Le HCSF superstar ou comment un organisme bureaucratique méconnu est devenu le problème et la solution du marché de l’immobilier
[Crise immobilière : rendre possible] [2/4]
Le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), créé en 2013, est chargé de préserver la stabilité des organismes financiers en France. Il régule donc à ce titre les règles d’octroi de crédits immobiliers des banques. Il va sans dire que son objectif n’est pas de veiller au dynamisme du marché immobilier. Il agit tout au contraire comme une force de rappel pour éviter un dérapage « à la subprime ».
Le HCSF est donc bien un acteur utile, mais qui, comme souvent pour un organisme de contrôle, peut faire preuve d’un conservatisme néfaste à la bonne santé du malade dont il a la charge. Or, il faut le reconnaître, le marché immobilier est actuellement au bord de l’agonie.
Alors, que peut-on demander au HCSF qu’il serait prêt à accepter et qui permettrait de soigner le malade ?
Commençons par bien identifier l’objectif prudentiel poursuivi par le HCSF : pas de subprimes en France, donc pas de ménages surendettés soudainement incapables de rembourser leurs crédits parce que les taux ont augmenté ou parce que la valeur de leur bien a chuté.
Le principal garde-fou piloté par le HCSF contre ce risque est le taux d’endettement (ou taux d’effort) maximum que doivent respecter les banques pour leurs critères d’octroi de crédits immobiliers : pas plus de 35%.
L’essentiel est donc de ne pas alourdir le poids des mensualités de crédit dans le budget des ménages.
Mais alors, si les banques octroyaient des prêts immobiliers dits « in fine », remboursables uniquement à la fin du crédit (disons dans 20 ans par exemple), cela signifierait qu’il n’y aurait pas de mensualité à rembourser sur le capital emprunté en-dehors du paiement des intérêts, donc un taux d’effort extrêmement faible. Plus de problème pour respecter la règle des 35%, et des emprunteurs massivement resolvabilisés. Le meilleur des deux mondes !
OK, mais que se passera-t-il dans 20 ans, au terme du crédit. Il faudra alors que l’emprunteur puisse rembourser 100% de son crédit d’un seul coup. Et comment pourra-t-il faire ça ?
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La première solution est d’épargner chaque mois l’équivalent d’une mensualité de remboursement de son capital pendant toute la période du crédit. Cela revient à se comporter comme s’il avait obtenu un crédit « amortissable » classique, et donc du point de vue du HCSF et des banques, cela nécessite d’appliquer les mêmes contraintes drastiques sur les règles d’octroi de crédit. Terminé pour le meilleur des deux mondes.
La seconde solution est de revendre son bien et de rembourser le crédit avec le fruit de cette vente. Mais alors le risque est double : on peut revendre à un prix inférieur au montant du capital à rembourser, et on peut ne pas avoir envie de vendre au moment fixé par la banque (le terme du prêt).
Pour se prémunir contre le risque de perte de valeur du bien, les banques pourraient garder une marge prudentielle, disons 50%, en ne prêtant en « in fine » que la moitié de la valeur du bien. Mais les acquéreurs ont besoin de financer 100% de leur logement, et pas seulement 50%. Il faudrait donc que les banques leur prêtent également, de manière « classique », une autre partie sous la forme d’un prêt immobilier amortissable. Mais est-ce qu’on ne réintroduit pas un risque « systémique » avec un tel prêt mixte (50% amortissable + 50% in fine) ?
Pour bien l’analyser, il faut prendre en compte les agrégats statistiques suivants : la durée moyenne de remboursement réel des crédits immobiliers est de 10 ans, et à cet horizon un emprunteur aura remboursé à la banque entre 30% et 50% du capital prêté. