L'administration courte
Entreprise libérée, structure agile, holacratie, les nouveaux modèles d'organisation ne manquent pas. Au-delà de leur réalité bien spécifique, ces nouvelles formes d'organisation visent à libérer les énergies, à responsabiliser et à autonomiser.
Pour certains, notamment les grandes administrations, la marche peut paraitre bien haute entre ces formes nouvelles et leur propre organisation lourde, particulièrement structurée, hiérarchisée et pyramidale. Il existe pourtant une voix moyenne ou intermédiaire, celle de l'organisation courte.
Encore un nouveau concept me direz-vous! Non simplement un ensemble de règles qui vise à travailler plus rapidement tout en libérant les énergies et les collaborateurs.
Règle 1 : signer plus vite
- Le constat : dans de nombreuses administrations, les courriers doivent passer par de nombreux niveaux hiérarchiques avant d'être signés par "le responsable en chef". Ainsi entre le rédacteur et le signataire final, les couches hiérarchiques se multiplient et constituent un réel goulet d'étranglement source de lenteurs. On peut parler de mille-feuille; mais celui-ci n'est pas gourmand il est chronophage, démotivant et source inefficacité.
- Le changement : il suffit de limiter à 1, les niveaux de validation intermédiaires avant la signature finale. Pour y arriver, il suffit de strapper certains niveaux intermédiaires ou mieux encore de déconcentrer le niveau de signature.
- Avantage: réduction des délais de traitement en raccourcissant le circuit de signature. Les niveaux intermédiaires sont libérés ou responsabilisés.
Règle 2 : décider plus vite
- Le constat : certains niveaux hiérarchiques constituent de réels points de congestion. Les dossiers s'entassent, s'accumulent et se perdent même parfois. Qui n'a pas jamais couru derrière un dossier ou n'a jamais relancer à de multiples reprises un responsable qui ralentit toujours les dossiers.
- Le changement : il convient de définir 3 niveaux d'analyse des dossiers:
VERT: dossier courant lié à l'organisation quotidienne ou a des actions classiques sans portée stratégique. Ce type de dossier ne doit pas rester plus de 8 heures ouvrés dans un bureau ou dans un workflow, soit J+1.
BLEU: dossier plus conséquent que le VERT, il a une portée transverse et touche à la collaboration interne de certains services. Les dossiers ne doivent pas rester plus de 16 heures ouvrés dans un bureau ou dans un workflow, soit J+2.
ROUGE: dossier stratégique qui engage fermement la structure. Il est le fruit d'analyses approfondies, multiples et souvent complexes. Ce type de dossier engage ou prépare l'avenir. Il ne doit pas rester plus de 24 heures ouvrés dans un bureau ou dans un workflow, soit J+3 même si des délais spécifiques peuvent (doivent) être définis en fonction de la portée du document.
Passez les délais prescrits, le dossier est considéré comme validé et doit passer à l'étape suivante. Une autre catégorisation peut être définie à travers les axes URGENT (OUI-NON)/IMPORTANT(OUI/NON)
- Avantage: le délai de traitement des dossiers est amélioré. Les temps morts sont gommés et le responsable se concentre sur les dossiers importants sans être excessivement tatillon sur les sujets simples.
Règle 3: reformater les N+1
- Le constat: les N+1, chefs de service ou autres sont dans un rôle centralisateur avant de ventiler les travaux ou la charge de travail sur leurs collaborateurs. Ils constituent de véritables entonnoirs et freinent souvent la circulation des informations car bien trop occupés en réunions et dans des missions de contrôle.
- Le changement: la fonction de contrôle et de point de passage obligé des N+1 doit être abandonnés et leur rôle doit être orienté sur une mission de référent. Fini l'effet entonnoir et le rôle centralisateur, il n'est plus à la tête de son équipe mais au centre et agit comme comme un véritable conseiller fonctionnel, un organisateur ... un manager! Le travail transversal doit être décloisonné.
- Avantage: les collaborateurs sont responsabilisés et autonomisés. L'information circule plus vite. Le travail est plus valorisant et le N+1 peut désormais dédié son travail à l'anticipation et à l'amélioration continue. Il constitue ainsi une réelle plus-value pour ses collaborateurs et les décisions stratégiques ou opérationnelles.
Lire "Manager, ayez une attitude circulaire!" en cliquant ici.
Règle 4: réorienter les fonctions support
- Le constat: par définition une fonction support a vocation à "supporter", aider, faciliter et-ou accompagner. Il est fréquent d'observer que certaines fonctions support se sont professionnalisées. Elles ne servent plus l'action opérationnelle ou majeure mais elles la contraignent et la façonne, en dehors de toute obligation réglementaire bien-sûr. Elles perdent ainsi leur fonction première qui est d'appuyer ou de servir.
- Le changement: il faut donc réorienter la mission de ces fonctions support sur leur but premier de facilitateur. Il ne faut pas hésiter à les réduire, les dissoudre même ou à les subordonner fermement à une fonction métier afin de leur faire perdre leur autonomie et leur capacité à s'auto-alimenter.
- Avantage: l'organisation reste tournée vers l'opérationnel, le coeur de métier et l'activité principale. La sur-administration est limitée et les fonctions d'accompagnement abordent un pragmatisme libérateur pour les opérationnels. Les relations sont apaisées.
Règle 5 : donner du sens
- Le constat: certaines choses relèvent parfois plus de l'habitude que du besoin. Tout ou partie de certains processus sont réalisés plus par coutume que par fondement opérationnel utile. On a tous rempli des formulaires avec des cases dont personne ne comprend le sens mais que nous avons soigneusement renseignées pour ne pas froisser la susceptibilité administrative du traitant. Je ne dois pas être le seul à avoir entendu "Ca ne sert à rien mais faut qu'en même le faire".
- Le changement: il faut interroger toute l'organisation, touts les processus et les méthodes en posant 5 fois la question POURQUOI. La méthode des 5 P vient à bout de n'importe quelle acte non fondé (ou presque) et ils sont nombreux dans les grandes administrations.
- Avantage: tout d'abord les tâches sont simplifiées et l'inutile, le désuet ou l'obsolète est supprimé. L'organisation gagne en temps et en simplification. En efficacité tout simplement. Du sens est redonné à l'action collective comme individuelle. Ce dernier point est majeur pour le bien-être au travail.
Une illustration simple de cette règle en cliquant ici.
Règle 6 : optimiser le temps avec l'intelligence collective
- Le constat: des dossiers passent souvent de chefs en chefs pour des validations successives avant d'être enfin validés définitivement. Ce principe de validation séquencé est particulièrement consommateur de temps (si 5 personnes passent individuellement 2 heures sur un dossier traité de manière séquentielle, susceptible de faire des aller-retour pour diverses corrections, le temps passé pour la validation du dossier est de 10 heures a minima).
- Le changement: la mise en place de commissions doit être privilégiée pour ces dossiers récurrents au coeur de l'activité d'une administration.
- Avantage: les dossiers sont traités dans un temps plus court (2 heures de manière collaborative à travers une commission dans notre exemple contre 10 heures de manière séquentielle). Le traitement plus rapide des dossiers valorise le travail des collaborateurs et limite ainsi le sentiment d'usure des agents. L'organisation est plus efficiente.
L'administration courte permet de responsabiliser, autonomiser, libérer et améliorer l'activité. Les règles paraitront basiques pour certains, simplistes pour d'autres déjà aguerris à l'agilité mais la réalité de certaines grandes administrations montre que certaines en sont bien loin. Passez votre organisation au filtre de ces 6 règles et on en reparle...
Lionel SALOR