"La Petite cuillère se mange"

La « petite » cuillère, c’est comme la petite dernière, c’est la préférée, annonciatrice de promesses délicieuses et sucrées. Régressive, véhicule de nos premiers émerveillements gustatifs, compotés sucrées, crèmes chocolatées (oubliée l’infâme purée), elle se glisse délicatement au creux de la langue pour y déposer son trésor mousseux, fondant, savoureux.

Elle est vierge de toute violence cette petite, ronde, joufflue, elle caresse plus qu’elle ne blesse. Parfois elle tranche dans le tas, dans l’éclair au chocolat, dans le baba, mais cela reste délicat, sans fracas. Petite cuillère en coquillage, en os, en bois, en fer, en bronze, en cuivre, en céramique, en laiton, en argent, en or, en platine, …

… en plastique. La voilà qui perd son innocence, la voilà qui pique. Stop nostalgie, stop rêverie, l’outil est fonctionnel, on l’utilise 2, 3 minutes pas plus, et on le jette, sans regret, nourri, débarrassé, sa mission accomplie.

Or il y a quelques semaines, j’ai renoué avec la magie de la petite cuillère.

Voici la scène

Lieu : la gare de Beaune

Protagoniste : la boulangère.

Thème : acheter de quoi manger pour un trajet de quelques heures. C’est toujours un casse-tête pour moi, trouver le bon sandwich, un peu original, pas trop sec ni trop gras. Il y a une seule boulangerie dans cette petite gare de province, et j’ai 5 mn avant que le train arrive, il ne faut pas hésiter trop longtemps.

J’hésite, je rumine, je regrette qu’il n’y ait pas plus de choix, j’aurais bien pris une salade en fait, après avoir gouté la bonne chère bourguignonne… mais bon, « celui-là, madame ça ira ». J’ai une règle pour le snacking : Salade = gâteau en dessert mais Sandwich = compote ou yahourt. En quelques secondes je repère une petite compote pomme vanille à l’ancienne (toute une promesse). « Et la compote s’il vous plait ». « J’ajoute la petite cuillère, elle se mange » me dit la boulangère. Interloquée je n’ai pas le temps de creuser, je file sur le quai. J’ai hâte de gouter !

Depuis qu’on cherche à réduire le plastique, on a vu la cuillère en bois, en bambou, en carton (pas pratique) voire même la chips (ok ça c’est le jour où j’ai oublié de prendre une cuillère pour mon dessert), mais la cuillère qui se mange, c’est nouveau ! Et pourtant on mange bien son cornet de glace, non ? Je la sors délicatement de son emballage (recyclé), je la trempe dans ma compotée : le goût est neutre, l’objet ajoute du croquant au contenu fondant.

Dans le train je me prends à sourire à cette cuillère. Je pense à toutes les bonnes idées qui vont continuer de fleurir parce que nous, les humains, nous pouvons être plein de bonnes surprises pourvu qu’on s’en donne les moyens.

Bravo au créateur de la cuillère qui se mange, la cuillère qui fait sourire, la cuillère qui donne espoir.