La ruse, une intelligence non-assimilable par les machines
Photo de Maël Balland sur Unsplash

La ruse, une intelligence non-assimilable par les machines

Situations 2043

A quoi pourrait ressembler le futur de l’exercice militaire? Et si pour l’imaginer, on conviait des auteurs de science-fiction? C’est à cet exercice que s’essaie Situations 2043, un ouvrage créé à l’initiative de Quentin Ladetto , directeur du programme de prospective technologique au sein d’armasuisse Sciences et Technologies, et de Frédéric Jaccaud , écrivain et conservateur de la Maison d’Ailleurs. Disponible en ligne sur le site du Deftech, Situations 2043 rassemble des récits de fiction qui abordent un futur dont le quotidien est empreint de technologies.

J’ai eu la chance d’être invité à y contribuer et, ne me sachant aucun talent d’écrivain de SF, j’ai profité de la liberté qui m’était offerte pour aborder le thème de la ruse à l’ère des copilotes artificiels. J’ai choisi de me pencher sur la ruse, parce que cette forme d’intelligence joue un grand rôle dans l’exercice militaire, et parce qu’elle illustre à mon avis certains enjeux entourant le développement actuel et futur de l’intelligence artificielle.

Pourquoi la ruse et l’IA?

Quiconque suit l’actualité quotidienne sur le développement de l’intelligence artificielle est confronté à deux types de nouvelles. Les effrayantes qui annoncent que l’IA fait aussi bien (ou mieux) que nous dans une liste grandissante de tâches et menace ainsi de nous remplacer. Et les consolantes qui nous disent que le jugement, la créativité, les émotions humaines seront toujours nécessaires, si bien qu’au lieu d’être mis à l'écart, nous allons vivre en harmonie avec les machines grâce à une judicieuse répartition des tâches. Aux machines l’intelligence, à nous le reste.

Cette façon de voir les choses repose sur une conception très étroite de l’intelligence humaine, héritée de la cybernétique et diffusée dans de nombreuses disciplines, qui réduit notre raison au traitement de l’information et à notre capacité de transformer des inputs en outputs. A envisager l’intelligence humaine de manière si informatique, il n’est pas étonnant que l’informatique soit capable de l’imiter et, de plus en plus souvent, de la dépasser.

Notre intelligence ne se réduit cependant pas à cette capacité congrue de calcul absorbable par les machines. Il est d’autres aspects de notre intelligence plus difficiles à formaliser et par conséquent négligés voire dénigrés. Je pense justement à la ruse.

S’intéresser à la ruse (et à la notion de métis chez les grecs anciens), c’est en effet s’intéresser à une intelligence davantage de l’action que du calcul. Une intelligence qui plutôt que d’essayer de mater l’incertitude à coups de prédictions, embrasse et joue du caractère fondamentalement incertain de l’avenir. Une intelligence qui plutôt que de travailler à cartographier le monde à distance et hors du temps, agit au contraire en immersion dans le monde, attentive aux situations singulières et pétrie par l’expérience du temps. Une intelligence finalement qui donne une chance au plus faible de triompher du plus fort, et rouvre ainsi le jeu et les possibles.

La question que j’explore dans mon article est donc double: qu’est ce qui distingue la ruse de l’intelligence artificielle? Et sommes-nous encore capable d’exercer notre ruse lorsque nous agissons en tandem avec un copilote artificiel?

Merci encore à Quentin et à Frédéric de m’avoir offert cette opportunité!

Je vous invite à vous plonger dans les récits de Situations 2043 (et dans mon "essai" qui conclut l'ouvrage)...

Bonne lecture!

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