La posture managériale
Les aspects humains et la posture du manager
Il s’agit de travailler sur la façon dont les managers, et l’encadrement au sens large, se comportent vis-à-vis de leurs collaborateurs. En effet, l’impact des pratiques de management est très important sur le fait que les hommes et les femmes dans l’entreprise transforment tout ce qui relève de votre organisation en performance.
Un personnel heureux de travailler dans l’entreprise, épanoui, dont la qualité de vie au travail est au niveau de ses attentes : c’est tout l’enjeu de cette posture managériale.
Appréhender la complexité de la nature humaine
Mobiliser? Se mobiliser? Mais pourquoi se mobilise-t-on?
Qu’est-ce qui fait que l’on trouve son intérêt à s’impliquer d’avantage et prendre sa part dans cette partie collective où chacun fait le maximum pour éviter les risques, l’accident, la maladie?
Chaque salarié est normalement le premier concerné à souhaiter rentrer sain et sauf le soir chez lui ?
Si à titre individuel (travailleur isolé) cela se vérifie plutôt fréquemment, il est toutefois singulier de mesurer qu’au sein d’un collectif, ce constat est à nuancer. Les us et coutumes, les traditions, les enjeux personnels ne servent pas toujours une approche sécuritaire de l’activité. Il peut être important de « prouver » que l’on a sa place dans l’équipe en adoptant ses pratiques, parfois au détriment de sa propre sécurité.
Des analyses d’événements accidentels graves montrent qu’un collectif peut aller à l’accident alors que chaque membre était conscient que la situation leur échappait et qu’il aurait fallu stopper l’activité[2]. L’accident est arrivé par le fait d’une « non-décision collective et consensuelle » d’arrêter le chantier…
D’autres raisons peuvent venir affaiblir l’élan mobilisateur : la routine, le manque de responsabilité (pire la diminution du niveau de responsabilité connu jusqu’alors…), l’injustice d’une décision, l’inéquité de traitement, la qualité empêchée[3], la non-résonance de ce que chacun vit au travail avec ses valeurs individuelles, une organisation défaillante qui peut parfois aller jusqu’à pousser le salarié à l’erreur, voire à la faute …
En outre, la nature humaine est complexe : elle vous pousse à choisir très souvent la prise d’un risque potentiel pour lever une contrainte certaine. Et si malgré cette prise de risque, l’activité se termine sans accroc, l’effet pervers est que la fois suivante la perception du risque potentiel pris diminue (cela s’est bien passé la fois précédente, donc je maîtrise la situation !). Cela a pour conséquence de vous conforter dans votre décision de prendre ce risque, finalement bien incertain, plutôt que d’avoir à subir une contrainte en respectant la pratique « attendue» (effort plus conséquent, durée d’activité plus longue, etc.). D’où la naissance de comportements indésirables.
Mais attention : si de tels comportements arrivent à naître, il faut s’interroger sur leurs causes profondes. Bien souvent des manquements organisationnels, des dysfonctionnent répétés et non traités, qui créent ces contraintes objets de la mise en action de cette particularité de l’être humain qui cherche à les éviter…
Connaître les situations de travail qui « poussent » le salarié à avoir un comportement indésirable, c’est se donner les moyens d’agir sur les contraintes qu’elles génèrent et donc d’éviter des écarts de pratiques.
Le manager a donc avec lui des salariés qui, dans certaines situations de travail, peuvent commettre des gestes dangereux, pour eux comme pour leurs collègues.
En se rappelant que le manager est lui aussi un salarié…
Les pratiques qui dessinent une posture managériale
Des travaux réalisés, il m’est apparu intéressant d’articuler cette posture autour de trois constats :
- La manager est un leader,
- Le manager est un arbitre qui prend des décisions
- Le manager est un animateur d’équipe(s) de femmes et d’hommes.
Mais avant d’exercer son rôle de manager, et de mettre en œuvre ces bonnes pratiques, il convient de s'interroger sur la façon dont l'entreprise choisie ses managers. Son processus « choix des hommes » en quelque sorte.
Les managers ne s'autoproclament pas managers. Pas plus qu’ils ne se nomment dans les emplois qu’ils tiennent !
Ce sont les entreprises qui par leurs pratiques de choix et de nominations mettent en poste ces personnes.
Dès lors il est intéressant d’examiner la façon dont, dans l'entreprise, sont évaluées les capacités d'un individu à exercer des responsabilités de manager.
Est-ce que Madame ou Monsieur « tout le monde » peut être manager ?
Personnellement je ne le pense pas.
Mon expérience personnelle m'a convaincu de l'idée que certaines personnes sont faites pour exercer les responsabilités de managers alors que d'autres n'en ont manifestement pas les talents. Un peu comme un instrumentiste…
Pour illustrer cette affirmation, je vous propose de prendre comme exemple certaines émissions de télé réalité…
Je vous devine souriant…
À l'issue de la lecture de cet exemple, vous ne regarderez peut-être plus comme avant de telles émissions, voire, si vous ne les regardiez pas, vous en aurez la curiosité…
Lorsqu’est mis en émission un collectif improbable de personnes soumis à nombre de challenges, intellectuels ou physiques, il est intéressant de constater qu'au bout seulement de quelques heures de vie commune, les membres de ces équipes élisent leur chef. Non pas avec des bulletins de vote et des urnes, mais naturellement. Naturellement, une majorité de participants va reconnaître l'un des leurs (homme ou femme) comme leur représentant, leur « leader ».
