Le conservatisme immobilier n’est pas mort, mais nous pouvons l’y aider.
Il n’y pas longtemps de cela, j’assistai à une très riche conférence, organisée par City Linked (une agence de conseil en stratégie urbaine), qui venait parachever l’écriture d’un livre intéressant sur les profonds changements que connait l’aménagement urbain ces dernières années : construire toujours plus vite dans un métier de temps long, intégration des problématiques climatiques dans les pratiques de construction, difficile équilibre entre densification et habitabilité, les mobilités et l’impact sur l’aménagement, la durabilité du bâtiment, la nouvelle répartition des pouvoirs entre faiseurs et usagers, entre public et privé aussi, la réinvention des communs, bref une foultitude de thèmes aussi passionnants les uns que les autres ; alors évidemment ces sujets sont complexes et personnes n’aura jamais tout à fait raison : la densification de la ville n’est-elle pas aussi une forme de financiarisation et pas seulement une réponse aux questions écologiques, l’étalement urbain est-il si insensé s’il devient plus dense, plus confortable et plus pérenne, est-il raisonnable de valoriser un terrain coincé entre deux bretelles d’autoroutes et une imprimerie ? Bref aucune question simple, que des débats de bonne tenue, des intervenants de haut niveau, tous très concernés par le souci du bien commun, que l’on avait un peu oublié jusqu’ici.
C’est alors qu’un représentant de promoteurs dans une fédération estimable devint bizarrement véhément devant une assistance plutôt progressiste et ouverte. Ce monsieur nous a quasiment expliqué dans un laps de temps très contraint, que l'étalement urbain avait du bon, que les pavillons était l'avenir de l'humanité, que les consommateurs n'avaient que faire du durable, que l’état était coupable de tous les maux et que la mixité était un rêve. Un concentré suranné de conservatisme dicté probablement par des considérations financières d'un autre temps. On alla même jusqu'à nous expliquer que l'étalement urbain était un signe de progrès avec comme preuve irréfutable l'étalement de la Rome antique versus les villes resserrées et nauséabondes du moyen âge.
A l'heure où les aménageurs et les élus se font de plus en plus les passeurs éclairés des aspirations profondes des citoyens et des usagers : (écologie, pollution, usages, mobilités douces, lien social dans la ville, diversité, inclusion, lien entre territoires...) , que des promoteurs et constructeurs très modernes réinventent les projets et la construction pour répondre aux nouveaux enjeux (construction préfabriquée, tours en bois, réduction de l'empreinte carbone de la construction, partenariat public-privé, ...) il est plutôt étonnant de constater que l'ancien monde de l’immobilier est encore bien vivant. Il ne tient qu'à nous tous de le tenir éloigné du monde que nous construisons pour demain.
PS : sur le sujet de l’aménagement je vous conseille trois bons bouquins, celui de CityLinked « ça déménage dans l’aménagement », évidemment, et « Le périurbain, espaces à vivre » de Florian Muzard et Sylvain Allemand et « Ces villes qui changent tout » de Mathieu Rivat