L'Art contemporain, à Tarbes, n'hiberne pas !
Non, il n'hiberne pas, et nous ne parlerons là que de ce qui se passe actuellement sur l'agglomération de Tarbes, sans exhaustivité, précisons-le : on ne peut malheureusement pas être partout. Ces 15 derniers jours, on a eu le droit, dans les parages, à trois importants vernissages, et deux autres déjà s'annoncent. De quoi parle-t-on ?
On parle déjà de l'exposition "Un certain Regard, Portraits contemporains", accrochée depuis peu sur les cimaises du Musée Massey. On ne vous fera pas l'affront de vous en dire le thème, le titre de l'exposition est, à ce sujet, parfaitement transparent. Mais le fait est que, le musée Massey, pour clôturer un cycle qui, depuis quelques mois déjà, a permis de voir quelques très belles propositions du côté du Carmel, profite d'un prêt du Fonds Régional d'Art Contemporain qui est loin d'être insignifiant. Andy Warhol, Yan Pei-Ming, Man Ray, Antonio Saura, Richard Fauguet, General Idea, Présence Panchounette, tous ces artistes et groupements d'artistes, importants dans l'histoire de l'art du XXe siècle ont, au Massey, une œuvre pour les représenter. La chose est suffisamment rare, à Tarbes, pour être signalée ! Il y a des pièces que l'on ne s'étonne pas de voir, tant elles sont connues désormais et appartiennent à une culture universellement partagée (on pense au quadriptyque des Marilyn de Warhol, par exemple) - [et, parenthèse, l'on ne s'en étonne pas parce qu'elles ont une place quasiment institutionnalisée dans les FRAC ; ainsi, également, des œuvres de Présence Panchounette, collectif bordelais qu'on voit souvent réapparaître quand les FRACs d'Occitanie et d'Aquitaine décentralisent leur collections ; fin de la parenthèse]. Mais il y a des choses aussi moins attendues, qui méritent le coup d’œil. L'énorme portrait intitulé Nazi Milk, par exemple, de General Idea, idéalement accroché sur un pan de mur qui lui est exclusivement réservé pour le mieux mettre en valeur. Magnifique. Et que dire de ce drôle de portrait du Général de Gaulle, dont le corps dégingandé forme, les bras levés, le V de la victoire, dans une relecture un peu kitsch mais pas dénuée de charme ? Il y a décidément de belles choses à voir, dans ce certain regard, et l'on vous invite à y aller, vous-même, poser... votre regard.
Si vous êtes partant pour rejoindre l'étape 2 de ce parcours dans l'actualité artistique tarbaise, c'est à la galerie Omnibus, rue Bertrand Barère, qu'il faudra vous rendre. On y est allé en simple citoyen, sans notre casquette de chroniqueur, et l'on n'a pris aucune note. Ne comptez donc pas sur nous pour vous donner les noms des artistes exposés. On indiquera, pour les curieux, que ceux-là viennent de différents horizons géographiques. Comprendre : des environs mais aussi de plus loin. Ici aussi, le titre est plus ou moins transparent : "Au pied de la lettre". Clairement, c'est ici le langage qui s'expose, ainsi que toutes les modalités qui permettent d'en faire usage ou d'en transgresser l'usage... Arrivé devant la vitrine d'Omnibus, par exemple, vous êtes accueilli par un de ces énormes logos lumineux qu'on observe habituellement aux abords des motels américains, lieux à l'esthétique reconnaissable de tous grâce à leur omniprésence dans le cinéma hollywoodien. Généralement corrélé à une certaine "american way of life" pleine d'optimisme vis-à-vis d'un avenir possiblement radieux, le "logo motel", ici, est porteur d'un message qui joue la carte du détournement et de la surprise : "Life Stops Here". Chaque mot étant présenté dans une typo différente, on imagine assez aisément que chacun de ces mots aurait pu être incorporé dans une formule moins dramatique, et c'est là qu'est la beauté de la chose. En réagençant les mots, on démontre qu'on a, chacun, pris l'habitude de ce que cette esthétique motel, de ce que cette esthétique dinner, évoque formellement, au fond de nous, joie et optimisme. La nature du message réagencé, elle, provoque une dissonance cognitive qu'on aime à voir dans l'art contemporain, et qui réinterroge nos conditionnements culturels, tout en assumant une portée politique.
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Le mot, de toutes manières, devient rapidement politique, ainsi que le prouveront les œuvres installées dans la galerie omnibus. De détournements en détournements, de jeux de langage en jeux de langage, on redécouvre certaines proximités de sonorités qui semblent parfois devenir des proximités de sens, où l'on se plaît à se surprendre de certaines décontextualisations / recontextualisations (dans le monde de l'art contemporain, on aime à dire "reterritorialisations") qui amusent parfois, interrogent souvent. On pense, par exemple, à cette porte manifestement empruntée (fictivement) à des toilettes publiques, sur laquelle on est venu graffer des messages de toutes natures, ainsi qu'on en voit dans les toilettes publiques, mais dans une veine bien plus poétique que ce qu'on est habituellement conduit à voir. En réalité, on vous le dit : on aimerait que toutes les portes de toilettes publiques soient graffées ainsi. Pour vous la faire courte, : de la sérigraphie au graff', en passant par assemblages / déssassemblages de mots et même œuvre participative (Eugène, si tu nous lis, on te salue !), il y a une dimension ludique évidente dans cette exposition à prendre, ou non, au pied de la lettre, qui n'est pas sans rappeler les très riches heures de Fluxus. A noter enfin : beaucoup d'événements et de performances à venir à Omnibus, à suivre sur la page facebook de la galerie.
On ne s'étendra pas sur l'étape 3 : celle-ci se trouve au Parvis, et l'on a déjà eu l'occasion d'écrire un long article sur l'exposition nouvellement vernie au centre d'art de la scène nationale : il vous suffira de vous rendre sur le site de Bigorre Mag pour en savoir davantage à ce propos...
En ce qui concerne les étapes 4 et 5, celles-ci sont encore à venir. On vous indique, pour ce vendredi, un vernissage à la galerie Atelier 20, sise 20 rue des Haras à Tarbes, pour célébrer collectivement l'inauguration de l'exposition "Trait d'Union". Rdv à partir de 18h30. On signale également, le 2 décembre prochain, le vernissage de l'exposition "Résonances" au Café Parvis, organisée par l'association Photographie E, exposition qui viendra conclure une année riche d'événements pour un 40e anniversaire attendu. Ce sera à partir de 18h. Décidément, l'art contemporain, à Tarbes et alentours, se porte bien. Et il est grand temps de s'y pencher de nouveau, après les mois de relatif sevrage que l'on a vécus du fait du Covid, et qui ont été, comme on le sait, difficiles pour l'art contemporain comme pour la culture en général...