La cotation du risque: pourquoi et comment ?
La transposition de la Directive cadre de 1989 et du second principe de prévention « Évaluer les risques », a été complété par le décret du 5 novembre 2001 créant en France le Document Unique. Dès lors, les pratiques des entreprises ont été très largement mises en place pour répondre à ce principe et cette obligation de formaliser son résultat, à travers une cotation des risques.
Quels sont les arguments qui plaident pour cette cotation et quelles bonnes pratiques pour la réaliser ?
Les risques SST font partie du risk management. Le « risk management » consiste à interclasser sur une même échelle de risque l'ensemble des risques stratégiques auxquels l'entreprise est confrontée pour conscientiser les risques, prioriser et agir. Parmi ceux-ci se trouvent les risques SST. L’objectivation de ces risques, y compris SST, avec une cotation est donc une pratique incontournable.
Pourquoi réaliser une cotation du risque ?
> La mesure appelle l'action, but de l'EValuation des Risques Professionnels (EVRP).
La cotation d'un risque objective le niveau de ce risque. Ce n'est pas une fin en soi, c'est un outil qui permet d’intercomparer les risques. C'est une aide à la décision.
« Tout ce qui se mesure s'améliore ». La mesure est donc bien le début de l'amélioration continue.
L’EVRP n'a pour finalité que l’action pour agir sur la maîtrise des risques. Le Document Unique (DU) qui la formalise est conservé, notamment pour qu’un juge saisi d’une affaire puisse constater que d'un DU sur l'autre, la maîtrise des risques s’améliore: c'est un des objectifs de ce DU. Dès lors pour apprécier cette amélioration, la mesure est incontournable.
> La cotation peut rapprocher les points de vue et engendrer l’adhésion
La cotation réalisée avec une méthode appropriée (voir chapitre suivant) permet plutôt facilement le rapprochement des points de vue en minimisant les émotions. Ce qui va donner la possibilité pour l’entreprise que tous les acteurs se rejoignent dans cet exercice et adhèrent aux suites données.
A défaut d’une méthode appropriée, les acteurs restent sur leurs émotions et leurs divergences. Ce qui fait du coup dire à certains qu’il faut arrêter la cotation !....
> La cotation conscientise le niveau de risque
La cotation permet de prendre conscience du risque. Objectiver sa fréquence, sa gravité, voire sa probabilité de survenue entraine cette prise de conscience qui génère des réactions, notamment sur les actions à mettre en œuvre et aussi les comportements. Comportements des salariés et aussi des managers !
> Hiérarchiser pour définir des priorités
La cotation permet une hiérarchisation, aide à la planification attendue par le 7ème Principe Général de Prévention " planifier la prévention". Il ne faut pas oublier que le juge à une démarche « déterministe ». Lorsqu'il est saisi suite à un événement SST il va baser son analyse sur des faits qu'il va reconstituer à travers l'enquête et les expertises qu'il déclenchera. L'employeur, lui, doit réaliser une approche « probabiliste ». Il doit imaginer tous les scénarii pouvant entrainer des accidents du travail ou des maladies professionnelles pour agir et répondre à son obligation générale de sécurité en SST. Et il va devoir prioriser ses actions de façon à se prémunir le mieux possible des événements redoutés. La cotation, puis la hiérarchisation puis naturellement la réflexion qui en découle lui permettra cette priorisation. Conserver la trace du raisonnement est une bonne pratique !
Comment réaliser une cotation du risque ?
La cotation est un outil et comme tout outil il a ses imperfections. Le plus important dans cette pratique est de rapprocher les points de vue pour aboutir à un plan d'action partagé.
Constat : quasiment toutes les méthodes d'évaluation des risques incluent une cotation.
Voici quelques arguments en faveur de méthodes pragmatiques et opérationnelles répondant aux enjeux que nous avons vu ci-avant.
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> Un ordre d’interclassement des risques SST identique quel que soit l’évaluateur
La première qualité d'une méthode d'évaluation des risques SST sera d’interclasser sur l’échelle de risque dans un ordre indépendant de l’évaluateur les risques auxquels est confrontée l'entreprise. Les risques à effet immédiat (ex : la chute de hauteur et accident du travail) ET les risques à effet différé (ex : risque chimique et maladie professionnelle). Peu de méthodes permettent un tel interclassement, ce qui conduit alors les entreprises à annexer à leur DU des évaluations ciblées sur des risques particuliers (exemple : le risque chimique ou les RPS). Dès lors la hiérarchisation est quasi impossible et la priorisation beaucoup moins objective.
