Le business model des Banques en mouvement !
Les trois dernières décennies ont profondément révolutionnée le système bancaire traditionnel. Favorisé par le progrès technologique, le rôle des banques, a évolué de l’intermédiation à l’accompagnement des opérateurs économiques pour la levée des fonds, directement auprès du marché des capitaux. Ces évolutions ont induit, des changements organisationnels au sein des Banques, les incitants à faire preuve de plus d’innovation financière pour pérenniser leur rentabilité.
L’universalité des Banques, introduite en complément des mouvements de déréglementation et de désintermédiation, a permis de moderniser le secteur bancaire tout en préservant sa résilience. Les Banques ont pu ainsi diversifier les risques entre les différentes activités et profiter des différents cycles économiques, tantôt plus favorables aux activités de détail, tantôt aux activités de la Banque de financement et d’investissement. La solidité de ce modèle s’est vérifiée lors des récentes crises financières. Les établissements défaillants étaient pour l’essentiel des établissements spécialisés, soit dans les activités de marchés (ex : Lehman Brothers), soit dans les activités de détail (ex : Northern Rock).
Les Banques de détail, suite à la dégradation des marges d’intermédiation, sont désormais à l’affût de nouvelle niche pour préserver leur PNB. Le modèle classique de rendement des activités cœur de métier, laisse place un business model basé sur l’amélioration de la marge sur commission. Le reengineering du métier de la Banque dans lequel les produits et services sont repensés.
A juste titre, les Banques s’appuient sur de nouveaux outils, tel que la comptabilité analytique afin d’optimiser le rendement du portefeuille de produits et services. Les nouvelles technologies de l’information permettent de minimiser les coûts et de diversifier les canaux de distribution selon une approche " BBC " : Brick pour désigner le réseau bancaire en dure, Bip via le mobile et Click via Internet (la banque en ligne). Une véritable approche client à 360° degré qui permet d’étudier en profondeur les comportements du client au niveau des différents canaux de distribution, de profiler de manière précise ces besoins afin de segmenter l’offre de produits et services.
Les Banques innovent également dans le pricing de leur offre de produits et services. Elles improvisent des politiques de tarification bien ficelées avec un arsenal de hidden costs. Les Banques se sont même diversifiées vers la clientèle de faible revenu, à travers le low income banking destiné à améliorer le taux de bancarisation.
Face à la montée en puissance du financement direct, elles proposent des produits de type Lignes de Crédit de Substitution[1] en garantie d’opérations financières qui, en cas de mise en jeu, se transforme en crédit. Ainsi, la désintermédiation laisse place à une ré-intermédiation.
A défaut de dépôts suffisants, les Banques se financent sur le marché à travers l’émission de titre, voire même rémunèrent les dépôts. Il s’en suit une véritable explosion des émissions de titres et de produits dérivés. Par-là, une augmentation des engagements données ou reçus des grandes banques des pays développés en hors bilans. Ces derniers atteignent des niveaux supérieurs à ceux de leurs bilans. Cette évolution influe sur l’organisation des banques, en particulier, la montée en puissance du rôle de la salle des marchés ainsi que celles de la DOSI. L’éclosion de véritable entreprises de services du numérique, qui atteignent des tailles importantes au point d’être filialisées et même revendues.
L’informatisation des processus de la Banque a permis de renvoyer un ensemble de tâches à faible valeur ajoutée vers le client " Do It Your Self " et de concentrer la force commerciale sur les segments ayant des niveaux de rendements élevés (banque privée et gestion de fortune).
Ainsi, les Banques sont en perpétuelles mutations pour s’adapter aux évolutions de marché et aux menaces de nouveaux entrants. Leur modèle économique est profondément bouleversé par la technologie financière, aussi dénommée Fintech[2]. Ceux sont souvent des start-ups qui, grâce à aux technologies de l'information et de la communication, réussissent à capter des parts de marché des Banques en place. Elles ont offert aux consommateurs de nouvelles façons de consommer : la banque en ligne, le paiement mobile et le financement participatif. Récemment, les néo-banques « des banques digitales dont les produits et les offres ne sont accessibles que par une application mobile. Leurs stratégies consistent à attirer des clients en mettant à leur disposition des services non bancaires utiles qui leur font gagner du temps dans leurs quotidiens. Les néo-banques s’appuient sur des interfaces fluides, ergonomiques et simples pour bonifier l’expérience client. Leurs services s’articulent autour d’une simple carte de crédit et leurs frais sont moins coûteux que les tarifs des banques traditionnelles »3. Elles ont un coût d’acquisition de la clientèle plus faible et plus compétitif que celui d’une banque classique.
« Les néo-banques sont généralement adossées à des acteurs traditionnels (Hello Bank! filiale de BNP Paribas, Soon avec Axa Banque, Fidor avec BPCE, etc.) ou celles qui réinventent le modèle de banques de dépôt (Compte Nickel, Anytime, Atom Bank, N26) »[3]. Ces néo- banques s’appuient tout de même, généralement, sur un réseau physique . Exemple de Compte Nickel qui permet l’ouverture d’un compte bancaire en 5 min (avec la possibilité de faire des dépôts et retraits d’espèces, de disposer d’un RIB et d’une carte Master Card), sans condition, chez un buraliste. Une offre adressée à un segment de marché ignoré par les acteurs dominants en s’appuyant sur la technologie pour faire du low-cost. Avec 20 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016[4], Compte-Nickel, s’est fait racheter par BNP en 2017.
Le succès du modèle de Banque mobile attire également de nouveaux opérateurs. Tels que les géants de la grande distribution qui veulent pénétrer ce marché : Carrefour avec C-Zam, rachat de Morning par Edel, filiale bancaire d’E.Leclerc, Oney pour Auchan, ainsi que les géants du web GAFA[5] (Google et Amazon) qui envisagent également de se positionner sur cette activité.
Les banques traditionnelles sont donc fortement menacées par ces nouveaux entrants. Longtemps protégées par une réglementation spécifique et complexe, elles sont désormais freinées par plus d’exigences qui impactent négativement leur souplesse et capacité d’innovation. Et si finalement, d’autres se mettent à faire de la banque, pourquoi est-ce que les Banques ne se mettraient pas à faire autre chose ? Les Banques auraient tout intérêt à faire, plus de « one stop shop», et à vendre plus de produits et services compatibles voire ou pas, avec les métiers de la banque, pour se réinventer.
[1] La ligne de substitution a pour effet de garantir à la société émettrice qu'un crédit lui sera octroyé si la situation du marché ne permet pas de procéder au renouvellement de ces billets de trésorerie.
[2] Une nouvelle industrie financière qui déploie la technologie pour améliorer les activités financière. Les Fintech regroupent l’ensemble des entreprises utilisant des modèles opérationnels, technologiques ou économiques innovants et disruptifs, visant à traiter des problématiques existantes ou émergentes de l’industrie des services financiers.
[3] Source : https://www.banques-en-ligne.fr/questions-reponses/questions-frequentes/qu-est-ce-qu-une-neo-banque.html.
[4] Source : https://investir.lesechos.fr/placements/famille/actualites/succes-de-compte-nickel-1708969.php.
[5] Apparu au milieu des années 2000, le terme GAFA est un acronyme formé par la lettre initiale des quatre sites Web: Google, Apple, Facebook, Amazon (Wikipédia).