La CSRD, un tournant majeur pour la finance durable ?

La CSRD, un tournant majeur pour la finance durable ?

La nouvelle directive CSRD [1]établit des règles de reporting de durabilité ambitieuses pour les grandes entreprises opérant dans l'UE à partir de 2025. Cette réglementation va considérablement augmenter la quantité et la qualité des données environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) publiées par les entreprises soumises. Mais avec quelles conséquences ?

Figure 1: calendrier de mise en oeuvre de la CSRD (source EcoAct 2023)

Pour les entreprises concernées au premier niveau :

La CSRD s'appliquera progressivement à environ 50 000 entreprises dans l'UE, contre seulement 11 700 pour la précédente directive sur le reporting extra-financier (DPEF[2]). C’est une augmentation significative du nombre d’entreprises tenues de publier des informations en matière de durabilité. Toutes les grandes entreprises cotées, les banques et les assurances seront impactées, ainsi que de nombreuses PME dépassant certains seuils.

La CSRD les oblige à publier des plans d'action chiffrés et audités par un tiers indépendant sur de multiples enjeux ESG comme le climat, la biodiversité, les droits humains, etc.

Un défi de taille pour rendre les modèles d'affaires compatibles avec l'Accord de Paris sur le volet climatique par exemple, chaque entreprise devra détailler sa stratégie concrète pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et s'aligner sur une trajectoire de réchauffement limité à 1,5°C d'ici 2050.

La CSRD n'est donc pas un simple exercice de reporting mais un puissant accélérateur de la décarbonation de l'économie.

Le volume de données ESG à produire va exploser, passant d'une trentaine d'indicateurs dans la DPEF à plusieurs centaines dans la CSRD. Mais cette réglementation représente aussi une opportunité pour ces entreprises. Avec sa norme ESRS[3], la directive apporte aux entreprises un outil complet permettant de structurer l’approche pour la prise en compte des enjeux de durabilité, et donne un cadre normé (comme l’IFRS[4] pour les états financiers) à la définition et la mise en œuvre d’une politique de durabilité pertinente. Par ailleurs, publier des données ESG fiables et certifiées par l’audit au même titre que les données financières leur permettra d'attirer les investisseurs responsables et de valoriser leurs efforts de durabilité.

Figure 2: Structure de la norme ESRS (source AMF 2024)

Pour les utilisateurs des données ESG :

Quelles conséquences pour les Asset managers d’OPCVM:

La CSRD va permettre une standardisation des données extra-financières à l'échelle européenne. Aujourd'hui, les agences de notation extra-financière facturent des millions d'euros à leurs clients pour des données souvent parcellaires ou des notations basées sur des modèles propriétaires. Grâce à la CSRD et son format xHTML[5]/xBRL[6], des milliers de gérants d'actifs pourront accéder à des données publiques certifiées, à moindre coût, par type d’enjeu avec 3 conséquences :

1.     Faciliter le classement des fonds en catégories "Articles 8" ou "Article 9" du règlement SFDR[7]

Après que l'ESMA (autorité de l'Union européenne chargée de la protection des investisseurs et de l'intégrité et de la stabilité des marchés financiers) ait précisé que les fonds article 9 ne pouvaient investir que dans des « sustainable investments », à l’exception des liquidités et des actifs utilisés à des fins de couverture, plus de 300 fonds ont été rétrogradés fin 2022 selon Morningstar.

Désormais, l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) recommande de vérifier des critères bien plus précis pour justifier du classement des fonds, sous peine d’être taxé d’écoblanchiment. En particulier, l’AMF propose d’imposer un pourcentage d’alignement taxinomique, introduisant ainsi un critère technique contraignant. Ce à quoi les fonds sont réticents aujourd’hui par manque d’accès à des données fiables sur ce thème.

Figure 3: AMF – Critères environnementaux minimaux du Sustainable investment (Source : EcoAct, 2023)

Avec la CSRD, les sociétés de gestion disposeront de données extra-financières standardisées, auditées et fiables sur les entreprises dans lesquelles leurs fonds ont des participations. Elles pourront ainsi justifier beaucoup plus facilement l'alignement de leurs fonds avec les caractéristiques environnementales ou sociales attendues (Art. 8) ou les objectifs de durabilité et contribution substantielles visées (Art. 9).

2.     Réduire la dépendance aux agences de notation extra-financières

Actuellement, de nombreux asset managers externalisent l'analyse ESG de leurs portefeuilles à des agences de notation payantes, faute de pouvoir accéder aux données brutes publiées par les entreprises. Avec la CSRD, cette mine d'informations certifiées sera accessible gratuitement. Les gérants pourront réaliser en interne une grande partie du scoring ESG et s'affranchir des coûts importants facturés par les agences.

Les 20 plus grandes agences de notation facturent plus d’1 milliard milliards[8] de dollars par an aux asset managers pour leur fournir des données ESG, dont plus de 60% en Europe. La CSRD devrait donc permettre d'importantes économies pour le secteur de la gestion d'actifs cotés.

