L’accès aux soins demain : la perte de chance change d’échelle

L’accès aux soins demain : la perte de chance change d’échelle

(Publié le 26 novembre 2019 dans LesEchos.fr )

Progrès technologiques, innovation médicale et différences règlementaires augmentent aujourd’hui les disparités d’accès aux soins entre pays. L’organisation et la régulation de notre système de santé doivent s’adapter à cette nouvelle donne internationale pour assurer à nos concitoyens la pérennité d’une protection de qualité économiquement viable.

La liturgie du PLFSS distrait la France d’enjeux majeurs

Les inégalités d'accès aux soins, récurrente polémique en France. Même si parcourir le monde révèle que nous ne sommes pas si mal lotis que cela. Alors sommes-nous d’incorrigibles râleurs inconscients de nos avantages? Ou au contraire nos acquis enviables par d’autres pays résultent-t-ils précisément de cette solidaire vigilance jamais démentie?

Les controverses ne manquent pas : tarifs, déserts médicaux, rôle des mutuelles etc. Ces légitimes préoccupations génèrent leur cortège de missions d’experts multipliant analyses et rapports. 

Puis cette riche matière, parfois adroitement détournée par les belligérants, alimente d’homériques bras de fer entre acteurs du système de santé et tutelles, accompagnés de joutes oratoires dans les média. Avec comme point d’orgue annuel l’exégèse du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Un cycle quasi-liturgique pour lequel chaque partie fourbit sa rhétorique d’une année sur l’autre, et qui débouche souvent sur des rustines s’accommodant des priorités politiques du moment. Le PLFSS 2020 ne déroge pas à la règle.

Mais le champ des questions ainsi débattues n’ayant guère frémi depuis des années, prenons-nous la mesure des nouveaux défis résultant d’un monde globalisé et numérisé?

Vers un changement d’échelle

Car si nous peinons aujourd’hui à résoudre les inégalités d’accès aux soins dans les territoires, c’est à l’échelle planétaire que la suite se joue. 

D’un pays à l’autre, qualité des soins et prix diffèrent. Et surtout, les régulations qui façonnent l’avenir diffèrent : procédures, délais de mise en marché et financement des innovations thérapeutiques, recours aux progrès bio-technologiques pour l’administration de thérapies ciblées, emploi d'intelligences artificielles d’aide au diagnostic médical, accès aux données de santé, communication publique d’indicateurs de qualité des soins. Bref, des écarts significatifs sur trois déterminants de l’accès aux soins : la qualité de l’information, la disponibilité des traitements, le financement.

En revanche, d’autres écarts s’estompent : les maladies chroniques, caractérisées il y a dix ans comme le mal des pays « développés », affectent désormais toutes les populations.

Dans le même temps, la mobilité internationale des individus ne cesse de croître, et l’information, y compris « fake », n’a jamais été aussi fluide et accessible à travers le monde.

Les conditions sont donc réunies pour que la « perte de chance » face aux nouvelles possibilités curatives ou préventives accessibles ailleurs soit plus visible, moins tolérable, et pour que le nombre de patients ne pouvant s’y résoudre augmente. Les statistiques mondiales des patients se faisant soigner à l’étranger en témoignent, même si elles agrègent diverses situations, du tourisme faiblement médicalisé à l’urgence, de l’exploitation de la crédulité au bien fondé thérapeutique.

Pérenniser la qualité d’un système de santé impose de l’adapter à son environnement international

Considérer notre système de santé durablement en vase clos, coupé de ces réalités, disqualifierait la France. En la privant d’opportunités d’accueil de patients alors que son excellence médicale est reconnue dans le monde et que ses hôpitaux restent sous financés. En fragilisant l’acceptabilité de son système de protection sociale si d’autres pays tirent plus rapidement parti des innovations médicales et technologiques dans un cadre éthique satisfaisant. Enfin, en perdant l’attractivité nécessaire pour fidéliser les talents indispensables au traitement de proximité de nos citoyens.

Ainsi, embrasser les enjeux internationaux n’éloigne pas du souci de la santé de nos concitoyens mais bien au contraire sécurise notre capacité à leur garantir l’accès à de soins de qualité sur le long terme.

La carte sanitaire mondiale évoluera et modifiera les parcours de soins. De nouveaux pôles d’excellence se structureront par pays ou continent, sous l’effet de stratégies nationales délibérées ou d’initiatives d’opérateurs économiques. La robotique chirurgicale et la télé-médecine s’affranchiront des distances. Alors qu’au contraire, pour certaines thérapies ciblées, la nécessité de produire molécules et radioéléments à proximité du lieu de traitement créera de nouvelles contraintes géographiques. Interopérabilité des systèmes d’information et exploitation sécurisée des données permettront aux professionnels de santé de disposer à tout moment des informations indispensables, au prix d’efforts à développer pour éviter d’asservir tout l’écosystème à quelques monopoles technologiques.

La France dispose de quelques atouts pour jouer un rôle dans cette complexe reconfiguration et renforcer d’autant son système de santé. Encore faut-il cesser les guerres de chapelles nationales pour se projeter ensemble à plus long terme.

A terme, un enjeu de stabilité mondiale

Manquer d’anticipation exposerait d’autant à de nouveaux risques d’instabilité sociale et politique, notamment si les promesses de la bio-ingénierie renforcent les espoirs de longévité ou d’augmentation des facultés humaines. Ces technologies seront tout d’abord accessibles à des prix élevés, et disponibles dans une poignée de pays seulement, venant accroître inégalités et menaces de conflits en l’absence de dynamiques de financement et de régulation adaptées.

Deux récents rapports l’évoquent : le Global risk report du World Economic Forum, et le Global trends du National Intelligence Council qui fournit analyses prospectives à la CIA.

Alors, même si le quotidien national nécessite mobilisation, abordons simultanément ces défis de demain pour espérer construire à temps des solutions conciliant notre référentiel de valeurs sociales, nos contraintes économiques et nos ambitions sur l’échiquier géostratégique.

La perte de chance entre individus change d’échelle. Qu’il en soit enfin de même de nos ambitions pour le système de santé.

Par Jean-Louis Davet, administrateur du Groupe Denos Health Management


Thibaut Legrand

Partner - Management Consulting for Insurance Industry

5 ans

Merci Jean-Louis pour cet article qui rappelle la nécessaire transformation des complémentaires santé pour relever les défis de notre époque

Josette Guéniau

Conseil expert en assurance santé-prévoyance

5 ans

#complémentaires santé. Le défi d’acc aux soins en et hors les murs se situent au centre de vos défis Jean Louis Davet Merci de nous le rappeler 

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