La nouvelle arnaque des communicants (analysée par un communicant)

La nouvelle arnaque des communicants (analysée par un communicant)

Tech for Good, loi Elan qui donne une dimension sociale et environnementale à l’objet social des entreprises… il est d’actualité de donner du sens au business comme Loop, le nouveau supermarché zéro déchet, Atos, première entreprise du CAC40 à faire adopter sa raison d’être par ses actionnaires, Danone qui aligne ses objectifs développement durable avec ceux des Nations Unis… les exemples fleurissent. Mais attention à la "com"...

Fearless Girl ou l'art de communiquer sans raison d'être

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La statue « Fearless Girl » en bronze de cette jeune fille avec les mains sur les hanches, debout face au « Charging Bull » de Wall Street, est une parfaite illustration de l’effet néfaste d’une raison d’être mal articulée. Initialement placée pour célébrer la journée internationale de la femme, la statue a été perçue rapidement sur les réseaux sociaux comme un coup marketing, un faux féminisme d’entreprise d’une entreprise de Wall Street. Fearless Girl a, par une médiatisation forte, invité le public à examiner de plus près les chiffres de l’entreprise State Street, qui était à l’origine de cette initiative artistique. Et c’est sur la diversité des sexes que cet examen s’est porté faisant la lumière sur le fait que

State Street ne comptait que 5 femmes cadres sur les 28 de l’entreprise, et seulement 3 administratrices pour 11 collègues masculins.

State Street se serait sans doute bien passé de ce « bad buzz » qui ne sert en rien les intérêts de l’entreprise. Une récente étude d’Accenture a ainsi mesuré l’impact économique de la perte de confiance sur la compétitivité d’une entreprise. Cet impact, direct, sur les pertes de revenus futures a été estimé – de façon « prudente » explique Accenture – à 180 milliards de dollars pour les 7,000 sociétés qui ont été analysées. A titre de comparaison, cela représente à peu près 4 milliards de dollars pour une entreprise de 30 milliards.

Un combat périlleux

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Alors pourquoi prendre ce risque ? Pourquoi faire comme Nike et décider d’engager Colin Kaepernick, le footballeur américain le plus détesté de la National Footbal League, comme égérie ?

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Pourquoi faire comme la célèbre marque de savon Dove et construire ses publicités autour de femmes plus rondes éloignées de l’image d’Epinal des standards traditionnellement admis de la mode et de la beauté ?

Car nous parlons ici de nouveaux relais de croissance à un moment où le paradigme du capitalisme s’essouffle et où la croissance mondiale se tasse. Larry Fink, le P-DG de Blackrock, première entreprise de gestion d’actifs au monde (6,288 milliards de dollars soit 3 fois le PIB de la France), peu suspecte d’ésotérisme gratuit sur la raison d’être, déclarait que

«  Les attentes du public à l’égard de votre entreprise n’ont jamais été aussi grandes… chaque entreprise doit non seulement fournir une performance financière, mais aussi montrer comment elle apporte une contribution positive à la société. Sans raison d’être, aucune entreprise, cotée ou non, ne peut atteindre son plein potentiel ».
Larry Fink, CEO Blackrock
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Ce potentiel a été concrètement mesuré par le BCG en utilisant le rendement total pour les actionnaires (total shareholder return) sur 10 ans.

Le cabinet de conseil a ainsi révélé qu’il y avait deux fois plus d’entreprises qui surperformaient pour leurs actionnaires quand leur raison d’être était fortement enracinée, par rapport à celle qui se concentraient davantage sur les activités uniquement philanthropiques ou de charité.

La raison d’être paie effectivement. Et c’est heureux car si le fait d’avoir un impact positif sur notre monde devient « bankable », il n’est pas interdit d’être optimiste sur l’avenir en faisant converger les fameux 3P : profits, personnes, planète. Mais si la raison d’être paie, celle-ci doit être profonde et refléter une réelle stratégie d’entreprise, holistique et ambitieuse, disséminée dans toute l’organisation et ses actions.

La raison d’être est totale, enveloppante, globale et sans demi-mesure. Elle ne souffre pas la tiédeur et les effets de manche. En d’autres termes, la raison d’être, ce n’est pas de la « com’ ».

La raison d’être est sans doute l’un des leviers les plus puissants du monde professionnel aujourd’hui. La raison d’être permet d’améliorer le recrutement et la rétention des talents. Elle peut donner une part de voix disproportionnée par rapport à la concurrence, y compris sur les enjeux déjà médiatiquement très chargés. Elle peut justifier des hausses de prix, favoriser la cohésion organisationnelle, galvaniser les employés, influer sur l’opinion publique, sur le travail des politiques.

La raison d’être devrait en réalité être la priorité de tout P-DG qui vise à reverser des dividendes à ses actionnaires.

Et pourtant tellement d’entreprises continuent de mal s’y prendre en devenant la risée sur des réseaux sociaux cyniques, cruels et violents.

La cause de ces échecs est facile à comprendre : la raison d’être n’est pas, ne peut pas être, et ne doit pas être un outil marketing au même titre qu’un nouvel arôme ou un nouvel emballage. A la manière de la transformation digitale (que la raison d’être peut par ailleurs faciliter, voire accélérer), cette évolution ne peut se faire que par la volonté et avec le soutien indéfectible du top management, et avec l’adhésion tout aussi engagée et engageante des employés de l’entreprise. Il s’agit d’un processus de l’intérieur vers l’extérieur, d’une démarche honnête et engagée qui doit embarquer l’intégralité des services de l’entreprise, des ressources humaines à la finance en passant par le juridique, le marketing, le commercial ou encore bien entendu la communication.

Investir dans un Chief Purpose Officer, membre du Conseil d’administration sous la responsabilité directe du CEO, est aujourd’hui le placement à 10 ans le plus efficace pour générer un retour inégalable pour les actionnaires. Les initiatives qui ne seront pas embarquées à 100% par le top management ne seront qu’un coup de « com’ », une arnaque de mauvais communicant.

Article intéressant et qui ouvre le débat. Je me pose la question sur l’atteinte du « plein potentiel » vu sous l’angle de l’actionnaire et donc du dividende. D’abord le rôle du CEO n’est pas de viser à verser des dividendes. Ensuite, tant que la performance n’intégrera pas des indicateurs extra financiers pour un poids au moins équivalent aux indicateurs financiers, parler de sens sera assimiler, avec une certaine légitimité, à du « Green washing ». Mais c’est un questionnement sous forme de propositions.

Bénédicte Tilloy

Conduite du changement, board member, cofondatrice Ask for the moon et 10h32, IA sur mesure, Ex-Comex SNCF, chroniques g(Old) et aquarelles

5 ans

Je partage le fond mais me méfie du titre de « Chief Purpose Officer » qui risque lui aussi d’être interprété comme un enjeu de com! La congruence entre ce que l’entreprise dit, fait et pense est la mission essentielle de son CEO.

Sébastien Chauchot

Photographe et portraitiste en studio et sur le terrain, pour particuliers et professionnels.

5 ans

Intéressant, merci !

Pour ce qui me concerne, c'est une évidence...!

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