Le Hamas, militairement écrasé, mais gagnant !
Par Mohamed Abdel Azim
Les experts des guerres nous enseignent que les équations des sommes nulles existent et structurent les rapports entre le faible et le fort. La littérature des rationalistes nous apporte des clarifications relatives aux calcules des acteurs dans les situations des conflits armés.
Le cas de la guerre entre Israël et le Hamas montre que la dissuasion non nucléaire (conventionnelle) ne fonctionne plus. Ariel Sharon l’a intégré dans sa stratégie en décidant le retrait unilatéral de Gaza en 2005. Ce même Sharon a par la suite pris l’initiative d’un retrait unilatéral de ses troupes du Liban-sud. Ce retrait marque alors la fin de près de trois mois de présence militaire israélienne et laisse apparaître l’échec du Tsahal face aux combattants du Hezbollah.
Au Moyen-Orient, les groupes armés, tels que le Hezbollah, le Hamas, ou les factions armés comme les Brigades d'Izz El-Din Al-Qassam, apparaissent comme des épines dans les talons d’Achille de la sécurité israélienne. Ils s’imposent comme des nouveaux acteurs sur l’échiquier régional et deviennent une faiblesse fatale en dépit d’une grande force militaire israélienne. Ces groupes militarisés peuvent conduire à la défaite symbolique et l’échec du Tsahal à faire face à ses challengers.
Le cas du Hamas est atypique. Vu de l’extérieur, selon la pensée stratégique occidentale, nous pouvons constater une difficulté à saisir la manière dont les États tentent d’agir face à ces nouveaux organes militarisés. En Europe, la pensée autour de ce phénomène est traditionnellement dominée par la théorie de la dissuasion. C’est aussi le cas en Israël. Mais cette vision n’intègre pas la manière dont évolue la pensée de l’agir stratégique des factions armées. Cette dernière est différemment rationalisée et surtout basée sur des logiques de défis à relever, quelle que soit la nature des actions. Cette réalité propre à la région du Moyen-Orient restera d'actualité, tant que la question de la Palestine n'est pas politiquement résolue.
Recommandé par LinkedIn
Le cas du Hamas met en évidence l’impact de la culture stratégique de ce mouvement sur la conceptualisation israélienne de la dissuasion conventionnelle. Cette dernière montre ses faiblesses, voire son échec face à un acteur résolu et déterminé. Le général Denis Mistral explique que les armées se trouvent confrontées à de nouvelles formes de menace, car ces factions militarisées sont des terreaux pour les éléments terroristes de demain.
Les attaques du Hamas, le 7 octobre 2023, dévoilent des déficits majeurs dans la politique sécuritaire israélienne. Le territoire le mieux protégé au monde se montre fragile. Le Hamas a envoyé son message au Tsahal, au Mossad et au Shin Bet, depuis la création de l’État d’Israël en 1948. Le Hamas a montré que le sanctuaire israélien a ses brèches, expliquent les théoriciens et les praticiens des défis de notre contexte du moment.
Paradoxalement, la guerre Israël-Hamas commence à provoquer des divisions au sein même de la société et la classe politique israéliennes. De plus, cette guerre stimule les innovations dangereuses des groupes militarisés. En 1987, les Israéliens ont œuvré pour la création de ce groupe afin d’affaiblir l’OLP de Yasser Arafat. Mais Ahmed Yassine, qui a été assassiné en 2004, laisse derrière lui un héritage idéologique. Seule la force armée ne peut pas combattre ces actions, mais il est urgent d'œuvrer pour une solution durable permettant au peuple palestinien de se distinguer des groupes armés. Nous avons un bon moment avant de comprendre les conséquences néfastes de cette guerre. Les ramifications vont s’ajouter à celles provoquées par la guerre contre Saddam Hussein, en 2003.
.