La mauvaise allocation des ressources

La mauvaise allocation des ressources

Peter F. Drucker[1] signale que « ce qui existe sera probablement mal alloué ». « L’entreprise, rappelle-t-il, n’est pas un phénomène naturel, mais une construction de la société. Et, en situation sociale, les événements ne sont pas répartis suivant la courbe de distribution normale propre à la nature (suivant la cloche de Gauss). En situation sociale, un très petit nombre d’événements à une extrémité de la courbe (le premier dix pourcents) comptera pour quatre-vingt-dix pourcents du résultat. Alors que la majorité des événements ne compteront que pour dix pourcents du résultat. » Ce qui s’applique au management de l’entreprise, lequel n’est rien d’autre que l’« enactment » de la construction sociale qu’est cette dernière. Ainsi, dix pourcents des décisions et des actes, portant sur l’activité et les affaires, compteront, en termes de rendement sur le capital versé, pour quatre-vingt-dix pourcents du résultat d’exercice comme quatre-vingt-dix pourcents de la performance sur le cycle de vie entier de l’entreprise. L’inverse sera tout  aussi vrai. Où quatre-vingt-dix pourcents des décisions et des actes ne compteront que pour dix pourcents du résultat et de la performance. Ce qui, en termes mathématiques, ou statistiques, selon la préférence du lecteur, signifiera que la majeure partie des ressources seront, bon an mal an, l’objet d’une mauvaise allocation, en termes de rendu optimal sur l’activité et les affaires de l’entreprise. Or, l’entreprise a l’obligation morale, de par sa fin, de servir de manière optimale le client, puisqu’elle suppose sa création (satisfaction de la demande) au détriment de la concurrence dans son marché de référence. Et l’entreprise qui n’a pas d’offre optimale, à l’avantage du client, risque fort de ne pas le créer, et d’en laisser l’occasion à une rivale d’offre dans son marché.

Drucker nous a rappelé, qui plus est, que « le résultat et les charges d’opération (sur l’exercice en cours) sont inversement proportionnelles ». « Et le résultat économique (à l’avantage de la communauté d’appartenance du client) est directement proportionnel au revenu financier (à l’avantage de l’actionnaire de l’entreprise concernée), alors que les coûts (d’exploitation de l’activité et des affaires de l’entreprise), eux, sont directement proportionnels au nombre de transactions de l’entreprise dans le marché. » En somme, l’entreprise-type, qui ne gère, effectivement, que des dépenses d’opération, au lieu de gérer du service utile au client, ajoute irréfragablement à sa mauvaise allocation de ses ressources engagées dans son activité et dans ses affaires propres. Autrement dit, l’entreprise, qui, comme institution sociale, enregistre déjà une mauvaise allocation de ses ressources imputable à sa constitution, ajoutera, par destination inhérente à service dans le marché, à son résultat négatif d’opération. Ce qui suggère de faire porter son attention sur la compression de ses dépenses d’exploitation (voies et moyens) et sur l’accomplissement de sa mission (fin), pour élever d’autant son résultat et sa performance par l’utilité de son offre et l’optimalité de ses modes, méthodes et pratiques de gestion de l’activité et des affaires.

Nulle entreprise ne peut circonvenir complètement sa condition d’institution sociale. Mais elle peut en atténuer les effets pervers, en se constituant et en se gérant plus sensément. Ce qui passera moins par la mesure des décisions et des actes, par indicateurs interposés, que par l’intelligification de ses modes, méthodes et pratiques de mise en valeur de ses capacités, potentialités et opportunités propres.

 

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[1] Drucker, P. F., (1964), Managing for Results, Harper & Row, p. 9.

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