Le DOING BUSINESS au pays du tout pétrole – Autopsie par le Digital

Hier, dans le cadre de l’étude d’un dossier de projet d’investissement, j’ai eu à utiliser le tout nouveau site internet du CNRC (Centre National du Registre de Commerce), afin de vérifier la disponibilité du nom commercial choisit par le client. Cette recherche ne se fait pas dans le but de procéder à l’ouverture légale de l’activité (nous ne sommes pas encore arrivés à cette étape) mais pour confirmer cet aspect important du Business Model de mon client et, également, procéder à l’achat du nom de domaine pour son futur site web.   

Le nouveau site du CNRC, premier jalon dans l'acte d'investir, affiche des services intéressants et qui facilitent la vie des opérateurs. Mais (en Algérie il y a toujours un « mais » !)

Je ne vais pas m’étaler sur les vertus de la digitalisation des organisations, sujet qui ne constitue pas l’objet de cet article mais pour les besoins actuels, je vais arbitrairement orienter la définition : La digitalisation dans les organisations, est une démarche systémique dans le sens où celle-ci porte, principalement, sur 2 volets : le Technique et l’humain.

Le volet technique porte sur les outils (tels que le site web en question et sa fonctionnalité), la fonctionnalité, l’ergonomie, la pertinence du design, … etc.

Dans le cas du CNRC, nous avons même le luxe de disposer du Responsive Design (adaptabilité de l’affichage du site web au terminal utilisé), ce qui nous permet d'utiliser nos tablettes et nos smartphones, sans trop souffrir.

Le volet humain consiste à FORMER les humains impliqués, directement et indirectement, dans le bon fonctionnement du service et de l'outil. En somme, il s’agit d’inculquer la Digital Attitude aux personnes au sein de l’organisation en question.

Les deux volets sont indissociables sinon nous aurions l’outil sans le savoir-faire.

Revenons maintenant au « mais » afin de voir ce que cela donne sur le terrain

L’image (capture de mon écran) qui est présentée avec cet article correspond au nouveau site web du CNRC et au service : "Recherche dans le répertoire des dénominations et noms commerciaux".

Rappelons tout de même que le choix d’une dénomination constitue, non seulement un préalable légal, mais également le premier réflexe dans la création d'une activité commerciale. Le choix du nom commercial qui est également un nom de marque (dans la majorité des cas) est, de ce fait, déterminant du point de vue stratégique et marketing d’autant plus pour une activité dont le business va dépendre principalement de l’internet.

Maintenant, regardez du côté de la date de mise à jour de la base de données du site (encadrée en pointillées de couleur Rouge) : « Mise à jour effectuée le 21/09/2017 ». Comparez maintenant cette date à celle affichée en bas et qui correspond à celle d'hier (08/11/2017). Soit : 47 Jours ! 

La base de données date de 47 jours.

Quelles peuvent être les hypothèses possibles pour expliquer ce dysfonctionnement ?

Première Hypothèse

Il n’y a eu aucune réservation de nom commercial dans tout le pays depuis 47 jours. Ce qui serait encore plus inquiétant car cela dénoterait d’un ralentissement, voire un arrêt, total du dynamisme commercial dans le pays.

Deuxième Hypothèse

La mise à jour ne fonctionne pas à cause d’un problème technique. Cette situation est assez classique chez nous à en juger par le nombre impressionnant de scanners non fonctionnels dans nos hôpitaux faute d’un software approprié. Par ailleurs, ce qui est encore plus classique est l’absence de réaction des responsables concernés. 

Troisième Hypothèse

La mise à jour se fait manuellement car il n’y a pas de connexion directe entre le système d’informations qui gèrent l’activité quotidienne et celui qui gère le site web.

Une problématique d’interface entre les applications que le Larousse définit ainsi : « Limite commune à deux systèmes, permettant des échanges entre ceux-ci ». Étant donné que le site web est relativement plus récent que le système d’exploitation du CNRC (plus ancien), nous spéculerons sur le fait qu’il s’agit d’un problème de capacité d’adaptation de ce dernier aux exigences techniques du nouveau système.

Pour faire simple, le système existant doit être trop faible techniquement pour être directement connecté au nouveau. 

Retenons donc cette dernière hypothèse afin de tenter de comprendre

Comment y palier ?

Il n’y a aucun problème de ce genre que l’informatique ne saurait solutionner.

