Le doute, l'éthique et la supervision.
LE MONDE D’AVANT NE REVIENDRA PAS, JAMAIS, NUNCA, JAMÀS, NIEMALS,.. ! Ceci n’est pas un scoop, plutôt une intuition, une conviction, une croyance, …un souhait ?
Qu’est ce que cela déclenche comme réflexion chez un Coach professionnel et Superviseur ?
Les choses avaient commencé à changer bien avant l’arrivée du virus.
- la 3ème révolution industrielle avait fortement impacté les organisations du travail : apparition des nouvelles technologies de l’information et de la communication, fin du modèle de production « fordiste », délocalisations, sous-traitance, externalisations, mondialisation, ... Cela a eu des conséquences sur la « hiérarchie sociale » des métiers, l’équilibre des catégories professionnelles au sein des entreprises (moins de cols bleus, plus de cols blancs), la répartition du pouvoir au profit des actionnaires… Pour beaucoup de personnes cela les a amenées à se poser la question de leur place et de leur contribution.
- La 4ème révolution industrielle vient renforcer ces impacts : elle implique de nombreuses technologies tel que l’ IA et estompe les frontières entre les univers physique, numérique et biologique…on parle de monde réel et monde virtuel, d’humain « augmenté »…La question de l’homme au travail et de sa valeur ajoutée revient.
- à cette industrialisation est venue s’ajouter l’urbanisation, faisant apparaître « l’individualisation » modifiant aussi le rapport de l’Individu à son environnement social, personnel, familial : l’éclatement des modèles familiaux, un % de plus en plus important de personnes vivant dans des villes de plus en plus « anonymes », … l’apparition d’une logique propre à l’« d’individu », et revendiquée, à la place d’une conception du commun. En y regardant de plus près, ce qui fût au départ le résultat de flux « migratoires » de population et d’évolutions culturelles, cette «individualisation » là n’était – elle pas en quelque sorte devenue une réponse à une forme d’ »exclusion sociale», une façon de combattre l’apparition d’inégalités, la compensation de la perte de lien social …et en définitive un leurre.
Notre société souffrait déjà de perte de sens, de perte de lien, avec des symptômes comme l’anxiété diffuse, la frustration, le stress, le burn out, les « bullshit jobs » (Graeber), …C’était le monde d’avant, et du coup j’aurais tendance à ne pas le regretter.
Mais que se passe t il dans le monde d’après ?
En France, les modalités de gestion de la crise sanitaire et leurs conséquences sur le monde du travail sont venues renforcer les tendances lourdes et ont exacerbé certains effets :
- la mise en place «à marche forcée » du télétravail à partir de mars 2020 a fait exploser certaines équipes, isolé des personnes, remis en cause des modèles managériaux,
…tout en générant de la responsabilisation, de l’autonomie, de la créativité, …créant encore un peu plus de flou autour de la place de l’individu dans le groupe, sa contribution, sa valeur ajoutée, sa reconnaissance, son engagement, …
- les mesures de « protection sanitaire » - port du masque, distanciation sociale, mise en place de jauges, …- n’ont pas facilité le lien social, voire même ont crée des tensions, des peurs, et une certaine forme de « discrimination »,
…tout en reposant au centre du débat les notions de solidarité, de vulnérabilité, de confiance, de soutien, …nous obligeant à nous reposer la question des besoins fondamentaux nécessaires à notre équilibre et à notre développement en tant qu’Humain.
Entre le monde d’avant et le monde d’après, il y a eu une perte de repères, la remise en cause de certains paradigmes, et je prend le pari que ce n’est pas fini.
En tant que professionnel de l’accompagnement (Coachs et Superviseurs), nous avons nous aussi été bousculés, individuellement, et « institutionnellement, personnellement et professionnellement. Les questions sont là : comment être utile ? Que faire et comment le faire ? Que dire, jusqu’où le dire et comment le dire ? Dois je rester neutre ou m’engager ?... Je n’ai aucune réponse mais une certitude néanmoins : il est encore plus important pour nos professions de faire preuve d’humilité et de garder en tête cette maxime de Socrate « je ne sais qu’une chose c’est que je ne sais rien ».
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C’est peut être là que nous trouverons les pistes pour avancer.
