Le CQP : un levier de l’accès à l’emploi?
Face à un monde en pleine mutation, les besoins en qualifications professionnelles se modifient et deviennent de plus en plus spécialisés. Augmentation du taux de chômage, mutations technologiques ayant des incidences sur les postes de travail, besoins de personnel qualifié et opérationnel immédiatement par les entreprises, sont entre autres des éléments qui façonnent le monde du travail actuel, en France et en Europe plus généralement. Les dispositifs mis en place depuis le milieu des années 1990 peuvent constituer une première réponse à ces mutations. C’est justement dans ce cadre que Dominique Gillier a réalisé son rapport sur les Certificats de qualification professionnelle, rapport adopté par le CESE le 13 septembre 2016.
Le certificat de qualification professionnelle (CQP) est un titre ayant comme objectif de préparer au mieux les futurs professionnels aux exigences de leur métier. Créés directement par les partenaires sociaux d’une ou plusieurs branches professionnelles (fédérations d’employeurs et syndicats de salariés), réunis au sein des Commissions Paritaires Nationales de l’Emploi (CPNE), ces titres répondent aux besoins spécifiques en compétences et en qualifications des entreprises du ou des secteur(s) concerné(s). C’est justement ce caractère paritaire des CQP qui en fait un des éléments structurant du dialogue social de branche, en vue d’anticiper les évolutions professionnelles majeures.
C’est également face à un constat alarmant, celui du chômage des jeunes, que les CQP peuvent constituer une réponse adaptée, puisqu’ils peuvent devenir un levier de l’insertion professionnelle.
- Un environnement socio-économique difficile qui nécessite une réponse adaptée.
Nous sommes face à un paradoxe qui est du moins surprenant. D’une part, nous connaissons actuellement une augmentation de la part des emplois très qualifiés dans l’économie française (qui est passée de 39% en 1982 à 50% en 2012) accompagnée d’une baisse des emplois dits « intermédiaires » et d’une stagnation de la part des emplois « non qualifiés »[1]. Cette augmentation significative devrait permettre aux jeunes diplômés d’accéder plus facilement au marché de l’emploi. Or, si on croit le dernier rapport de l’APEC[2], il n’en est rien. Seulement 62% des jeunes diplômés de niveau BAC+5 sont en poste moins d’un an après l’obtention de leur diplôme. Pour ceux qui sont en poste, les conditions d’accès à l’emploi sont plus difficiles (préférence des entreprises pour les CDD, le statut cadre est obtenu moins fréquemment).
Pire encore, Nous constatons que même si les moins diplômés sont durement touchés (avec une progression constante du taux de chômage de cette catégorie), les diplômes de l’enseignement supérieur ne garantissent pas pour autant l’insertion professionnelle[3].
A ce constat nous pouvons ajouter celui de l’insertion professionnelle très difficile des jeunes (15-24 ans) et ceci malgré les différents dispositifs qui sont mis en place (alternance, apprentissage). Cette tranche d’âge présente un taux de chômage record de 23.4%. Au niveau européen, même si la France n’est pas placée parmi les plus mauvais élèves de l’UE, la tendance est plutôt négative[4].
Ce constat alarmant, nous amène à nous poser des questions sur l’adéquation des formations suivies par les jeunes et les emplois disponibles. Or, justement le caractère paritaire des CQP peut permettre aux jeunes de se rapprocher le plus près possible des besoins des branches professionnelles. Cependant, seulement 16% de la catégorie des demandeurs d’emploi et de personnes en inactivité, choisissent de faire un CQP en vue d’obtenir une qualification professionnelle[5].
Cela paraît bien étrange par rapport aux caractéristiques intrinsèques des CQP et la composition des entrants dans ce type de formation qualifiante.
En effet, nous pouvons constater que les CQP sont suivis surtout par une population jeune, ce qui pourrait permettre une insertion professionnelle plus rapide et plus efficace. En effet, les CQP pourraient se présenter comme une solution au problème du chômage des jeunes, puisqu’au travers des contrats de professionnalisation, les jeunes peuvent accéder à un diplôme qualifiant et a posteriori à un emploi durable. Par ailleurs, il faut noter que 78% des contrats de professionnalisation en 2014 ont été conclus avec des jeunes de moins de 26 ans.
Prenons l’exemple des CQP dans la branche du sport, qui ont connu une progression de 150% entre 2008 et 2015. Nous constatons qu’en 2015, 36% des CQP dans cette branche ont été suivis par des jeunes de moins de 25 ans[6]. De même, dans le secteur de la chimie, la tranche d’âge des moins de 26 ans correspondait à 32% des CQP en 2014 et à 22% en 2015 (passant ainsi en deuxième place après les 35-44 ans)[7].
- Le CQP comme levier de l’accès à l’emploi
Dans le rapport de Dominique Gillier, nous constatons que 70% des certifiés trouvent un emploi au bout de 6 mois (dont 52,9% un emploi durable)[8]. Cela démontre l’importance du dispositif d’accès à l’emploi.
Le dispositif des CQP peut être renforcé d’autant plus que son financement est également réalisé par le système de la POEI (préparation opérationnelle à l’emploi individuelle). Ce système, destiné à combler l’écart entre les compétences du chercheur d’emploi avec celles requises par le poste visé, permet de mettre en place un co-financement de la part du Pôle Emploi et des OPCA. Ainsi, le chercheur d’emploi-stagiaire bénéficie d’une indemnisation, voire même de la prise en charge des frais de déplacement, de repas et/ou d’hébergement pendant la période de la formation. D’autre part, grâce à la POEI, l’entreprise peut recruter un demandeur d’emploi rapidement opérationnel et sécuriser ainsi l’embauche.
Conclusion
Face à la configuration actuelle du marché du travail des jeunes (et des moins jeunes), nous comprenons aisément la démarche de favoriser le développement des CQP dans les années à venir. Dans cet objectif, le CESE a retenu un certain nombre de recommandations comme l’implication plus importante des branches professionnelles dans l’analyse et l’identification des besoins en vue de la création de tout CQP, la formalisation de ce dispositif dans les accords de branche et le suivi des effets des CQP en matière d’insertion professionnelle des titulaires des titres.
[1] Page 9 du rapport de Dominique Gillier.
[2] Rapport du 30 septembre 2015.
[3] Infographie Le Figaro, article du 03/03/2016.
[4] Selon l’article de Tout l’Europe du 26/07/2016 :
- Les pays ayant un taux de chômage des jeunes inférieur à 15% sont : le Royaume Uni, l’Allemagne, l’Autriche, la République tchèque, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Danemark, l’Estonie, la Hongrie et la Lituanie.
- Les pays ayant un taux de chômage des jeunes entre 15 et 25% sont : l’Irlande, la Suède, la Finlande, la Lettonie, la France, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie et la Bulgarie.
- Les pays ayant un taux de chômage entre 25 et 40% sont : le Portugal, l’Italie et la Croatie
- Et, les pays ayant un taux de chômage des jeunes supérieur à 40% sont : la Grèce et l’Espagne.
[5] D’après les constats du rapport de Dominique Gillier en page 78.
[6] Commission Paritaire Nationale Emploi Formation Sport, « Données statistiques CQP sport au 31 décembre 2015 », p.8.
[7] Observatoire des industries chimiques, « Les statistiques relatives au dispositif. Bilan au 13 novembre 2015 », p.
[8] Dominique Gillier, « Les certificats de qualification professionnelle », Les avis du CESE, CESE 08, septembre 2016, p.80