE ANGLOPHONE AU CAMEROUN: approche dialectique et ébauches de solutions

Le Cameroun est aujourd’hui enclin à une crise profonde qui ébranle les fondements de son « unité » légendaire, qui jadis a fait l’objet et continuerait de faire l’objet de toutes les convoitises. La crise qui déchire, voire divise aussi bien au sein de l’appareil étatique que de la classe politique mérite aujourd’hui plus que jamais l’attention de tous les fils et filles de ce beau pays à nous légué par nos ancêtres. La sortie du politologue-internationaliste et observateur averti du citoyen que je suis est une tentative de contribution à l’édification d’une NATION FORTE appelé de tous les vœux à la fois par le Président de la République, par la classe gouvernementale et par les camerounais sans distinction de bord politique ou idéologique.

Cette n ième sortie, après des précédentes, toujours en rapport avec la crise sus évoquée intervient à un moment où tout le monde constate l’enlisement, le pourrissement et l’escalade à violence auquel l’on assiste dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-ouest et désormais exporté dans le Littoral avec l’explosion des bombes artisanales dans le voisinage de la Société Camerounaise des Dépôts Pétroliers. Escalade à la violence pour laquelle les sources gouvernementales mettent en avant la thèse d’une attaque terroriste, ni plus ni moins. Tout en reconnaissant la légitimité d’une revendication politico-sociale, fût telle en provenance de la communauté anglophone, non moins camerounaise, c’est le lieu pour nous de condamner avec la dernière énergie de tels attentats perpétrés par une certaine faction « terroriste » et ma foi « sécessionniste », dans une tentative de récupération maladroite des revendications d’une communauté anglophone dont la responsabilité citoyenne et le respect des valeurs Républicaines jusqu’ici exemplaires, connait une réputation nationale et internationale qui ne souffre de rien.

Le ver étant dans le fruit, il convient de se poser les bonnes questions pour trouver les bonnes réponses afin de l’extraire et de sauvegarder ce qui peut encore l’être. Permettez-moi tout d’abord de regretter comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire, le fait que « le temps du Président » au Cameroun a fini par exaspérer des camerounais à qui l’on demande depuis des décennies de « serrer la ceinture », de renoncer au « miracle camerounais » qui leur aurait permis d’avoir droit à un travail décent comme à une vie modeste sans se compromettre moralement, idéologiquement, politiquement ou même spirituellement. Et ce pendant qu’ils assistent dans le même temps à l’orchestration du miracle rwandais, équato-guinéen et autres congolais et gabonais qui sont tous des pays ayant un potentiel de développement de loin inférieur à celui du Cameroun. On en arrive à se poser la question de savoir, si le Cameroun est une République maudite ? Celle qui tue ses génies, suffoque ses entrepreneurs, arnaque ses investisseurs, tait à jamais ses prédicateurs, corrompt son échelle de valeurs, et j’en oublie certainement. L’anglophonie camerounaise aujourd’hui s’estime lésée, j’allais dire phagocytée par son alter ego, la francophonie, pour la simple raison que la rencontre culturelle entre les deux parties-entités politiques de la Conférence de Foumban de 1961 a été purement et simplement mal gérée. Le constat de l’échec est désormais évident pour tous sauf pour les personnes de mauvaise foi.

Pour remédier à ce « choc culturel » il nous semble nécessaire de poser le préalable selon lequel, le gouvernement camerounais devrait consentir à reconnaître le fait que l’anglophonie camerounaise définisse son mieux-être dans le cadre de l’autodétermination calquée sur le modèle britannique de « l’indirect rule » qui rencontre visiblement ses aspirations, peu importe que ce modèle découle de la colonisation ou non, cela leur est légitime et ne porte aucunement atteinte à leur « camerounité ». Ce d’autant plus que c’est en vertu d’un autre héritage colonial qu’ils estiment que le « direct rule » importé du colonisateur français leur est imposé. Or la notion d’ « aspiration des populations à la base » déjà présente dans le paysage économique camerounais dans l’approche de projets développement bottom-top devrait, aisément se reproduire dans le champ politique, puisqu’au final il appartient au peuple, et à lui seul d’exprimer son assentiment ou son dissentiment sur la façon dont il est gouverné, au grand dam de ceux-là qui pensent pouvoir le prendre en otage. A la réalité le peuple est fort. Manquer de le reconnaître serait faire preuve de naïveté.

