L’art de combiner audace et prudence dans la réussite des projets complexes et ambitieux

L’art de combiner audace et prudence dans la réussite des projets complexes et ambitieux

Après un 1er article sur le rôle clé de l’inspiration et des émotions chez les leaders, et un 2nd sur l’importance pour eux de savoir expliquer leurs intuitions et de créer et raconter une histoire, je vous propose aujourd’hui d’aborder la question de l’équilibre à trouver entre audace et prudence.

Il paraît en effet évident qu’il faut un certain sens de l’aventure pour se lancer dans des projets complexes et ambitieux, dans des défis difficiles. Mais parallèlement, celui-ci nous rend un peu inconscient des écueils et des dangers, et peut donc nous conduire à l’échec. Certes l’échec n’est pas forcément définitif, il est même une source d’apprentissage et de progrès. Mais la question est : jusqu’à quel niveau d’échec peut-on accepter sans risquer de compromettre totalement le projet initial ?

Le programme Apollo, qui a permis à 12 hommes de marcher sur la Lune entre juillet 1969 et décembre 1972, a été en cela une réussite remarquable. Mais on oublie facilement que les plus grandes réussites reposent sur le fait d’avoir surmonté des échecs, et d’en avoir fait des ressources pour progresser et croître. Exemple avec la mission Apollo 13, qualifiée par la NASA elle-même « d’échec réussi » : l’objectif de se poser sur la Lune a été un échec, mais la réussite a été l’incroyable sauvetage humain des 3 astronautes, avec un nombre incalculable d’obstacles techniques tous rédhibitoires pour leur survie. 52 ans après, cette mission sert encore d’exemple à de nombreux consultants.

Parlons aussi d’Apollo 1, cette mission qui était en réalité un entraînement au sol, où 3 astronautes ont trouvé la mort, carbonisés dans leur capsule. La cause ? Une multitude de risques, plus ou moins conscients, pour réduire les coûts, ou tenir l’objectif de délai de Kennedy de poser le pied sur la Lune avant la fin de la décennie. Les 3 astronautes concernés avaient parfaitement conscience de ces risques, mais craignaient dans le même temps de perdre leur place dans la première mission lunaire s’ils critiquaient trop ouvertement les responsables. A quel moment ont-ils manqué le coche de dire les choses ? A quel moment auraient-ils dû dire stop ? Et surtout, comment calibrer leurs « systèmes d’alerte internes » suffisamment finement pour réagir au moment opportun ?


Savoir renoncer est parfois plus difficile encore que d’oser se lancer.

J’ai passé ma licence de pilote privé d’avion en juin 1999, et durant 8 ans j’ai pris un énorme plaisir à voler, en emmenant un grand nombre de mes amis et de membres de ma famille. Un jour, je venais de décoller de Rennes avec 2 neveux à bord avec moi, et je constate d’abord qu’un des instruments de radio navigation ne fonctionnait pas. Je réalise aussi qu’une fois en l’air je ne voyais plus le sol : c’est un phénomène rare mais connu, de forte humidité dans l’air qui réduit considérablement la visibilité verticale, et gêne donc le pilote pour atterrir.

Ma décision a été immédiate : renoncer à emmener mes passagers jusqu’au Mont St-Michel, notre but initial, et me reposer tout de suite sur la piste. Mes passagers ont mis longtemps à la comprendre alors que le temps semblait si beau, mais une fois revenu au sol, mon instructeur m’a confirmé que j’avais bien fait. Avec le recul, je crois que cette capacité à prendre la bonne décision réside dans le fait de savoir percevoir et traiter un grand nombre d’informations en peu de temps.

La pression, même silencieuse, de mes passagers, ajoutée à celle que je m’étais mis moi-même, de réaliser ce rêve d’un premier vol pour mes neveux, peut rapidement constituer un piège dans lequel on s’enferme inconsciemment. Renoncer dans ces conditions de vol qui ne semblaient pas si « dangereuses » que cela demande un vrai courage : celui d’affronter le regard et l’éventuelle incompréhension des autres.


Savoir se définir des étapes ou risques « calculés », entre envie et acceptabilité.

Comment définir ces étapes ? Quelle doit être la hauteur des marches à franchir pour ne pas risquer la chute ? Là est toute la question.

Je me souviens de mon apprentissage en planche à voile dans les années 90. Oser aller naviguer par fort vent et grosses vagues constituait pour moi une gosse étape. Car en cas de chute (forcément plus fréquente dans ces conditions difficiles), il n’y a pas d’autre moyen que de remonter sur la planche en « waterstart » (il s’agit de se faire extraire de l’eau par la seule force de la voile, que l’on maintient à bouts de bras tout en nageant avec les jambes). C’est seulement après avoir répété un grand nombre d’essais dans des conditions plus faciles, que j’ai osé me lancer dans ces conditions plus sévères.

Autrement-dit, certes j’ai pris un risque à me lancer, mais un risque calculé. Bien sûr, je n’ai pas éliminé tout risque de me retrouver en détresse en pleine mer, mais je les ai minimisés. Le risque restant était suffisamment petit pour que je sois prêt à accepter, mais suffisant grand pour assouvir mon besoin de griserie. Nous avons tous en nous cette capacité naturelle à calculer les risques, à l’image des enfants qui apprennent à sauter d’une hauteur de plus en plus importante.

Cela fait le lien avec l’ouvrage de Philippe Silberzahn sur les 5 principes de « l’effectuation », qui caractérisent les entrepreneurs qui réussissent : l’un d’entre eux se nomme « raisonner en perte acceptable », qui s’apparente à cette notion de risque calculé. Les leaders qui veulent réussir leurs projets complexes doivent eux aussi, d’une certaine façon, se définir ce qui serait pour eux une perte acceptable.


Réussir le bon équilibre entre audace et prudence requiert une multiplication d’expériences et de l’agilité mentale.

Ce que je retiens de toutes mes expériences sportives, mais aussi celles dans l’accompagnement des projets complexes, c’est qu’il faut avoir vécu une grande diversité d’expériences : des réussites qui vous apportent confiance en vous pour l’avenir, et vous aident à vous lancer des défis plus importants, et des échecs qui vous rappellent les limites et vous permettent d’apprendre.

Cette multiplication d’expériences variées facilite donc l’expertise et donc de meilleurs choix, mais aussi développe une forme d’agilité mentale qui facilite le fait de passer de l’audace à la prudence, ou l’inverse, au moment le plus pertinent.

Cyril Barbé


Pour aller plus loin : webinaire « L’art de combiner audace et prudence dans la réussite des projets complexes et ambitieux » 

  • Renseignements et inscription pour le mercredi 23 novembre prochain à 13h00 (heure de Paris) : cliquer ici

Guy Somekh

Groupe Dynnovations / Management de l'innovation de rupture

2 ans

Merci à toi, Cyril : clair, pédagogique et dynamisant, comme toujours. État d’esprit à diffuser sans modération …

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