La gratuité des transports en communs va-t-elle faire décroître l’usage de la voiture ?
Jean Coldefy, expert indépendant, Directeur du programme Mobilité 3.0 à ATEC ITS France, ancien responsable adjoint du service mobilité urbaine à la Métropole de Lyon
Plusieurs collectivités ont engagé une réflexion sur la gratuité des transports publics en Ile de France. Cette démarche s’inscrit dans un débat autour de la place de la voiture en zones denses, qui outre la consommation d’espace, génère une pollution perçue comme étant la première cause d’anxiété chez les habitants. L’Ile de France a le record d’Europe de bouchons avec 400 km recensés quotidiennement. Il s’agit ainsi avec cette mesure de rendre les transports en commun plus attractifs. Cela va-t-il vraiment se passer comme le pense les initiateurs de la gratuité ?
Ces débats lancés par les responsables politiques autour de la gratuité des transports publics, du péage urbain montrent bien que le couple actuel « plus d’infrastructures et régulation des flux automobiles par la congestion » interroge sur sa soutenabilité et son efficacité en matière environnementale, dont les enjeux sont colossaux, et urgents. Les records annuels toujours dépassés en matière d’émissions de CO2 et de températures appellent à des mesures à forts impacts (voir à ce titre le récent article dans le blog du monde, très bien documenté et particulièrement alarmant : http://huet.blog.lemonde.fr/2018/08/16/juillet-2018-canicules-et-fonte-des-glaces/)
Dans ce paysage, des porteurs privés de solutions, basées notamment sur le numérique, laissent entendre qu’ils viendront optimiser le système de mobilité voire le disrupter. En est-on si sûr ? Les technologies offrent indéniablement des marges de manœuvres, mais sauront-elles seules nous faire changer de modèle ? Le covoiturage et l’autopartage ne trouvent pas encore leur modèle économique indépendant des fonds publics, et touchent un public très restreint : le bilan du covoiturage en Ile de France pendant les grèves SNCF et la subvention d’Ile de France Mobilité est de 2000 trajets /j sur un total de 40 000 000 ! Le bilan national de l’autopartage fait apparaitre une clientèle aisée (3700 € mensuel soit 2 fois le revenu médian), 75% BAC +5, utilisant les véhicules pour l’essentiel le WE sur des distances moyennes de 80 km.
Le véhicule autonome aura des défis technologiques considérables, son usage (partagé ou privé), la mixité ou non des voiries qu’il utilisera, son modèle économique sont autant de difficultés à résoudre. Les acteurs de l’éco-système le reconnaissent sans mal : la route est longue, très longue pour passer de la promesse à la réalité.
Le véhicule électrique, qui très probablement se déploiera essentiellement dans sa version hybride rechargeable, s’il adressera partiellement l’enjeu de pollution, faiblement celui des émissions de CO2 (tout dépend du mix énergétique du pays), ne résoudra en rien l’enjeu de l’occupation de l’espace public, tout comme le VA individuel : une fois que l’on aura des bouchons de voiture propre il faudra sans doute se poser les vraies questions.
Cet article vise à analyser la mesure gratuité des transports et la resituer dans un contexte plus global, en partant d’abord des besoins de mobilité, des mesures à déployer pour une mobilité raisonnée, moins consommatrice d’espace, écologique, et soutenable financièrement.
Quel est le choix des usagers et comment opèrent-ils leurs choix modaux ?
Les choix des usagers en matière de mode de transport se basent d’abord sur l’existence d’une alternative (celle-ci existe-t-elle toujours en Ile de France ?) puis sur 3 critères : le temps de transports, le cout et le confort.
Une première observation est qu’alors qu’en Ile de France, comme ailleurs en France, l’usager ne paie que 25% des couts d’exploitation (à l’exception notable de Lyon : 60%), la part du cout dans le choix modal est déjà très faible. Dés lors l’impact de la gratuité généralisée sera lui aussi faible. Ce d’autant plus que l’industrie automobile avance : nous ne sommes pas dans un monde avec des technologies figées, bien au contraire.
Si l’on compare 1970 à 2016, on peut s’acheter aujourd’hui 2,5 fois plus d’essence avec une heure de smic. La consommation des véhicules a par ailleurs été réduite de moitié sur la même période. Le prix du pétrole compte tenu de l’explosion à la hausse des réserves a été divisé par deux en quelques années. Il devrait durablement s’établir aux alentours de 65 $ le baril hors contexte géopolitique. Enfin, la mise sur le marché d’ici 2020 de véhicules urbains hybrides rechargeables par tous les constructeurs automobiles mondiaux va encore diviser par deux la consommation des véhicules (pour arriver à 2l/100 km), avec qui plus est des véhicules propres en ville car fonctionnant à l’énergie électrique. En soit, ce sera un progrès pour la qualité de l’air, mais si rien n’est entrepris nous assisterons rapidement à une augmentation forte des problèmes de congestions, avec des bouchons de voitures propres. En 2020, le cout d’usage de la voiture hybride rechargeable sera comparable à celui des transports en commun, même avec abonnement et participation à 50% de l’employeur. C’est un grand paradoxe, mais le signal prix envoyé aux usagers est clair et produira inévitablement son effet : la circulation automobile augmente et augmentera si les pouvoirs publics restent inactifs.
Evolution du cout de la voiture (Source Jean Pierre Orfeuil Université Paris -Est) / Evolution de la couverture des couts d’exploitation des transports en commun par l’usager : On le voit la course des transports en commun est impossible face à la voiture.
Aujourd’hui, alors que le cout d’usage de la voiture est 2 fois plus élevé que celui des Transports en Communs, celle-ci, dans les comptes transports de la nation 2017 qui viennent juste d’être publiés, occupe 80% de la part modale. On le voit le cout des transports en communs dans le choix modal est aujourd’hui en France marginal (et l’analogie avec le transport de marchandise est forte : le transport routier coute beaucoup plus cher que le ferré, cela ne l’empêche pas d’assurer 88% des tonnages transportés).
Faut-il en déduire que les français et les franciliens seraient accrocs à la voiture ? La réalité est évidemment tout autre : les alternatives à l’usage de la voiture sont d’autant plus faibles que l’on s’éloigne du centre des agglomérations, qui concentrent les emplois. Il faut ainsi faire particulièrement attention à un discours culpabilisateur, qui ne part pas des solutions réelles de mobilité des populations. C’est ce qui explique notamment qu’à Paris intra-muros la part modale de la voiture est de 20% et de 10% pour les actifs (source EGT IdF) : l’alternative à la voiture est forte et efficace en termes de temps de parcours, il n’est donc tout simplement pas sensé d’utiliser sa voiture. Ailleurs en Ile de France, la réalité est tout autre.
Part modale des actifs selon les territoires
Une concentration des emplois et un allongement des distances D/T
L’Insee et différents instituts ont évalué les créations et destructions d’emplois sur le territoire. Leur diagnostic est sans appel comme le montre le graphique ci-après : le phénomène de concentration des emplois dans les aires urbaines est majeur.
Evolution des dynamiques d’emplois selon les territoires
Par ailleurs, les prix des logements dans les grandes agglomérations ont explosé depuis 20 ans. Cette évolution a poussé de nombreuses catégories à s’éloigner des cœurs de ville : Paris compte ainsi plus de 40% de cadres (16% sur le plan national), Lyon 30% (x 3 en 40 ans) contre 10% d’ouvriers (division par 3 en 40 ans).
La conséquence de ces mutations est un allongement des distances domicile travail, constaté dans toutes les agglomérations. La carte ci-après est particulièrement éclairante : elle visualise la polarisation des zones d’emploi et l‘allongement des distances pour aller travailler bien au-delà des 15 km moyen constaté des déplacements, pour se situer souvent vers 30 voire 60 km de trajet entre son lieu de résidence et son lieu de travail. Les distances et les durée moyennes journalières (4.4 km, 1h20 / j en Ile de France / 15 km, 1h/j ailleurs en France) des enquêtes ménage déplacements recèlent de très grandes disparités !
Allongement des distances D/T sur l’AU de Paris – distances D/T sur l’Ile de France (source INSEE, Vinci, A Broto)
Il y a une inadéquation entre l’offre de mobilité alternative à la voiture et les bassins de vie de l’Ile de France. C’est ceci qui génère des flux de véhicules qui viennent saturer les réseaux routiers. Tant que l’on n’aura pas mis en place une alternative efficace à l’usage de la voiture, il y a très peu de chance que le facteur cout vienne impacter les comportements de manière massive. S’il y a des usages excessifs évidents de la voiture, notamment sur les faibles distances, il y a aussi, et surtout une inadéquation entre l’offre et la demande[1]. Les usagers veulent ils des transports gratuits ou plus de transports répondant mieux à leurs besoins ?
Les retours d’expérience sur la gratuité
La gratuité est surtout le fait de petites agglomérations dans le monde, et toutes les grandes agglomérations l’ayant expérimentée (Portland, Austin, Denver, , ...etc) sont revenues en arrière pour des raisons de :
- financement du développement des réseaux, indispensable avec la croissance des villes,
- baisse de la qualité de service
- et d’augmentation des incivilités
Par ailleurs, cela n’a pas eu pour effet de limiter le trafic automobile : il y a eu une substitution dans les voyageurs utilisant les transports en communs. Le rapport du ministère américain des transports sur le sujet est particulièrement éclairant sur ce point (www.dot.state.fl.us/research-center/Completed_Proj/Summary_PTO/FDOT_BC137_38_FF_rpt.pdf).
A Tallin, où la gratuité des transports vient d’être mise en place dans cette agglomération de 400 000 habitants, il est frappant de constater les larges espaces de voiries offerts à la voiture (des 2 x 3 voies en zones urbaines !), la faible densité de l’agglomération (2000 habt au km2, soit 10 fois moins qu’à Paris) rendant encore plus complexe la desserte en transports en commun, et la quasi absence des vélos. Dés lors on ne peut être que dubitatif sur l’impact de cette mesure sur le trafic routier.
En France, l’introduction des abonnements a rendu nul le cout marginal d’un déplacement. Cette mesure a été mise en place à l’origine pour simplifier la vie des usagers réguliers, 75% des utilisateurs (et contrairement aux réseaux de provinces, 70% des recettes), qui devaient tous les jours acheter leurs tickets de transports. L’un des effets de cette gratuité partielle, a été de remettre des piétons dans les bus et les métros ! Ainsi à Lyon 25% des usagers de la ligne A en centre-ville font une station, 300 m. Les effets de bord de la gratuité ne sont pas ceux que l’on croit.
Par ailleurs, les technologies actuelles permettent de simplifier la vie des usagers sans forcément rendre les transports gratuits tout en augmentant l’usage : dématérialisation des titres sur carte ou téléphone. De manière plus rustique, les ventes de tickets par SMS dans les réseaux ouverts (Rouen, Reims par exemple) connaissent un franc succès avec des usagers préférant payer plus cher par ce biais que l’achat de carnets de 10, pour simplement éviter de faire la queue devant des distributeurs ou de frauder compte tenu des temps d’attente pour acheter le service : ce système simplissime a augmenté la fréquentation et diminué les couts d’exploitation, et est tout simplement rentable !
Nancy à l’opposé de la gratuité pour tous, vient par ailleurs d’introduire le paiement à l’usage des transports en communs, une initiative à suivre sur l’impact sur la fréquentation.
La gratuité se justifie pour les publics en fragilité et à faibles ressources, où le cout peut peser de manière importante voire empêcher de se déplacer. C’est à l’aune des ressources individuelles que la gratuité de la mobilité doit être évaluée, en quoi se justifierait t’elle pour tous par principe ? C’est tout l’objet des tarifications solidaires qui se sont mises en place à Strasbourg, Grenoble, ...etc.
Enfin ajoutons que le prix d’un pass navigo est de 77 € à Paris, 140 à Madrid, 190 à Berlin, 400 à Londres. 77€ si l’on déduit la participation employeur pour les salariés, c’est 1.2 €/j pour se déplacer dans toute l’Ile de France à volonté ! Pour les étudiants le forfait ImaginR est de 350 €/an, soit sur 10 mois, le même cout journalier. On ne peut pas dire que la contribution est forte individuellement, même si globalement les sommes en jeu sont importantes pour la collectivité.
La gratuité en Ile de France, un impact financier majeur
Ile de France Mobilité a fortement accrue l’offre de bus et de tramway, le projet du Grand Paris Express viendra déployer un réseau ferré extrêmement important. Ces investissements montrent qu’il est clair pour les décideurs qu’il faut construire les alternatives au-delà de la seule commune de Paris, là où l’offre alternative à la voiture est plus faible.
Bilan de l’offre nouvelle en IdF entre 2005 et 2015 (source rapport activités STIF 2015 et Mensia Conseil)
Ceci n’est pas sans impact sur les finances publiques, et la soutenabilité tant en investissement qu’en fonctionnement est une question clef : le budget du STIF de 9.5 MM d’€ actuellement devrait passer en tendanciel à 15 MM d’€ en 2030 :
- L’impact du GPE devrait être de 1 à 1.2 MM€ / an
- La dérive du socle d’exploitation est de 300 M€ /an (constaté sur les 5 dernières années)
Les recettes des usagers en 2016 représentent 3.5 MM€, la gratuité totale généralisée va évidemment renforcer la difficulté de l’équation financière et le développement du réseau pourtant indispensable : + 9 milliards annuels à trouver, ceci sans prendre en compte les frais financiers nouveaux du fait des très gros investissements programmés par IdF Mobilité sur le matériel roulant qui vont faire très sensiblement augmenter sa dette. Sauf à augmenter une fois de plus le versement transport, impôt unique en Europe, alors que celui-ci représente déjà 7 points de marge (EBE) des entreprises en Ile de France (idem sur la métropole de Lyon) : c’est très exactement ce qui sépare la France de la moyenne européenne. Ce faible taux de marge des entreprises françaises, l’un des plus bas de l’UE, les pénalise pour investir, innover et créer des emplois. Dans le contexte d’une économie ouverte cette option entraine de forts effets de bords elle aussi.
Augmenter la part des transports en commun et diminuer le trafic : les modèles qui fonctionnent
Il y a d’autres voies que celle du financement sans fin de la mobilité individuelle par l’impôt, tout en agissant sur les parts modales.
L’exemple de Lyon l’illustre parfaitement avec depuis plus de 20 ans un effort massif dans les transports en communs et les modes doux : 1 milliards d’euros par mandat investis dans les transports en communs lourds, mise en place de Vélov, réalisation de près de 800 km de pistes cyclables avec une cible à 1000 km en 2020, des milliers d’arceaux vélos posés, …etc.
Cette politique a produit son effet avec des résultats spectaculaires sur Lyon Villeurbanne :
- - 20% de trafic automobile en 10 ans, et la circulation en zones centre est aujourd’hui relativement aisée
- 1 déplacement sur 4 s’effectue en transports en communs, 1 sur 4 en voiture (quasiment 10 points de part modale en moins en 10 ans !), 1 sur 2 à pied ou en vélo.
- Un trafic vélo multiplié par 6 en 15 ans
- Des espaces publics transformés, avec une amélioration sensible du cadre de vie pour les habitants : berges du Rhône, de la Saône, places réinvesties pour les piétons, …etc.
Part du nombre de déplacements selon les modes sur la Métropole de Lyon (source EMD 2015)
On voit cependant qu’au-delà du périphérique, la situation a peu évolué, le développement du réseau s’étant surtout produit en intra périphérique.
Cette politique ne s’est pas faite avec la gratuité des transports ni la dégradation des comptes publics. L’histoire et la situation en France montre que c’est en général tout l’inverse qui se produit :
Déficit par voyage en transport en commun en France selon la taille du réseau (source Bruno Faivre d’Arcier LAET Lyon Université de Lyon)
Cette analyse renforce le simple fait que quand l’alternative existe et est efficace, les gens l’utilisent pour peu qu’elle soit abordable, ce qui est le cas des transports en commun, et qu’une gestion rationnelle des transports en commun est parfaitement compatible avec le développement de son usage, sans déployer la gratuité.
En conclusion, la question n’est pas tant la gratuité des transports en communs, que la construction d’alternatives efficaces à l’usage de la voiture en zones denses, qui génère pollution, perte de temps et grande consommation de l’espace public. Le financement de cette alternative au-delà des hypercentres des agglomérations reste entier pour toutes les aires urbaines importantes en France. Les usagers utilisent massivement des solutions efficaces, même si elles sont payantes.
Les 4 leviers d’une action sur la mobilité et sur la baisse du trafic automobile
Les solutions de mobilité doivent se concevoir globalement en jouant simultanément sur les différents éléments du système de mobilité :
- Le renforcement des liaisons en transports en communs en radiale depuis les périphéries vers les centres des agglomérations, entre périphéries en trains et cars express : elles sont particulièrement insuffisantes pour offrir une alternative à la seule voiture
- Le développement des solutions numériques, en particulier le covoiturage et la mise en place d’un pass tous modes de transports à l’échelle de l’aire urbaine (MaaS) permettant de simplifier la vie de l’usager et de tarifer selon les usages la mobilité.
- L’aménagement des espaces, en particuliers des parcs relais et de voies réservées, ainsi que la gestion des trafics permettant tout deux d’assurer efficacement le transfert de la voiture à d’autres modes d’une part et des vitesses commerciales élevées des transports en communs et du covoiturage d’autre part. L’offre en parcs relais est aujourd’hui ridiculement faible. 99% des bus en périphérie d’Ile de France ne disposent pas de sites propres. Les systèmes de gestion de trafic permettant d’optimiser l’espace de voirie, avec des gains jusqu’à 20% de capacité, sont quasi inexistants sauf sur Paris et les voies structurantes (bien que l’exploitation soit tellement sous dotée que ces systèmes ont grandement perdu en efficacité)
- Le financement de ces mesures et la tarification de la mobilité
Le point essentiel est une action concomitante sur ces 4 axes : sans cela les solutions ne trouvent pas leur pleine efficacité. Des bus et cars express sans voies réservées et sans priorités aux carrefours à feu n’ont pas d’avantages significatifs en temps de parcours par rapport à la voiture, idem sur le covoiturage. L’usage du vélo ne se développera qu’avec des pistes cyclables (la sécurité est le critère n°1 de l’usage ou non du vélo), ...etc, etc.
Les cas d’usages sont assez simples pour les périphéries : je dépose ma voiture à un pôle d’échanges / parc relais, où je prends selon l’offre, un covoiturage, un TER/transiliens, un car express. Je finis ma destination avec les TCU ou un VLS. Pour accéder à toutes ces offres j’utilise un support unique, sur mon smartphone ou une carte sans contact, qui me permet d’accéder au parc relais, aux trains ou aux cars express et aux TCU (Transports en Communs Urbains), de me déclarer covoitureur. Cet outil est unique sur l’ensemble de l’Ile de France et me permet d’avoir accès à toutes les informations en temps réel, et d’accéder aux services : parc relais, trains, car, covoiturage, VLS, ...etc.
Les 4 axes d’actions pour une mobilité efficace, durable et soutenable
Une nécessaire action sur le cout d’usage de la voiture
La vraie question est le financement des alternatives à la voiture dans les zones denses mal desservies actuellement. Ce financement est aujourd’hui hors de portée (cf Grand Paris Express et rapport de la cour des compte), sauf à des horizons temporels lointains, alors que l’urgence climatique appelle à des actions rapides.
Pour cela, deux solutions : l’impôt ou la contribution des usagers.
Alors que le cout d’usage de la voiture baisse et va être divisé par deux d’ici 2020, une tarification de l’usage de la voiture apparait indispensable : sans rattrapage de cette baisse, la reprise de l’utilisation de la voiture, avec son cortège d’épisodes de pollution est inévitable.
Une tarification de l’usage de la voiture, faible et sur un large périmètre[2] est une solution pourtant ancienne et que de nombreuses agglomérations pratiquent en Europe du Nord : Göteborg, Stockholm, Oslo, Bergen, Trondheim par exemple.
Ce dispositif n’a rien de révolutionnaire en soit : la tarification des ressources rares est une mesure appliquée depuis longtemps pour éviter les gaspillages : l’eau, l’électricité et l’énergie la pratiquent depuis fort longtemps, et même plus récemment l’enlèvement des ordures ménagères. La rareté de l’espace public, les enjeux des émissions de GES (que la taxe carbone vise à limiter, reprenant en cela le même principe d’envoyer un signal prix aux consommateurs), les enjeux de santé publique et enfin la pénurie de fonds publics sont les fondements d’une refonte du financement de notre système de mobilité.
Ce type de mesure rééquilibre la baisse du cout d’usage de la voiture, maintient la liberté de circulation des personnes et a un impact réel sur le volume de trafic (de 15 à 30% !). Elle permet de financer les infrastructures et services de mobilité permettant d’avoir des alternatives efficaces à la voiture solo, dont les agglomérations ont tant besoin pour accompagner leur développement.
Concrètement, chaque jour des centaines de milliers de voitures rentrent dans nos villes : 200 000 à Rouen, 500 000 à Lyon, des millions sur l’Ile de France. Un dispositif de tarification de la mobilité routière à base large (périmètre étendu, les frontières des métropoles), et tarif faible (0.5 à 1€), appliquées aux agglomérations connaissant des problèmes de congestion, permettrait de :
- réduire le trafic, par le signal prix envoyé aux usagers
- financer la mobilité urbaine de manière significative avec en face du péage urbain un package complet d’alternatives à la voiture : parc relais, voies réservées, pistes cyclables, services de TC, VLS, covoiturage, autopartage, ...etc.
- réduire en conséquence la pollution (la pollution chronique est plus nocive que les pics de pollution, agir sur la pollution chronique limite l’accumulation de la pollution qui déclenche les alertes)
- favoriser l’usage de la voiture partagée
- limiter l’étalement urbain.
Pratiqué uniquement les jours travaillés, donc en dehors des week-ends et 5 semaines de vacances, plafonné à 1 ou 2€/j pour limiter l’impact sur les activités économiques en frontières du périmètre concerné, avec une variation forte les jours de pollution (4€/passage par exemple), une telle mesure rapporterait par exemple :
- 500 000*220j*2 soit plus de 200 Millions d’euros/an net sur Lyon
- 200 000*220j*2 soit plus de 80 Millions d’euros/an net sur Rouen
et plusieurs milliards d’euros par an sur l’Ile de France !
Dans tous les cas, des exonérations visant à protéger les plus faibles revenus devront être intégrées pour rendre la mesure socialement acceptable. La future loi d’orientation des mobilités va rendre ces mesures possibles.
Ces financements seraient dédiés à la couverture des investissements et des frais de fonctionnements des aménagements et services permettant de faire diminuer le trafic routier tout en assurant aux usagers un service de mobilité fiable, plus rapide qu’aujourd’hui à un cout identique voire plus faible si l’on passe de la voiture individuelle aux cars express, trains ou covoiturage.
Ce dispositif innovant est un donnant donnant : une tarification de la voiture pour plus de services de mobilité et des temps de parcours améliorés. C’est tout l’inverse de la réforme du stationnement où les usagers paient pour le même service sans savoir à quoi sont affectées les ressources. De véritables packages de mobilité qui peinent à se déployer compte tenu de la pénurie des budgets publics, verraient alors le jour afin de permettre un développement harmonieux de nos villes, en reliant plus efficacement les centres et les périphéries : nouvelles lignes de transports en communs en sites propres reliant centres et périphéries, plans de parc relais P+R, pistes cyclables, ...etc. C’est très exactement ce que pratiquent les villes norvégiennes et suédoises depuis 25 ans !
Ces packages de mobilité seront accessibles via des pass urbains, incitant à ne pas utiliser sa voiture lorsque les alternatives existent en combinant transports en communs, trains, Vélos Libre Service, stationnement, parking, autopartage, covoiturage, usage de la route, ... avec une tarification adaptée. Cette disposition facilitera la vie de l’usager (un pass unique pour accéder à tous les services – concept du MaaS Mobility as a Service), tout en répondant aux enjeux collectifs d’espaces urbains, de pollutions, de financement de nos mobilités.
Les délais de mise en œuvre peuvent être très courts (3 ans) comparés à ceux de la réalisation d’infrastructures lourdes. Elles permettront de soulager en partie l’infrastructure et d’apporter des solutions opérationnelles à ceux qui doivent travailler. Tout cela permettra de pacifier le trafic.
La mauvaise controverse sur le caractère antisocial du péage urbain
L’objection classique au péage urbain en France, est son prétendu caractère antisocial. Pourtant, notre pays sait parfaitement gérer les situations des plus fragiles avec des exonérations ou compensations.
Les mesures d’interdiction des véhicules polluants sont autrement plus violentes et injustes : Elles touchent les ménages aux revenus plus faibles que l’on oblige à changer de véhicule, soit une dépense très importante, de l’ordre de 10 à 15 000 euros, ce pour le plus grand bonheur des constructeurs automobiles (qui ont œuvrés pour faire croire que le véhicule électrique allait résoudre tous les problèmes) !
Le graphique ci-dessous démontre parfaitement le caractère injuste et inéquitable de ces mesures : les classes les moins fortunées sont aussi celles qui émettent le moins d’émissions de CO2, en mobilité quotidienne comme en longue distance. Les voitures les plus polluantes sont aussi les plus anciennes possédées par les moins fortunées.
Emissions de CO2 / habitant / an selon les sextiles de revenus. (Source : ENTD 2008, LAET et CEREMA).
Ces mesures d’interdiction de circuler des véhicules anciens, n’auront que très peu d’impacts sur la circulation automobile et la pollution de l’air. En clair nous préférons collectivement aujourd’hui des solutions injustes et inefficaces quant aux objectifs visés, à des solutions efficaces et équitables faisant appel à l’internalisation des couts externes (pollution, occupation espace public, CO2) d’utilisation de la voiture.
Conclusions
La gratuité des transports publics est une piste envisagée pour répondre aux problèmes d’engorgement et de pollution induits par la voiture individuelle. L’expérience montre que cette solution[3] dans les grandes agglomérations n’est ni efficace (peu d’impact sur le trafic routier), ni soutenable à terme pour assurer leur développement. Elle induit au contraire des effets secondaires néfastes : dégradation de la qualité de service, usages non pertinents sur de courtes distances, non développement du réseau, ...etc. En dehors des centres urbains, les alternatives à la voiture n’existent souvent pas aujourd’hui, obligeant les usagers à l’utiliser même si cela leur coute. Il faut donc les construire et les financer. Alors que le cout d’usage de la voiture va encore être divisé par 2 d’ici 2020 avec la généralisation des hybrides rechargeables, c’est vers une tarification modérée et large de l’usage de la voiture – le contraire du système élitiste londonien – qu’il faut s’orienter, en exonérant les plus faibles de la mesure. Les ressources dégagées permettront de financer un système complet de mobilité pour diminuer le trafic de manière importante et en même temps accéder de manière fiable, efficace et écologique aux zones d’emplois et aux aménités de l’agglomération parisienne. Il a fallu 10 ans pour que le principe de pollueur payeur soit entériné à Kyoto, avec la taxe carbone. Plus personne ne remet en cause aujourd’hui son principe. Pourquoi en serait-il différemment avec le péage urbain pour peu que nous fassions œuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens ? Face à l’urgence climatique, avons-nous vraiment le choix ?
[1] J’ai personnellement vécu l’expérience de mettre plus de 2h pour rentrer sur Paris à 11h30 un mardi depuis le centre de Saint Quentin en Yvelines : offres de train faible et train supprimé 5’ avant son arrivée.
[2] Tout l’inverse de ce qu’a fait Londres : tarif fort de 13 €/j, périmètre très restreint.
[3] séduisante sur le papier, particulièrement en termes électoral : le président des Etats Unis puise actuellement dans les réserves stratégiques US de pétrole pour faire baisser les couts à la pompe pour l’usager à quelques mois des élections de mi-mandat
AS USI-REA chez Fondation A. de Rothschild
6 ansJ'aimerai y croire, mais comment faire tenir encore plus de personnes dans des rames déjà bondées?
Economist des transports , mobilités et infrastructures - Contract manager- Direction & coordination de Projets
6 ansNON ! tout ce qui est gratuit n'a plus de valeur en soi ! crée le desordre et l'abus d'utilisation et augmentation de l'insécurité ! bien entendu compiegne ou chatearoux ne sont pas de taille pour servir d'exemples !
Professionnel en Urbanisme, planification, aménagements / Systèmes de transport et mobilité
6 ansTrès intéressant Jean. Merci pour cette mise en relation de différentes dynamiques et sujets d'actualité sur la mobilité et leurs perspectives à long terme.
Retraité pro - diacre non retraité ...
6 ansMerci pour cet article qui rassemble la globalité de la problématique de l'optimisation du transport en agglomération, de façon intelligible et argumentée. Je souscris à l'idée de Jean pour une publication plus large !
Ancien pdg chez ASFA
6 ansBel article. Merci pour cette contribution qui mériterait, une fois un peu réduite, une publication dans les Échos !