Choisir une méthode qui permet cet interclassement c’est positionner à leur réelle place les risques à effet différé (souvent inconsciemment minorés par les managers plus concernés par les risques à effet immédiat). Ceci a évidemment un impact immédiat sur la priorisation et donc le plan d'action qui en découlera. C'est un point stratégique.
> Utiliser des repères factuels
Beaucoup de méthodes de cotation utilisent des repaires subjectifs. Exemple : peu souvent, souvent, très souvent,... Ce qui laisse alors une place importante aux émotions et rend difficile le rapprochement des points de vue. A l'inverse, des repères factuels: 1 fois par jour, 1 fois par semaine 1 fois par mois éloignent alors les émotions et rapprochent beaucoup plus facilement les points de vue. Le type de repères utilisés par la méthode est donc stratégique.
> Restitution de l'évaluation des risques : échelle de risque ou matrice ?
Restituer le résultat de l'EVRP sur une matrice de risque avec des zones verte, orange, rouge ne paraît pas une bonne pratique. En effet, ce type de restitution génère des émotions car lorsque le risque est en zone verte, il n’y a aucun sentiment d'urgence. Comment les zones sont définies et par qui ? Quelle est la légitimité de celui qui a fixé les seuils de ces zones ? Pire, il est parfois possible de modifier les surfaces des zones ! Le constat est alors que certains managers élargissent la zone verte pour réduire les zones orange et rouge de façon à pouvoir affirmer que l'ensemble des risques sont maîtrisés puisque situés en zone verte !
En SST, il est donc plutôt conseillé de positionner les risques sur une échelle de risque (de 1 à 1000 par exemple) et c'est le débat qui suivra cet interclassement qui fera que l'entreprise adoptera une hiérarchisation et une priorisation de ces actions. Ainsi, les discussions s'appuient le plus possible sur les mesures et des faits plutôt que sur des couleurs et les sentiments qu'elles suscitent.
Prendre en considération la taille de l’entreprise
La taille de l'entreprise est à considérer dans le raisonnement qui vient d'être proposé. En effet pour les Très Petites Entreprises beaucoup d'acteurs considèrent que dans un premier temps l'évaluation des risques professionnels et le document unique ne sont pas les pratiques urgentes à mettre en place. Les mêmes proposent d'amener l'entreprise à agir le plus vite possible d’abord sur ses quatre ou cinq ou six risques majeurs, risques majeurs que la plupart du temps elle a bien identifiés.
Dans un deuxième temps, entraîner cette TPE sur une évaluation des risques professionnels plus large avec une formalisation peut alors à avoir du sens. Ce pragmatisme est d’une part mieux adapté aux possibilités de la TPE et d’autre part source de bénéfices immédiats en terme d’AT mortels et graves et de MP.
La cotation bien réalisée renforce la démarche SST de l’employeur
La cotation renforce la robustesse de la démarche prévention de l’employeur. En effet, lorsque la cotation est réalisée dans de bonnes conditions, comme imagée ci-dessus, elle permet de rapprocher les points de vue des acteurs. La robustesse de la démarche de l'employeur est alors renforcée car:
- le Comité Social et Économique,
- les salariés concernés,
valideront plus facilement l'EVRP et sa cotation, puis donc la hiérarchisation qui en découle et la planification et par voie de conséquence le plan d’action : c’est un atout important pour le climat social, ainsi qu’en matière juridique lorsque l’événement redouté surgit quand même.
Article publié dans la rubrique animée par DVConseils dans le PIC Magazine n°135
Spécialiste ESMS EHPAD (QVT,RPS,TMS,Absentéisme)
12 moisDominique, Je reconnais là ta grande connaissance de ce sujet et ta non moins grande expérience dans ton passé. Tu sais que par principe je suis contre la hiérarchisation car d’une part rien n’est indiqué dans ce sens dans le code du travail et d’autre part pour la grande majorité des entreprises les éléments factuels de fréquence et de gravité sont quasi inexistants. Si on prend un IF moyen à 30 pour une entreprise de 100 salariés on a 3 AT par an. Comment faire des stats avec ça? Par contre, je suis totalement en phase avec toi sur l’évaluation comme outil de discussion.
Retraité
1 ansToujours un plaisir de vous lire. 😀
Conseiller en prévention des risques professionnels
1 ansReflexion et argumentation très intéressante, notamment pour convaincre. Bravo pour ce post !