D'où vient cet élan commun qui pousse à reconnaître une personne plutôt qu'une autre comme étant son porte-parole, son représentant, le chef de « sa » tribu?
Une réponse tient probablement dans le fait que cette personne transmet par ses comportements des signaux rassurants, motivants, empreint de justesse et d'équité, basé sur de l'écoute, objets de formes visibles de reconnaissance,… Un charisme naturel qui rassemble le collectif.
Parfois, cette personne au bout de quelques jours, se voit supplanter par une autre. Probablement un peu moins charismatique de nature, mais possédant alors des pratiques plus en adéquation avec les attentes du groupe.
L'idée que des talents naturels existent et méritent d’être identifiés pour désigner un manager me semblent fondée. Mais cela ne suffit pas. Il faut s'assurer que les meilleures pratiques sont mises en œuvre par cette personne de façon à ancrer ses habiletés naturelles dans une posture managériale favorable à la création de confiance, de motivation et d'implication.
Cette posture libère également la parole. Elle donne la possibilité, dans une logique bien comprise ou la recherche de l'amélioration perpétuelle est le seul objectif, d'avoir connaissance de tous les irritants, des dysfonctionnements, des presqu’accidents, des situations de travail qui « poussent » le salarié à avoir un comportement indésirable, voire des erreurs commises par les membres de l’équipe.
A l’inverse, la nomination dans des responsabilités de managers d'une personne dont les habiletés pour exercer ce type d'emploi ne sont pas au rendez-vous va générer un « perdant-perdant » à trois bandes.
Tout d'abord le manager lui-même qui constate au quotidien les difficultés qui sont les siennes pour animer son équipe et qui va développer un mal vivre à partir de cette situation. Ce mal être va très vite rejaillir sur son état de santé et aura des répercussions défavorables, y compris sur sa vie privée.
Ses collaborateurs qui souffrent du déficit dans l'animation, dans l’exercice du leadership et dans les prises de décisions de leur patron.
Et enfin l'entreprise car cette équipe n'arrivera pas atteindre les objectifs qui lui sont fixés.
Quelles sont ces pratiques ?
L’objet de cet article n’est pas de décrire précisément chacune de ces pratiques, mais de vous alerter sur le fait qu’elles sont clés dans la construction d’une relation fluide, respectueuse, et créatrice de bien-être entre le manager et ses collaborateurs.
Oui le manager a un rôle de créateur de santé !
Autre aspect important : ces pratiques ne sont pas exhaustives et ne représentent pas « une vérité » !
D’autres peuvent être ajoutées.
Mais ce dont je peux témoigner, c’est que si vous suivez ces façons de faire, votre équipe vous en sera reconnaissante, et votre entreprise également !
Comment peut-on espérer généraliser une telle posture ?
Il est important à ce stade de se rappeler que le mimétisme managérial (en tant que manager, j’ai une tendance à m’approprier les priorités de mon propre manager et de reproduire ses comportements) est une force de relais extraordinaire pour mettre en œuvre des bonnes pratiques. Malheureusement, l’inverse est aussi vérifié...
Dès lors, vous avez compris que si votre manager promeut par les faits, c’est-à-dire qu’il met lui-même en œuvre et respecte autant que possible ces bonnes façons de faire, vous allez être poussé à lui emboiter le pas. Une généralisation « Top Down » par l’exemplarité…
L’exemplarité…
L’exemplarité est bien sûr au rang des pratiques qui décrivent cette posture managériale : le Docteur Albert Schweitzer en disait : « l’exemplarité n’est pas une façon de changer les choses, c’est la seule… »
Mais alors, en l’absence d’une telle promotion par le top management, en tant que manager je n’ai donc rien à faire ?
Non, bien sûr que non !
Vous avez le choix de décider d'adopter ou pas un style de management, une posture managériale telle qu'évoquée. Vous aurez ainsi la possibilité de surprendre votre propre manager par la dynamique de performance que vous avez ainsi créée. Votre manager va nécessairement s’interroger sur les raisons qui font que votre équipe est performante alors que d'autres équipes dont il a également la responsabilité semblent plus en retrait. Sa curiosité le poussera sans nul doute à vous demander des explications sur ce qui fonde cet écart de performance. Et soucieux lui-même d'atteindre ses objectifs et d'apparaître comme un manager performant, il y a fort à parier qu'il tentera d'étendre vos propres pratiques aux autres manager dont il a la responsabilité. Par la même, le périmètre de responsabilité dont il assume le management va donc connaître une dynamique de performance qui va interpeller son N+1. Lequel reproduira très vraisemblablement le même raisonnement pour les mêmes bénéfices… et ainsi de suite…
En tant que manager, en décidant de vous approprier de telles pratiques et de parier sur l'intelligence collective et la qualité des relations interpersonnelles, vous allez participer, cette fois si dans une démarche « Bottom Up » à la généralisation d'une posture managériale bénéfique aux hommes et aux femmes de l'entreprise et au final à la performance de cette dernière. La robustesse d'un tel mode de généralisation est à souligner.
[1] Voir article publié dans la revue N° 115 - Janvier-février 2011 - Préventique Sécurité
[2] * C. Morel, Les Décisions absurdes, Gallimard, 2002.
[3] « Le travail à cœur » d’Yves Clot http://www.anact.fr/web/actualite/essentiel?p_thingIdToShow=16431565