Le conflit de devoir (ou cas de conscience)

Le conflit de devoir (ou cas de conscience)

On peut considérer, comme Nietzsche, que la vie est absurde, que la morale et la vérité n’existent pas, ce qui pourrait conduire les plus faibles à renoncer à la vie ou les plus forts à considérer que le monde leur est réservé, car ils sont l’élite.

Les guerres, violence, injustice, de notre monde par ailleurs très matérialiste peuvent nous conduire à donner raison au philosophe : ce n’est pas ma position.

Je crois au contraire que l’Homme est un être pensant, sensible à son environnement et à ses semblables et souvent tiraillé entre deux positions, deux décisions parfois difficiles, ce que l’on appelle le conflit de devoir, ou le cas de conscience.

Ce sera le thème d’une série de trois articles que je vous propose.

 

Un médecin réputé, avec une vie confortable.

A la veille de la deuxième guerre mondiale, Félix Kersten est un médecin réputé, formé à la fois à la médecine moderne et aux thérapies manuelles par un maître chinois, qui lui a enseigné tout son savoir.

A force de travail et grâce à des dons innés, il arrivait à soulager des patients, là où la médecine traditionnelle se révélait sans effet ; en quelques années, sa réputation devint internationale.

Ses rendez-vous professionnels dans ses cabinets de La Haye, Berlin et Rome étaient pris des mois à l’avance et lui permettaient à la fois de mener une vie confortable et de se tenir soigneusement à l’écart des évènements politiques qui allaient changer le monde.

Le dilemme

En cette fin d’année 1938, son destin allait basculer : un de ses patients et ami, un riche industriel allemand qui avait besoin d’aide, l’appelle en lui demandant s’il accepterait d’examiner Himmler…

Sa réponse est sans appel : « Ah non, j’ai réussi jusqu’ici à éviter toute relation avec ces gens-là, je ne vais pas commencer par le pire ! »

Puis vient le terrible dilemme : d’un côté, rendre service à un homme qui lui a montré une confiance absolue au début de sa carrière et lui a procuré un grand nombre de clients importants ; de l’autre, la conviction qu’approcher Himmler, personnification la plus odieuse du régime nazi, en tant que chef des S.S. et de la Gestapo, mettrait un point final au confort de son esprit et à sa sécurité intérieure.

Terrible conflit de devoir…

A contre cœur, et devant l’insistance de son client, Félix Kersten donne son accord.

Avait-il raison d’accepter cette mission ?

Quelques mois plus tard, un coup de téléphone lui rappelle sa promesse et il doit se rendre au Quartier Général du Reichsfürher, à Berlin.


Heinrich Himmler - photo Wikipedia

La première séance confirme la science du docteur Kersten: sa thérapie soulage immédiatement Himmler des atroces douleurs d’estomac et le médecin comprend qu’il n’a d’autre choix que d’être attaché au service du deuxième maître de l’Allemagne.

Mais loin de se soumettre, Félix Kersten, profitant de sa situation d’unique personne capable de soulager Himmler, n’aura de cesse de remettre les folles idées du nazi en question et surtout, de lui arracher une à une ses victimes comme prix de son traitement.

Il va même jusqu’à convaincre le haut dignitaire nazi que la responsabilité énorme de tous ces juifs déportés, représente un réel poids physique, à l’origine de ses terribles douleurs au ventre.

Dès le départ, Kersten prend des risques, mais mesurés : tel ou tel individu arrêté par les services, contre une séance de thérapie.

Mais Kersten va vite se retrouver dans des situations beaucoup plus complexes qui mettent sa vie en danger, car son marché, par exemple, celui de dissuader Himmler de déporter les Hollandais en Pologne, va à l’encontre des ordres d’Hitler.

Le docteur Kersten mettra des mois à convaincre Himmler, mais il se fera, parmi la garde rapprochée de celui-ci, des ennemis jurés, comme le tout puissant Heydrich, chef de la Gestapo, qui nourrissait de forts soupçons à son égard.

Malgré les risques de plus en plus importants pour lui – il échappera de peu à une embuscade de la Gestapo visant à le supprimer- Kersten resta fidèle à son poste auprès d’Himmler jusqu’en avril 1945, lui permettant de mettre au point avec la Suède un vaste plan de sauvetage des survivants des camps de concentration, qu’Hitler avait donné l’ordre de dynamiter.

100 000 personnes sauvées

Selon un mémorandum du Congrès juif mondial organisé en 1947, Felix Kersten aurait sauvé pendant la guerre en Allemagne « 100 000 personnes de diverses nationalités, dont environ 60 000 Juifs au péril de sa propre vie ».

Cette histoire extraordinaire, racontée par Joseph Kessel dans Les mains du miracle, montre à quel point, d’une situation à priori sans issue, un homme peut changer le cours du destin.


 

 

 

Jean Ducommun

Coaching stratégique et opérationnel | Management d'équipe | Coach relationnel certifié

3 sem.

merci pour ces messages d espoir. Je vais m en inspirer

Emmanuel DELSUC

Chief Executive Officer at Strategir

3 sem.

Ce témoignage ouvre beaucoup de perspectives ! Merci Christophe !

Juliette Tournand

Coach, formatrice, auteur et conférencière

4 sem.

C’est par ce livre que j’ai poussé la porte d’entrée chez Jeff Kessel, un géant. Merci Christophe de le ramener sur le devant de la scène Amitiés Juliette

Eric Torlois

Coach de dirigeants et d'équipes, vivre un leadership humaniste, sain, puissant et serein. + 5000 personnes accompagnées. 30 ans d'expériences opérationnelles et 20 ans de développement personnel profond.

1 mois

Tu m'as donné envie de lire le livre de Kessel. Merci de rappeler qu'il est toujours possible de considérer l'autre comme un humain et de l'accompagner comme tel, même si ce qu’il fait est la négation de l'humanité.

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