Une fois que ce préalable est intégré, la mise en place d’un dialogue franc et inclusif est incontournable. A mon sens, l’unique sujet à exclure de la négociation serait la sécession, sans qu’il s’agisse ici d’un passage en force. A ceux qui bénéficient des décrets présidentiels, le saisi cette tribune pour rappeler que le décret de conférant ni la science infuse, encore moins l’apanage du patriotisme, qu’ils s’illustreraient à user de la puissance publique non pour opprimer les camerounais qui paient leurs salaires grâce aux impôts, mais plutôt à organiser des caravanes de paix qui sillonneraient l’étendue du territoire pour effectuer un travail pédagogique consistant à expliquer aux camerounais les bien-fondés d’une unité nationale, d’un vivre ensemble réelle, ce d’autant plus que la notion d’unité semble être davantage un slogan qu’une réalité sociale effective. La résolution de cette crise passera donc inéluctablement par une prégnance de la Nation sur l’Etat. Au lendemain des indépendances, le Cameroun comme les autre pays s’est empressé de matérialiser la présence étatique – ce qui est louable, mais au détriment de la construction de la Nation- ce qui est regrettable. Certes le Cameroun a besoin d’institutions fortes, mais aujourd’hui plus que jamais, le salut viendra de l’érection d’une NATION FORTE. Ce sursaut National habite en chaque camerounais, il suffit d’identifier ses catalyseurs, le football en est un !

Pour sortir, le gouvernement gagnerait à parachever les actions forts louables déjà entamées, mais qui laissent un goût d’inachevé de l’avis de plusieurs observateurs. Entre autres, évoquons celles qui suivent:

Ø Sur la question de la traduction et la mise à disponibilité du droit OHADA aux avocats d’expression anglophone, l’Etat semble n’avoir pas suffisamment intégré le fait que les avocats ont également sollicité une prise en compte accrue des principes du Common Law dans le droit positif OHADA et pourquoi pas dans l’ensemble du droit positif camerounais par anticipation aux revendications futures de même nature, puisqu’il s’agit de solutionner définitivement les problèmes ;

Ø S’agissant de l’augmentation du nombre d’anglophones accédant à la fonction publique camerounaise, l’élite anglophone a proposé en lieu et place du recrutement de magistrats l’ENAM - mesure qui prendrait des années à porter des fruits, l’intégration directe des avocats anglophones dans la magistrature suprême pour rendre justice et dire le droit dans les tribunaux des Régions anglophones - mesure susceptible de porter des fruits en l’espace de six mois. Du reste, la création d’une Section de Common Law à la cour Suprême vaut son pesant d’or ;

Ø dans le même ordre d’idée, l’élite anglophone à tiré la sonnette d’alarme sur le recrutement de 1000 enseignants bilingues en lieu et place de 1000 enseignants anglophones ; réduisant encore et toujours la crise anglophone à une crise linguistique, en se trompant une fois de plus de cible et en courant le risque de ne se raviser qu’après avoir spolié les ressources rares à sa disposition ;

Ø la libération de « certaines » personnes et la détention de certaines autres, arrêtées et détenues dans le cadre de la crise anglophone, sans aucune communication officielle sur les raisons justifiant la détention continuelle des autres, reste une pilule amer en travers de la gorge d’une franche de la population. Alors même que l’on avait cru lire, en tout cas, dans l’esprit du Communiqué de la Présidence de la République une mesure d’apaisement, une solution politique (et non juridique) à une crise politique, à l’instar des crises politiques de même nature au Rwanda, en Afrique du Sud, ou encore en Côte d’Ivoire où des Commissions Vérité et Réconciliation et autres Palabres Communautaires ont vu le jour pour apporter des réponses politique lorsque la Nation toute entière s’est retrouvée dans l’impasse.

Ø  Il y a également comme une arrogance condescendante chez les bénéficiaires des décrets présidentiels qui suscite un sentiment de mépris à l’endroit du peuple et font que les premiers ne se sentent pas l’obligation de rendre compte au peuple souverain. Cette situation serait elle-même la cause d’une hyper centralisation du pouvoir au centre et notamment au sein de la fonction présidentielle, au détriment de la périphérie représentée par les Régions. Il faut accuser avec la dernière énergie cette constitution de janvier 1996 qui n’a pas fini de se mettre en place progressivement après 21 ans ! Où est passé le Conseil Constitutionnel, où sont les Conseil Régionaux, qu’attend encore l’article 66 pour entrer en application ? Des exemples pareils il y’en a tellement qui n’ont pas encore trouvé « l’opportunité » d’entrée en application, au risque de laisser croire que ces dispositions constitutionnelles ne sortiront jamais de leur longue hibernation.

In fine, le gouvernement gagnerait à faire et à faire savoir, pour que nul n’en ignore…

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