L’armée a choisi la compétence
Dans un monde d’hyper communication, les grandes institutions peuvent voir leur image se dégrader très vite à cause d’un événement apparemment mineur, provoqué très loin du centre par l’une des innombrables personnes qui leurs sont rattachées.
Pour éviter que survienne ce type d’événements, une solution consiste à imposer aux agents de terrain de suivre des protocoles précis, qui prévoient tous les cas, et de contrôler que ces protocoles soient effectivement appliqués. Pas sûr que cela fonctionne.
L’armée est elle aussi confronté à ce type de problème, si elle envoie des soldats en opérations, d’autant plus qu’il devient difficile de tout prévoir. D’où l’intérêt d’un article paru en juin de cette année, qui explique comment l’armée française fait face à cette question.
L’auteur s’appelle Michel Goya. Il a le grade de colonel. Après une carrière sur le terrain (Rwanda, Nouvelle Calédonie, Sarajevo, République Centre africaine, Guyane…) il s’est occupé de retours d’expérience à l’école militaire, et a passé un doctorat en histoire militaire. Il a enseigné à l’EPHE et à Sciences Po.
Son article s’intitule le « caporal stratégique ». Il y explique que l’utilisation inadaptée de la force peut avoir des conséquences dramatiques. Cela a fait partie de la réflexion menée dans l’armée après la guerre d’Algérie sur l’éthique et la déontologie du métier des armes. Celle-ci a porté ses fruits sur les conditions de l’usage de la force.
L’idée de base est que les erreurs dangereuses se produisent quand les personnes sur le terrain ne savent plus gérer la situation : c’est le stress qui prend le contrôle et peut facilement mener au dérapage. Cette incapacité arrive beaucoup moins souvent quand les responsables sur place combinent « de la maturité cérébrale, du cumul d’expérience et de compétences ».
A partir de l’exemple américain de George Floyd, l’auteur explique clairement ce qu’il entend par professionnalisation. Cela consiste aussi à savoir sortir des avants postes ceux qui ne se révèlent pas ou plus fiables.
D’une certaine manière, l’armée française a fait un choix semblable à ces usines qui ont mis en place la maintenance premier niveau et l'auto-contrôle qualité par les opérateurs de production : la meilleure prévention suppose une action de qualité de la part de celui qui est au cœur de l’action. Cela suppose qu’on s’organise pour qu’il ait les compétences mais aussi qu’on lui fasse confiance. (l'équivalent du caporal serait plutôt le chef d'équipe ceci-dit)
Et dans votre entreprise, qui sont vos « caporaux stratégiques », comment acquièrent-ils de l’expérience et comment leur faites-vous confiance ?
Sur le même sujet, un article publié l’an dernier : confiance ou contrôle