La visite de Xi Jinping à Paris révèle l’affrontement entre deux mondes
Isabelle Lasserre
Le Figaro
8/05/2024
DÉCRYPTAGE - Que restera-t-il des échanges sur l’Ukraine entre Emmanuel Macron et Xi Jinping si ce n’est de la fumée? Derrière le visage crispé du président français, qui, une fois n’est pas coutume, avait le nez plongé dans son discours pendant la conférence de presse - sans questions pour les journalistes -, et celui du président chinois, mal à l’aise et fermé, perçait non pas «l’amitié» tant évoquée par les intéressés, mais l’affrontement entre deux mondes qui s’opposent sur tout.
Officiellement, Paris, qui voudrait que la Chine utilise les «leviers» dont elle dispose sur le Kremlin pour l’influencer positivement, se félicite de «l’engagement» renouvelé du dirigeant chinois à ne pas exporter d’armement à la Russie et à effectuer un contrôle «extrêmement strict» sur les exportations de biens à double usage, pouvant être utilisés à des fins militaires. Mais les promesses, c’est connu, n’engagent que ceux qui les écoutent. Surtout quand elles viennent de Xi Jinping, qui a l’habitude de prendre avec elles de grandes libertés. Les Français, qui se disent lucides, reconnaissent que la même chose avait déjà été promise l’année dernière par le pouvoir chinois, qu’il faudra juger le président «sur les faits» et que «les rencontres à haut niveau ne sont pas la fin de l’histoire».
Mais, alors que Washington a détaillé les nombreuses transactions qui ont permis à l’industrie de défense russe de se reconstituer rapidement et de mettre en difficulté les forces ukrainiennes sur le terrain, Paris «trouve rassurant de voir qu’il existe une convergence sur les vrais enjeux, c’est-à-dire la nécessité de ne pas soutenir l’effort massif de guerre russe», selon une source diplomatique.
Emmanuel Macron, dans sa conférence de presse, a aussi redit que la France rejetait «la logique des blocs». Depuis son arrivée à l’Élysée, il défend une «politique d’équilibre», une «troisième voie» pour l’Europe, entre les États-Unis et la Chine.
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«Il est utile de parler à Xi Jinping et même d’essayer d’influencer sa position. Mais il ne faut pas que ce soit pour la France l’occasion de reproduire avec la Chine les erreurs commises avec la Russie. Car la théorie de l’équidistance, héritage du gaullo-mitterrandisme, ne s’applique plus au monde d’aujourd’hui, qui est dominé par la vision des Brics et le multi-alignement», commente un ancien ambassadeur.
Emmanuel Macron refuse peut-être la théorie des «blocs», mais les puissances révisionnistes, dirigées par Moscou et Pékin, se sont elles-mêmes organisées en bloc pour lutter contre le monde occidental, ses valeurs politiques et culturelles et son «hégémonie». De la même manière que l’enfermement du Covid avait encore durci les murs de la citadelle assiégée qu’est devenu le Kremlin sous Vladimir Poutine, Xi Jinping, pour sa première sortie internationale depuis la pandémie, semble devenu encore plus hermétique et hostile à la civilisation occidentale.
Dans ce nouveau monde inversé qui se définit par opposition aux démocraties libérales européennes et aux États-Unis, le régime chinois, qui glisse vers le totalitarisme, n’a intérêt ni à la fin du conflit ni à la défaite de la Russie contre l’Ukraine. La «neutralité» de Pékin sur le sujet est un mirage auquel font encore semblant de croire certaines chancelleries occidentales. Pékin n’a jamais condamné l’invasion russe de l’Ukraine. L’alliance informelle entre les deux anciens géants communistes ne fait que se renforcer aux niveaux économiques et militaires.
Car ils partagent des buts communs: faire reculer les États-Unis, changer l’ordre international, affaiblir les démocraties occidentales et attiser les divisions transatlantiques. Dans sa conférence de presse, le numéro un chinois a invité Paris à ne pas «salir» son pays sur le dossier ukrainien et à ne pas «déclencher une nouvelle guerre froide». Il a maintenu l’ambiguïté sur la participation de la Chine à la conférence internationale de paix organisée le mois prochain en Suisse, estimant qu’elle n’aurait d’intérêt que si les Russes y participaient, à «égalité» avec les Ukrainiens.
Les tentatives de séduction du président français, qui a emmené mardi son homologue chinois en terres intimes, sur les lieux de ses vacances d’enfance avec sa grand-mère, dans les Hautes-Pyrénées, ne changeront rien à ce programme. Xi Jinping n’est pas un sentimental. Pas plus que Donald Trump, qu’Emmanuel Macron avait tenté de caresser dans le sens du poil pour mieux l’influencer, ou Vladimir Poutine, que le président français avait cru séduire en août 2019 au fort de Brégançon, dans l’ambiance estivale des cigales.
Après la France, Xi Jinping visitera la Hongrie et la Serbie, qui penchent du côté de Moscou. «Considère-t-il la France comme un autre pays où il est possible, comme à Budapest ou à Belgrade, d’enfoncer un coin?», s’interroge un diplomate.
La «relation spéciale» entre Pékin et Paris appartient, en somme, à un logiciel diplomatique périmé. Seule, la France ne pèse plus face à la Chine. Une Europe unie, ferme et assumant le rapport de force sera la seule chance de défendre l’Ukraine et les intérêts du continent.
Fondateur, associé et dirigeant du groupe K Patrimoine & Finance
7 moisNon pas entre deux mondes mais entre un monde et un homme, ou, plutôt, quelques hommes, qui ne supportent pas l'idée d'un monde où leur toute puissance puisse être limitée. C'était, déjà, il y a plus d'un siècle, l'avis de Wilhelm II et Franz Joseph I, par exemple, puis leur pays respectifs ont fini par le rejoindre, ce monde, même si leur cheminement ne fut pas "un long fleuve tranquille". Il n'y a aucune raison pour qu'il n'en soit pas de même pour leurs pays, à eux aussi, quand ils y seront, à leur tour, prêts.
Commercial Sédentaire Retraité (Intraitable)
7 moisExcellente petite séquence diffusée dans "Quotidien" montrant un aparté entre Xi Jinping et Poutine, lors d'une visite officielle, se réjouissant, sourire satisfait et narquois. "Le monde a bien changé depuis 100 ans..." disait le premier au second. #slavaukraini
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