La retenue de garantie dans les marchés de travaux privés

La retenue de garantie dans les marchés de travaux privés

La retenue de garantie est gage de bon accomplissement des travaux dès lors que le maître d’ouvrage a la faculté de retenir une somme correspondante à 5% sur chacun des acomptes calculée sur la valeur définitive du marché.

Elle a été concrétisée par la loi n°71-584 du 16 juillet 1971 :
« Les paiements des acomptes sur la valeur définitive des marchés de travaux privés visés à l'article 1779-3° du code civil peuvent être amputés d'une retenue égale au plus à 5 p. 100 de leur montant et garantissant contractuellement l'exécution des travaux, pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage. »
Article 1 alinéa 1

Cette retenue de garantie est-elle obligatoire ?

Ces dispositions sont d’ordre public mais il convient de rappeler que la liberté contractuelle régie les marchés de travaux privés.

Si la retenue de garantie vise à permettre la bonne exécution des travaux et la reprise des réserves, la retenue de garantie ne peut être imposée à l’entrepreneur dès lors qu’elle n’est pas prévue au marché.

Si les parties décident de se référer pour leur marché à la norme NFP 03-001 de décembre 2000 (amendée en 2009) via un cahier des clauses administratives générales (CCAG), il est probable que cette retenue de garantie soit prévue. Dans le cas contraire, les parties devront expressément l’indiquer.


« Le maître de l'ouvrage doit consigner entre les mains d'un consignataire, accepté par les deux parties ou à défaut désigné par le président du tribunal de grande instance ou du tribunal de commerce, une somme égale à la retenue effectuée.
Dans le cas où les sommes ayant fait l'objet de la retenue de garantie dépassent la consignation visée à l'alinéa précédent, le maître de l'ouvrage devra compléter celle-ci jusqu'au montant des sommes ainsi retenues. »
Article 1, alinéas 2 & 3

Concrètement, le maître d’ouvrage ne peut pas conserver cette somme entre ses mains mais doit nécessairement consigner auprès d’un consignataire accepté par les deux parties (banque…) ou désigné judiciairement.

Il est pourtant rare en pratique de voir un maître d’ouvrage respecter stricto sensu cette procédure, de sorte qu’en l’absence de consignation l’entrepreneur pourrait tout à fait exiger le paiement de cette somme, alors même qu’il n’aurait pas satisfait à la reprises des désordres.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 18 décembre 2013, 12-29.472, Publié au bulletin

Cet arrêt précisant en outre que le maître d’ouvrage, qui n’aurait pas respecté le principe de consignation, ne pourrait pas se prévaloir des dispositions protectrices des articles 1 et 2 de la loi de 1971 notamment de son droit à opposition à restitution des fonds (cf infra).

Cette consignation qui s’analyse comme un séquestre n’emporte pas transfert de la propriété des fonds. Aussi, l’entrepreneur n’aura aucun droit sur cette somme tant que la consignation ne sera pas levée.

Toutefois, la retenue de garantie stipulée contractuellement n'est pas pratiquée si l'entrepreneur fournit pour un montant égal une caution personnelle et solidaire émanant d'un établissement financier figurant sur une liste fixée par décret. »
Article 1, alinéa 4

Pour échapper à cette consignation, il est toujours possible pour l’entrepreneur de soustraire cette retenue à une caution solidaire et personnelle émanant d’un établissement financier, qui ne correspond cependant pas à une garantie « à première demande ».

Si elle existe, le maître d’ouvrage ne peut pas conserver 5% des sommes dues.

Cette caution à un double avantage :
elle évite de subir une immobilisation de trésorerie pour le professionnel
elle est généralement gage de confiance pour le maître d’ouvrage

Par nature, cette caution, comme la retenue de garantie ne peut avoir comme seul objet, de garantir la bonne exécution des reprises des réserves à l’exclusion de tout autre frais (retard de chantier, désordres ultérieurs…).

En effet, la Cour de cassation rappelle depuis 2004 que « la retenue légale (tout comme la caution) vise à garantir l’exécution des travaux de levée de réserves à la réception et non la bonne fin du chantier ».
Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 22 septembre 2004, 03-12.639, Publié au bulletin

Depuis et encore très récemment (Cour de cassation, Chambre civile 3, du 7 décembre 2015, n°95-10153, Publié au Bulletin), la Haute Cour confirme sa position.

Ainsi en l’absence de réception ou de réserve, il ne peut pas y avoir de retenue de garantie.


A l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception, faite avec ou sans réserve, des travaux visés à l'article précédent, la caution est libérée ou les sommes consignées sont versées à l'entrepreneur, même en l'absence de mainlevée, si le maître de l'ouvrage n'a pas notifié à la caution ou au consignataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur. L'opposition abusive entraîne la condamnation de l'opposant à des dommages-intérêts.
Article 2

Par principe la mainlevée de la retenue intervient dès lors que l’entrepreneur a réalisé les travaux de reprise des réserves ; à charge pour ce dernier d’en rapporter la preuve.

Néanmoins, même en l’absence de reprise, cette protection qui ne peut s’analyser comme une exception d’inexécution classique, est volontairement limitée dans le temps à une année pour éviter les retenues abusives à l’encontre du professionnel.

Aussi après une année et sans opposition expresse et formelle pendant ce laps de temps (selon les formes de cet article), le maître d’ouvrage doit restituer les sommes retenues.
Rappel de l’arrêt du 18 décembre 2013

La retenue de garantie existe également en matière de marché public mais fait l’objet d’un autre mécanisme.

Article en ligne sur https://www.legalplace.fr 

il faudrait creuser un peu + dans cette direction

Serge BARRAUD

Responsable Juridique chez Investissement & Participations

8 ans

Excellent rappel. Facteur essentiel de sécurisation des marchés privés, pour éviter que les fins de chantier tournent au chantage.

Eric TRAMUTOLO

CEO BF AIR Assurance crédit - Affacturage - Cautions - Facultés. « LE BON SENS CLIENT » Formateur KEYCE Business School / IUT Montpellier Sète / FISE Business School

8 ans

Très bel éclairage sur lequel je ne peux m'empêcher de rebondir pour vous informer des outils de Cautionnement par Coface : une garantie pour se développer sereinement. Cautions de marché, Cautions sous-traitance. Cautions réglementaires. Cautions environnementales. Cautions Douanes ou Accises.

Extrêmement instructif mais cependant complexe. Une synthèse serait bienvenue ;)

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