La culture d'entreprise à l'épreuve de l'internationalisation

Management - challenge · 5 janvier 2017

Abdelkrim LAMOURI, Consultant - Doctorant en Management et Ingénierie des Organisations

La culture d’entreprise, levier de cohésion et d’efficacité voit ses fondements s’éroder avec l’avènement de l’internationalisation. Les palliatifs sont malheureusement inefficaces car fortement imprégnés de paradigmes d’une autre époque, celle de l’entreprise locale, des espaces réduits et de codes communicationnels partagés. L’expérience nouvelle des entreprises marocaines dans le continent africain doit en tenir compte afin d’éviter des dégâts parfois irréparables.

1 - La communication tacite, premier fondement sacrifié

Lorsque les entreprises se déployaient localement dans des espaces géographiques réduits elles n’avaient pas à gérer les difficultés de la transmission d’informations. Ces dernières, souvent pertinentes pour la bonne marche des affaires nécessitent, à cause de l’internationalisation, d’autres voies, au risque d’interprétation, voire d’incompréhension. En effet, quelle que soit leur diversité, les nouvelles technologies de communication ne remplacent pas la communication implicite et fluide entre autochtones partageant le même cadre de référence.

Avec la distanciation, les entreprises font les frais de la communication non verbale, des codes langagiers simplificateurs de messages et moteurs de compréhension. Les ambiguïtés, les dissonances et les mauvais décodages des signifiants et signifiés sont le lot de difficultés nouvelles que connaissent les corporates entre sièges et filiales internationales.

2 - La rupture entre culture locale et culture internationale

L’un des premiers dégâts de l’internationalisation est l’apparition de groupes, voire de clans, entre ceux qui vivent ensemble et ceux qu’on ne voit pas souvent, voire jamais. Les principes sacrés de la communication interne se voient bafoués : l’appartenance à l’entreprise, l’esprit de groupe, l’empathie et la solidarité n’ont plus le même sens que dans l’entreprise locale. Les entreprises anglo-saxonnes ont connu ces difficultés dans les pays asiatiques où la prise de décision est un processus long, concertée et collectivement entreprise. Les visioconférences n’arrangent pas grand-chose lorsqu’il s’agit de différences culturelles profondes.

La confrontation entre cultures est aussi l’un des problèmes majeurs de l’internationalisation. Le management par objectifs, rationnel et égalitaire des entreprises internationalisées se heurte souvent aux cultures managériales autochtones. En Chine, où le management est hiérarchisé cette confrontation ne s’est pas faite sans difficultés, voire rupture avec certaines entreprises occidentales. Au Mexique par exemple, exprimer son désaccord est une erreur grave de comportement au sein d’une entreprise au moment où les pratiques évoluées du management cultivent le désaccord pour plus de créativité et d’amélioration.

3 - Comment développer une culture internationale adaptée

Tout le challenge des entreprises qui s’internationalisent est de s ‘adapter aux marchés internationaux sans perdre leur ADN culturel. Les expériences cumulées des entreprises pionnières en la matière révèlent les chemins du succès suivants :

• Le premier est de connaitre et comprendre l’impact de la différence entre la culture locale et celle de son entreprise. Cette différence est à chercher au niveau du processus de prise de décision : est-il collectif et concerté ou vertical et hiérarchisé ? Quelles valeurs consacrent les managers : la rigueur et la précision ou la souplesse et la flexibilité ? Une méthodique génère un bon diagnostic révélant les différences dans leurs dimensions variées.

• La parole doit être partagée et les réunions préparées avec un ordre du jour envoyé bien à l’avance. L’une des hantises des cadres des filiales est d’être bombardés de dossiers à traiter, d’information à analyser et vérifier, sans tenir compte des décalages d’horaires par exemple.

• Adapter son langage avec des codes simples et développés progressivement d’une manière uniforme, collective et respectueuse des pratiques de chaque pays.

• Aider les employés autochtones à s’adapter aux managériales de votre entreprise avec des références de plus en plus partagées par tous.

• Eviter que dans chaque filiale le personnel est à 100% autochtone ; cela génère des chocs incalculables. Développer un brassage des ressources humaines et en faire une valeur managériale dans chaque unité.

L’expérience nouvelle de nos entreprises dans le continent africain doit s’accompagner d’action effective de traiter la problématique culturelle. Il ne faut surtout pas agir après coup ; les dégâts, dans ce cas, seraient coûteux.

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