3.     Proposer de nouveaux produits thématiques

La granularité des données exigées par la CSRD permettra aux asset managers de développer des fonds très ciblés sur des enjeux durables spécifiques comme le climat, l'économie circulaire, l'égalité femmes-hommes, etc.

Ils pourront ainsi répondre aux attentes d'investisseurs de plus en plus friands de produits à impacts mesurables sur des problématiques sociétales ou environnementales précises, parfois eux-mêmes contraints par une trajectoire sur leur participations (ex. trajectoire bas-carbone prévoyant la réduction d’émissions de Gaz à Effet de Serre émanant des investissements).

En offrant un accès facilité et moins coûteux à des données ESG fiables et régulières, la CSRD est ainsi une nouvelle opportunité pour les gestionnaires d'OPCVM d'intégrer pleinement les critères ESG dans leurs processus d'investissement et de gagner en crédibilité sur la finance durable.

 

Quelles conséquences pour les Asset managers de fonds en Private Equity:

Avec plus de 1 000 milliards d’euros d’actifs sous gestion, selon PitchBook dans son rapport 2023 sur la répartition du capital-investissement, le private equity représente un pan majeur et très dynamique de la gestion d'actifs en Europe. Dans la sphère du non-coté, la CSRD va aussi faciliter l'alignement des portefeuilles sur les critères ESG. Aujourd'hui, construire des fonds éligibles à l'article 9 de la SFDR est un défi de taille pour les gestionnaires d'actifs privés en raison du manque de données fiables.

Figure 4: Volume d'actifs en PE sous gestion (source PitchBook 2023)


1-    Se différencier par ses ambitions de durabilité

Avec la CSRD, ils vont accéder enfin à des données ESG de qualité et standardisées sur leurs participations non cotées, qui ne publiaient que peu ou pas d'informations extra-financières jusqu'à présent. La CSRD devrait ainsi permettre aux investisseurs d'avoir enfin une visibilité sur les impacts réels de leurs participations.

Sur cette base, ils pourront enfin définir des feuilles de route RSE ambitieuses chiffrées pour décarboner leurs portefeuilles et créer de véritables fonds à impact environnemental et social. Une offre permettant de se démarquer de la concurrence et de répondre aux attentes des investisseurs soucieux d'orienter leur épargne vers des contributions substantielles au enjeux de durabilité environnementaux ou sociaux (ex. pour satisfaire un objectif d’alignement à la   taxonomie pour un corporate).

2-    Redynamiser la finance durable

Ils disposeront dorénavant d'une mine d'informations sur les entreprises de leur portefeuille pour mieux évaluer et piloter leur impact environnemental et social. Ils pourront ainsi mieux valoriser leurs démarches auprès des investisseurs institutionnels et des family offices, de plus en plus demandeurs de transparence sur l'impact extra-financier de leurs placements. Selon une étude de Coller Capital, 92% des investisseurs institutionnels considèrent les critères ESG comme importants ou essentiels dans leurs décisions d'investissement en private equity.

3-    Développer une offre de fonds distinctive

Grâce à la granularité des données CSRD, le private equity sera en mesure de créer lui aussi des fonds d'investissement très ciblés sur des enjeux de durabilité spécifiques : fonds "transition énergétique", fonds "agriculture durable", fonds d'impact territorial, etc.

Une offre de niche permettant de se démarquer de la concurrence et d’attirer des investisseurs soucieux d'orienter leur épargne vers des objectifs environnementaux ou sociétaux précis.

 

En conclusion, la CSRD représente une avancée majeure pour mieux évaluer, valoriser et promouvoir les engagements en faveur du développement durable. Avec cet afflux de données extra-financières standardisées, la finance d'utilité va enfin pouvoir se concrétiser à grande échelle.

 

Cet article vous est proposé par Darwin X

Darwin X et son équipe d’experts accompagnent les entreprises de tous secteur et les professionnels de l’investissement dans la définition et la mise en œuvre de leur stratégie RSE, leurs objectifs de durabilité, l’intégration des critères ESG dans leurs produits et services, la réduction de leur empreinte carbone, et la production et l’utilisation de données ESG réglementaires et d’activité de qualité.

www.darwin-x.com/rse

 

 

 

 


[1] Corporate Social Responsibility Directive - Règlement délégué (UE) C(2023 /5303)  du 31 juillet 2023 de la commission complétant la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les normes d’information en matière de durabilité

[2] Déclaration de Performance Extra-Financière - Directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes

[3] European Sustainability Reporting Standard - Norme européenne d’information en matière de durabilité – Annexe 2 du Règlement délégué (UE)C(2023/5303)

[4] International Financial Reporting Standards - Règlement (CE) No 1606/2002 du parlement européen et du conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales


[5] Extensible HyperText Markup Language – Langage de programmation servant à écrire des pages pour le Web.

[6] eXtensible Business Reporting Language - Langage informatique basé sur XML qui a été conçu expressément pour l'automatisation des exigences d'information des entreprises. Combiné au xHTML, il permettra la lecture automatisée des données de durabilité depuis les publications internet des entreprises.

[7] Sustainable Finance Disclosure Regulation - Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers

[8] Source : Optimas 2020

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