Aujourd’hui une partie de la population, et donc des Leaders/Managers, est dans le déni, refusant de voir que nos sociétés/structures économiques /institutions sont traversées par des « tsunamis » qui vont tout transformer en profondeur : notre contrat social, nos systèmes de valeurs, nos représentations, nos modes de vie, …Le Coach trouvera beaucoup de ses clients dans cette population. Ceux là ne veulent pas changer, au fond, peut être certains comportements en surface mais pas au delà. Ceux là s’accrochent de toute leur force (il peut être question pour certains de préserver leur équilibre mental), ils font comme avant, pour tout. Ceux là demanderont au Coach de les aider « à faire un peu plus de la même chose », d’être un acteur de « non changement ». C’est leur choix et il est respectable, et cela peut être le choix de certains Coachs, justifié par beaucoup de critères à commencer par le financier.
Une autre partie de la population « ouvre les yeux » et sait confusément que le monde d’avant est mort et qu’il faut inventer de nouveaux modes de fonctionnement, de vivre ensemble, de travailler ensemble, …et certains Leaders/Managers se disent être là, mais ils ne savent pas quoi faire, ni comment le faire. Peut être savent ils juste que, quoi qu’il y ait à faire, il faudra le faire « ensemble », avec chacun des membres de l’organisation. Comment le Coach peut il accompagner ces clients là ? Et bien justement en proposant un modèle de « je ne sais pas et j’assume ». En fait il s’agit de continuer à faire son métier, autant au niveau du développement identitaire des personnes qu’au niveau de la mise en place des conditions de l’intelligence collective :
- accueillir la personne, la situation dans sa complexité
- ouvrir son champ de réflexion
- travailler dans l’émergence
- s’appuyer sur des processus qui protègent avec du cadre et ouvrent avec des permissions.
Mais on comprend que, encore, encore plus, le Coach va devoir :
- revisiter et enrichir sa pratique professionnelle,
- ajuster son geste professionnel pour qu’il ne soit pas dommageable,
- travailler ses points aveugles pour ne pas « rater » quelque chose,
- renforcer confiance et estime de soi pour ne pas être déstabilisé.
Ce sont là des champs qui peuvent être travaillés en supervision, et il ne fait aucun doute que les Coachs auront besoin dans un proche avenir, de plus en plus de trouver des espaces de supervision, quelque soit leurs clients.
J’ajouterais pour conclure que de toutes les choses qui ont été impactées au cours des 18 derniers mois, il y a les règles qui encadrent nos vies : règlementations, lois, décrets, procédures, …le Coach bénéficie d’un Code de déontologie mais celui ci ne couvre pas toutes les situations. Dans cette complexité, le Coach peut être confronté à des dilemmes éthiques, à des conflits de valeur où ni le cadre légal ni la déontologie de sa profession ne peuvent l’aider.
Le Coach a besoin de « muscler » sa réflexion éthique et c’est aussi en supervision qu’il pourra le faire.
Agilité relationnelle, accompagnement au changement en transition écologique, formations managériales
3 ansMerci Eva pour ces réflexions qui fond écho chez moi. Je rajouterai pour le coach "savoir coopérer avec ses pairs pour être modélisant"
👨🌾 Accompagnateur engagé et créatif de dirigeant.e.s, d'entrepreneur.e.s et d’équipes en quête de sens 🧭 Coach certifié, RNCP, supervisé - Consultant - Formateur 🌳 Fondateur et Dirigeant @L’air libre ⛵️
3 ansMerci Eva MULLOR, c'est un très bel éloge du métier de coach et de la dynamique permanente de l'impermanence dans laquelle il s'exerce. Toujours plus OK dans le chaos, ça se travaille, en sécurité.
Dirigeant Fondateur SAS Profil Coaching - Terre de Coaching Coach Professionnel Certifié - Recrutement - Séminaires SOLUTIONS PROFESSIONNELLES PAR & POUR L'HUMAIN
3 ansMerci Eva MULLOR pour ce post. Quel véritable tableau de la réalité! La mienne, en tant que coach avec ses clients, est très ressemblante. Et je crois vraiment dans la puissance de nos choix, et d’une Responsabilité, en tant que coach. Les changements « structurels » sont là. Observer, être humble, et accompagner avec ouverture, loyauté et éthique, me paraît être une juste posture (il y a de quoi en dire beaucoup plus long…)
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3 ansDaniel Siles :-)