La discrimination raciale, odieuse et dangereuse
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La discrimination raciale, odieuse et dangereuse

L'actualité m'invite à faire un point spécial sur le motif discriminatoire de la race et son appréhension par les juridictions européennes.

La Cour européenne des droits de l'Homme: une atteinte aux valeurs européennes

La Cour européenne des droits de l'Homme a élaboré au fil de sa jurisprudence une gradation dans les motifs de discrimination, certains conduisant à un contrôle plus strict que d'autres. Ainsi, le motif de la race (qui comprend, pour la Cour, l'origine ethnique) fait partie du sommet de la hiérarchie, tout comme la nationalité et le sexe (qui inclue l'orientation sexuelle).

La Cour considère que "la discrimination raciale constitue une discrimination particulièrement odieuse qui, compte-tenu de la dangerosité de ses conséquences, exige une vigilance spéciale et une réaction vigoureuse de la part des autorités. Celles-ci doivent recourir à tous les moyens dont elles disposent pour combattre le racisme, renforçant ainsi la conception démocratique de la société dans laquelle la diversité est perçue, non pas comme une menace, mais comme une richesse" (Sejdic et Finci c. Bosnie-Herzégovine, 22 décembre 2009, §43).

Il s'en suit qu'aucune différence de traitement exclusivement fondée sur ce motif ne pourra être justifiée: toute différence de traitement exclusivement fondée sur la race constitue une discrimination. La jurisprudence admet même qu'une discrimination fondée sur la race puisse constituer un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la CEDH (Com. EDH, 35 Asiatiques d'Afrique orientale c. Royaume-Uni, 1978, §2).

Cependant, ce n'est pas dans les arrêts de la Cour européenne que l'on trouve le plus de précisions sur la vigilance spéciale que les Etats doivent mettre en oeuvre dans le cadre de la lutte contre la discrimination raciale. Les décisions du Comité européen des droits sociaux sont, sur ce point, plus développées.

Le Comité européen des droits sociaux: les contours de la vigilance spéciale

Le CEDS tire les conséquences de l'obligation d'attention spéciale mise au jour par la Cour européenne. Dans sa jurisprudence, on trouve les contours de l'action positive que les Etats doivent mettre en place pour se conformer à leurs engagements internationaux: simplement se contenter de ne pas discriminer n'est pas suffisant. Puisque l'un des objectifs intrinsèques de la Charte sociale est de favorise l'inclusion sociale (CEDR c. Italie, 2007). Ainsi, l’État doit prendre en compte, à travers un comportement actif, la différence qui se présente à lui afin de garantir l’égalité des chances et protéger convenablement les minorités vulnérables.

Il interprète la Charte sociale comme imposant aux États non seulement de prendre en compte et d’agir en fonction des différences qui peuvent exister entre les individus mais aussi, et peut-être surtout, de voir cette différence comme un enrichissement social et non comme un problème social à éradiquer (CEDR c. France, 2009, §83). Le CEDS affirme donc que le traitement identique n'est pas suffisant, en particulier dans le cadre de la lutte contre la discrimination raciale et ethnique.

Partant de ce constat, le CEDS indique aussi que « si l’on sait qu’une certaine catégorie de personnes fait ou pourrait faire l’objet d’une discrimination, il est du devoir des autorités de l’État de recueillir des données pour mesurer l’ampleur du problème » ; plus encore, une telle collecte constitue « une première étape » permettant d’atteindre l’objectif de réduction des inégalités. Ainsi, l’absence de données précises et détaillées est de nature à indiquer que l’État n’a pas fait de progrès dans l’effectivité des droits garantis par la Charte sociale européenne (CEDR c. Italie, 2005, §23).

A retenir

Le continent européen dispose d'outils et de directives pour lutter clairement et efficacement contre la discrimination raciale, qu'elle provienne de l'Etat ou d'un particulier. En plus du droit national, le contrôle extérieur opéré par les organes européens de protection des droits constitue une surveillance additionnelle à celle des juridictions nationales. Le rôle de l'avocat dans la mobilisation de ces outils est essentiel pour permettre leur permettre de jouer pleinement leur rôle.

Manuela Brillat

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