La Libre: Taxe Caïman : des rendements farfelus, mais maintenus
La Libre: Taxe Caïman : des rendements farfelus, mais maintenus
14/10/2016 | FISCAL | DENIS-EMMANUEL PHILIPPE
Le gouvernement fédéral n’est pas encore parvenu à accorder ses violons sur une éventuelle taxe nouvelle sur les plus-values. Mais rappelons que Didier Reynders (MR), suivi par Sophie Wilmès, ministre MR du Budget, avait assuré qu’une bonne part de l’exercice budgétaire était déjà réalisée. Qu’est-ce à dire en matière de fiscalité sur le capital ?
La taxe sur la spéculation supprimée
Confirmation auprès de la ministre du Budget, la taxe qui frappait les opérations boursières (et donc les plus-values) de moins de six mois a été purement et simplement supprimée. Pour cause, si elle rapporte à l’Etat 47 millions cette année, elle a aussi fait chuter les recettes de la taxe sur les opérations boursières (la TOB) de 100 millions d’euros. Cette taxe anti-spéculative s’avère donc catastrophique pour les finances publiques. Les spéculateurs ralentissent leurs activités et n’éprouvent parfois aucun mal à éviter cette fiscalité, par exemple en différant leurs opérations au-delà des six mois fixés par la règle.
Par contre, la taxe sur les opérations boursières qui ne frappait que les transactions qui ne dépassaient pas certains montants sera réformée. Ces plafonds passeraient de 650 à 1300 euros pour les obligations, de 800 à 1600 euros pour les actions et de 2000 à 4000 euros pour les fonds d’investissement, confirme-t-on au cabinet du Budget.
Cependant, une autre décision inquiète jusqu’au sein de la majorité : le maintien des rendements estimés de la taxe Caïman qui frappe les revenus de constructions fiscales offshore. Pour rappel, le gouvernement avait prêté un rendement de 460 millions d’euros à cette taxe. Une estimation vertement critiquée par la Cour des comptes au printemps dernier. “La majoration du rendement initial estimé de 120 à 460 millions s’appuie sur une note de calcul d’avril 2015 du Service public fédéral Finances […], dit-elle dans un avis rendu sur le projet de budget 2016. La Cour souligne dès lors une nouvelle fois les incertitudes liées à cette estimation en raison des paramètres utilisés et de la mesure dans laquelle la taxe peut être éludée.”
Le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte de cet avis. Cela pour 2016 et 2017, où des recettes de 460 millions sont toujours inscrites. “Selon l’analyse du SPF Finances, il n’existe actuellement aucune indication/donnée sur la base de laquelle le rendement devrait éventuellement revu” , admet le cabinet du ministre des Finances, Johan Van Overtveldt (N-VA), interrogé par “La Libre”, qui n’a pas pu obtenir de réponse auprès du SPF Finances.
Selon Denis-Emmanuel Philippe, professeur de droit fiscal à l’ULg et avocat (Bloom Law), il sera pourtant très compliqué d’atteindre un rendement de 460 millions d’euros en 2016.
“Si un dividende a été perçu en 2015 par une construction juridique, celui-ci sera imposé par transparence chez son actionnaire belge en personne physique. Ce dernier devra en principe déclarer le dividende dans sa déclaration fiscale de 2016 , précise-t-il. Et la taxe par transparence sera imposée par voie d’enrôlement, en principe en 2017.” Pourquoi ce délai ? “Car, dans l’écrasante majorité des cas, aucun précompte mobilier n’aura été prélevé par une banque belge sur les revenus mobiliers payés à des constructions juridiques”, explique Denis-Emmanuel Philippe. “Et comme il ne faut pas procéder à des versements anticipés pour les revenus mobiliers, la taxe Caïman sera versée pour la première fois dans les caisses de l’Etat, dans la majorité des cas, après la réception de l’avertissement extrait de rôle en 2017.”
Un rendement volontairement caché?
En outre, cet expert fiscal pense qu’il sera très compliqué d’évaluer le rendement réel de la taxe Caïman. “Une proposition de loi du SP.A introduite sous cette législature prévoyait opportunément que la taxe Caïman fasse l’objet d’une case particulière de la déclaration fiscale , argumente Denis-Emmanuel Philippe. Le ministre des Finances a, à ma connaissance, écarté cette proposition au motif qu’elle rendrait la déclaration fiscale encore plus compliquée. On peut se demander si le gouvernement n’a pas sciemment souhaité occulter les retombées de la taxe Caïman, de peur qu’elles s’avèrent inférieures aux recettes escomptées.”
Ma. C. et L. Lam.