La résilience au travail : une qualité à la mode ou le reflet d’un mal-être profond ?

La résilience au travail : une qualité à la mode ou le reflet d’un mal-être profond ?

La résilience est aujourd’hui omniprésente dans les discours managériaux. On nous dit qu’elle est une qualité essentielle, voire indispensable, pour faire face aux défis incessants du monde du travail. Mais derrière cette valorisation apparente, il faut se poser une question essentielle : est-ce vraiment une qualité à cultiver, ou plutôt une réponse forcée à des conditions de travail de plus en plus difficiles ?


Pour comprendre cette fascination pour la résilience, analysons ses origines, ses limites et les conséquences d’un culte parfois excessif.


Pourquoi la résilience est-elle devenue centrale dans les entreprises ?


Un monde professionnel en crise permanente


Pandémies, inflation, conflits géopolitiques, transformation numérique… Les entreprises évoluent dans un environnement où les crises se succèdent et les certitudes s’effondrent. Pour beaucoup, la résilience semble être la seule manière de survivre dans un contexte VUCA (Volatilité, Incertitude, Complexité, Ambiguïté).


Le psychologue Boris Cyrulnik, connu pour ses travaux sur la résilience, la définit comme une capacité à se reconstruire après un traumatisme. Mais il précise aussi que cette capacité dépend fortement de l’environnement.

« On ne peut pas être résilient tout seul, il faut un milieu porteur », affirme-t-il.

Or, dans le monde du travail, ce “milieu porteur” fait souvent défaut.


Une réponse à la pression managériale


De nombreuses entreprises valorisent la résilience comme une compétence clé pour faire face à des conditions de travail de plus en plus exigeantes : réduction des effectifs, charge de travail accrue, objectifs démesurés. Dans ce contexte, être résilient revient souvent à accepter ces contraintes sans broncher.


Le sociologue Vincent de Gaulejac, spécialiste des rapports au travail, explique que :

« la résilience peut masquer une forme de violence institutionnelle. Elle devient une manière de demander aux individus de s’adapter à des organisations dysfonctionnelles. »


Une idéalisation culturelle du dépassement de soi


L’essor des récits d’entrepreneurs “résilients” qui surmontent toutes les difficultés pour réussir alimente une culture du dépassement de soi. Ces histoires, bien qu’inspirantes, placent la barre très haut : il ne suffit plus de travailler bien, il faut aussi prouver que l’on peut encaisser et rebondir.


Les dangers d’une injonction à la résilience


La normalisation de l’insupportable


Si la résilience devient un prérequis, elle risque de banaliser les dysfonctionnements. Pourquoi améliorer les conditions de travail si les salariés sont capables de s’adapter ? Cette logique peut entraîner une stagnation des transformations nécessaires au sein des entreprises.


L’épuisement psychologique


La psychologue américaine Christina Maslach , pionnière dans l’étude du burn-out, souligne que la résilience, lorsqu’elle est mal comprise, peut conduire à l’épuisement professionnel.

« Les gens finissent par confondre résilience et endurance, mais la première nécessite des ressources que l’on ne peut pas toujours mobiliser. »


La culpabilisation des collaborateurs


Dans certaines organisations, l’incapacité à “rebondir” est perçue comme une faiblesse personnelle. Cela alimente une culture de la culpabilité et de l’isolement, où les salariés se sentent responsables de leur propre mal-être.


Une perte d’authenticité


Trop de résilience peut aussi conduire à refouler ses émotions, à adopter une posture de façade. Cela fragilise la confiance et la communication au sein des équipes, nuisant à la culture d’entreprise.


Comment replacer la résilience dans un cadre sain ?


Faire de la résilience un effort collectif


La résilience ne doit pas être une performance individuelle mais un effort partagé. Les entreprises doivent créer des environnements où les salariés se sentent soutenus, valorisés et reconnus.


Prévenir plutôt que guérir


Investir dans le bien-être au travail, former les managers à détecter les signaux faibles, et promouvoir un dialogue ouvert sont des leviers pour éviter les crises plutôt que de demander aux salariés de les surmonter seuls.


Remettre en question l’organisation


La sociologue Danièle Linhart rappelle que :

« les organisations doivent apprendre à regarder leurs failles au lieu de demander aux individus de les combler ».

Plutôt que de demander toujours plus aux collaborateurs, il faut travailler sur les processus, les priorités et les moyens.


Mot de la fin : une qualité, mais pas une solution universelle


La résilience peut être une force, mais elle ne doit pas devenir une injonction silencieuse à tout accepter.

Comme le souligne Boris Cyrulnik :

« la résilience est une conséquence de l’adversité, pas une vertu innée. »

Dans le monde du travail, il est urgent de réfléchir à des conditions qui réduisent la nécessité d’être résilient, pour enfin replacer l’humain au cœur de l’entreprise.


Et vous, comment percevez-vous la résilience dans votre quotidien professionnel ? Est-ce un levier ou une contrainte ? Partagez votre expérience en commentaire.


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Christine HOCHABAEFF

🔸 Conseil et offres de prestations sur mesure pour le fonctionnement du CSE et missions des élus : assistances, conseils, formations, expertises, consulting, communication, audit, outils 📲07 67 51 10 85

1 mois

Mes pensées vont vers les collaborateurs courageux, impliqués et endurants sans limite, au bord des risques psychosociaux graves. Ces collaborateurs investis que rien n'arrête pour servir une cause ou pour remporter de la considération méritée pour le travail bien fait et de la productivité.

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