La protection des données au Bénin face à la nouvelle politique de confidentialité de WhatsApp
Selon le Code du Numérique, est dénommée donnée à caractère personnel, toute information de quelque nature que ce soit et indépendamment de son support, y compris le son et l’image, relative à une personne physique identifiée ou identifiable, ci-après dénommée personne concernée.
Ainsi une donnée à caractère personnel représente le nom ou le prénom ou le numéro d’identifiant personnel de la personne concernée ou sa photo. Les dispositions dudit livre s’appliquent entre autres à :
- toute collecte, tout traitement, toute transmission, tout stockage et toute utilisation de données à caractère personnel par une personne physique, par l’État, les collectivités locales, les personnes morales de droit public ou de droit privé ;
- au traitement de données à caractère personnel par un responsable du traitement qui n'est pas établi en République du Bénin mais dans un lieu où le droit de la République du Bénin s'applique en vertu du droit international public ;
Les droits prévus par le Code du Numérique
Les principaux droits des personnes dans les champs de la protection des données personnelles au Bénin sont :
- Le droit d’accès à l’information ;
- Le droit à la portabilité des données ;
- Le droit d’interrogation ;
- Le droit d’opposition ;
- Le droit de rectification et de suppression ;
- Le droit à l’oubli
Dans le cadre de ces réflexions, j’ai été intéressé par le droit d’opposition présenté à l’article 440 du Code du Numérique. Il stipule en ses alinéas 1 et 2 que «Toute personne physique a le droit de s’opposer, à tout moment, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement.
Elle a le droit, d’une part, d’être informée avant que des données la concernant ne soient pour la première fois communiquées à des tiers ou utilisées pour le compte de tiers à des fins de prospection notamment commerciale, caritative ou politique et, d’autre part, de se voir expressément offrir le droit de s’opposer, gratuitement, à ladite communication ou utilisation. »
Le second alinéa m’amène à conclure que la personne concernée a le droit de s’opposer au traitement de ses données à des fins commerciales. Mais nous assistons généralement à un dictat des applications numériques et même des sites internet qui assimilent ce droit à un choix de ne pas utiliser leurs solutions. Cette pratique est-elle conforme à la loi ?
Que prévoient les nouvelles dispositions de l’application WhatsApp sur la politique de confidentialité des données ?
Les réformes de la politique de confidentialité de WhatsApp portent sur trois points :
- Le traitement des données collectées ;
- Le mécanisme d’utilisation des services du groupe Facebook dont fait partie WhatsApp, par les entreprises ;
- Le partage des données collectées par WhatsApp aux autres filiales du Groupe Facebook.
Il convient de remarquer que tout utilisateur s’opposant à cette nouvelle politique de confidentialité, se verra dans l’obligation d’arrêter son utilisation. De mon point de vue, ceci constitue une entrave au droit d’opposition que confère le Code du Numérique. Mieux, en supposant qu’un utilisateur décide de ne plus utiliser WhatsApp dans ces conditions, peut-il jouir de son droit à l’oubli de ses données et comment peut-il s’assurer que toutes ses données sont supprimées des bases de données de l’application ?
WhatsApp a également informé que ses utilisateurs vivants en Europe ne verront pas leurs données partagées aux autres filiales du Groupe. Cette attitude du deux poids deux mesures est-elle due à des dispositions précises du RGPD de l’Europe ? Dans ce cas, quelles sont les différences avec les lois des pays Africains sur la protection des données personnelles ? N’est-il pas nécessaire de procéder à une analyse profonde de ces textes et à leur harmonisation au niveau du Smart Africa ou de l’Union Africaine?
Les opérateurs de téléphonie mobile face aux OTT
Les Solutions « Over To The Top » (OTT) telle que WhatsApp sont des substitues aux offres de communications électroniques proposées par les opérateurs de téléphonie mobile. Ceux-ci voient au fil des années leur part de marché baisser sur les services voix et SMS. Face à ce constat et des difficultés de régulations sur le sujet, n’est-il pas opportun pour ces opérateurs de téléphones mobiles africaines de développer ou d’accompagner des applications de messageries instantanées africaines afin de compétir efficacement avec les OTT qui ne paient aucune charges fiscales à nos Etats ?
Voilà autant de questions nécessitant de mon point de vue des échanges au plan politique national et surtout régional. Il serait souhaitable que les Autorités en charge de la Protection des Données personnelles Africaines prennent la mesure de la situation à l’instar de celle sud-africaine, qui par un communiqué a au moins annoncé qu’elle procèdera à une analyse des textes afin de conclure si la nouvelle politique de confidentialité de WhatsApp respectait les lois en vigueur en Afrique du Sud. La responsabilité des juristes spécialisés sur le sujet est également engagée. Les décideurs politiques ont certainement besoin de conseils avisés qu’ils devraient être en mesure de fournir.
Je recommande pour finir comme prochaine étape de ces réflexions, la tenue d’un web conférence sur le sujet avec des acteurs compétents sur la question afin d’identifier des pistes de solutions aux problèmes de protection de nos données.
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