À défaut d’engager un réel travail de fonds qui aboutirait à une harmonisation du fonctionnement global avec une orientation Digital Attitude, ce qui prendrait du temps et chamboulerait les rouages de la grande machine à produire des effets d’annonces, le choix a dû être plutôt porté sur la bonne vieille méthode ayant largement fait ses preuves chez nous. À savoir : récupérer les données du système d’exploitation, manuellement sur une clé USB et les verser dans la base de données du site web.          

Donc, une personne sera chargée de faire les opérations en question.

Mais pourquoi cette personne ne s’est pas acquittée de cette tâche ?

Plusieurs hypothèses possibles :

Bien entendu, nous allons essayer de passer en revue les causes probables dans le contexte du fonctionnement des administrations Algériennes.

Facteurs propres à la personne

1.  L’oubli : depuis 47 jours cela devient de l’amnésie !
2. La négligence : après tout, le service via internet ce n’est pas du sérieux ! 
3. La surcharge : la personne est tellement surchargée avec son travail habituel, qu’elle n’est plus en capacité d’assurer de nouvelles tâches. Elle est au bord du Burn-out.
4. Le désistement : la personne considère cela comme une injustice et que trouve que sa rémunération ne correspond qu’aux tâches classiques dont elle a la responsabilité.
5. La défiance : la grande gueule qui refuse toute forme d’autorité et tout ce qui provient de cette autorité. 
6. L’ignorance : la personne ne sait tout simplement pas le faire
7. Démission : La personne en charge a démissionné
8. Fin de stage ou de contrat : la personne (stagiaire) a terminé son stage ou, le chargé en question est arrivé au bout de son contrat d’insertion dans le cadre de l’ANEM (Agence Nationale de l’Emploi).  

Facteurs relevant de l’environnement

1. Il n’y a pas de connexion (facteur assez récurrent chez nous).
2. Il y a un seul ordinateur dans le bureau et il faut attendre son tour. Cet unique ordinateur est occupé par d’autres qui s’affairent à la réalisation de travaux administratifs internes (systématiquement considérés comme la priorité des priorités !).
3. L’employé n’a pas de clé USB et il attend que le service des moyens généraux valide sa demande. En attendant, il utilise sa clé personnelle et celle-ci n’est pas disponible ou ne fonctionne plus.
4. Une étape de validation n’est pas faite durant le transfert des données.
5. Il doit faire les manipulations après les horaires légaux de sortie. Donc il ne le fait plus.
6. La personne est en congé et personne ne s’en est rendu compte.
7. Le code d’accès à l’application est chez le responsable et le responsable « est en réunion permanente et chronique » depuis le 21/09/2017 ! 

CONCLUSIONS

A.     L’utilisation de ce service est inutile car depuis le 21 septembre 2017, le nom que vous aurez choisi pourrait très bien ne plus être disponible.

B.     Vous devez passer au plan B. Donc :

1. Vous déplacer "chez eux",
2. Trouver une place de stationnement,
3. Faire la queue,
4. Remplir un formulaire,
5. Recevoir un ordre de versement,
6. Aller dans une agence BNA pour faire le versement,
7. Trouver une place de stationnement,
8. Faire la queue dans l’agence BNA,
9. Revenir au CNRC avec le reçu de versement,
10. Trouver une place de stationnement,
11. Refaire la queue,
12. Remettre le reçu de la BNA,
13. Si vous avez, par miracle, fait tout ceci le même jour, vous devrez probablement, revenir le lendemain pour récupérer l’acquisition du nom commercial en question.  

Notez tout de même, que vous pouvez économiser les étapes : 5, 6, 7, 8, si vous procédez au paiement par carte CIB sur le TPE disponible surplace. Mais (rappelons-nous qu’en Algérie il y a toujours un « mais » !) il faudrait que le fameux TPE fonctionne car, le plus souvent, « il n’y a pas de connexion … il ne fonctionne pas… », sont les phrases génériques que l’on reçoit en réponse. Il faudrait aussi qu’il y’en est plusieurs de ces TPE et répartis dans les guichets. Si vous n’avez qu’un seul TPE dans l’agence, le phénomène de queue n’est pas traité.

Et le Doing Business dans tout ça ?

 « Doing » fait appel à l’action. Comme le dit si bien le grand Albert Einstein : « La bureaucratie réalise la mort de toute action ».      

Mouloud BLIDI