La paille et la poutre

Plus de 6 ans après le G20 du 2 avril 2009 et un an après le scandale LuxLeaks, où en est l’Europe dans la lutte contre l’évasion fiscale des multinationales ?

Si l’on observe quelques progrès  en matière de transparence et de suppression de certaines niches fiscales décriées, d’autres dispositifs d’optimisation, comme les « patent boxes », continuent de proliférer sur le vieux continent. A l’heure où le Luxembourg vient d’annoncer la fin de son régime fiscal spécifique (avec clause grand-père jusqu’en 2021…), cette avancée notable est contrebalancée par la création de nouvelles « patent boxes » : douze de ces régimes (régime préférentiel d’imposition pour les revenus tirés de dépôt de brevets) sont ainsi désormais en vigueur ou en passe d’être mis en place dans l’Union européenne, dont six ont été introduis ces cinq dernières années.

L’Italie et l’Irlande ont créé de nouveaux dispositifs de ce type cette année.

Les avancées en termes de transparence restent par ailleurs souvent modestes, et plusieurs pays continuent de traîner les pieds. Le réseau Eurodad pointe particulièrement l’Allemagne pourtant prompte à redresser les torts de ses voisins, pour l’opacité de ses régimes fiscaux, même si les autres grands pays du continent ne font pas beaucoup mieux. Les meilleurs élèves sont le Danemark et la Slovénie. Un constat que vient confirmer la nouvelle mouture de l’Index de l’opacité financière élaboré par le Tax Justice Network, puisque l’Allemagne y occupe la huitième place mondiale.

On peut légitimement s’interroger sur l’engagement de la France dans la «course à la concurrence fiscale européenne» à travers la multiplication des incitations fiscales pour attirer les entreprises, comme le CICE (Crédit d’Impôt Compétivité et Emploi) et le CIR (Crédit d’Impôt Recherche).

L’ensemble de ces incitations fiscales coûte au budget français plus de 84 milliards d’euros par an, soit quasiment le budget de l’éducation nationale, alors que leurs impacts positifs sur l’emploi et l’économie peinent à être démontrés. .

La paille et la poutre…

Également au passif de la France en matière fiscale, son attitude vis-à-vis des pays en développement : «Le Royaume-Uni et la France ont été les deux pays européens qui ont le plus activement bloqué la demande des pays en développement à s’asseoir à la table des négociations et à participer aux décisions sur les règles fiscales internationales.»

Or la France a conclu pas moins de 62 conventions fiscales avec des pays en développement, qui permettent aux entreprises tricolores de réduire leur taxation à la source sous prétexte d’éviter une «double imposition».

La France a également abondamment recours aux « rescrits fiscaux » ou rulings, ces arrangements secrets passés entre administrations fiscales et multinationales qui sont au cœur du scandale LuxLeaks, mais dans la discrétion de quelques directions fiscales à Bercy.

Enfin, si l’OCDE entend mettre en place une base taxable unifiée au plan mondial, la France vient enfin de comprendre qu’au plan européen, un tel dispositif s’accompagnerait, vraisemblablement d’un taux d’IS compris dans une fourchette dont il y a peu de chance qu’elle soit compatible avec le taux interne de prés de 36%.

La route sera encore longue et semée d’embuches.

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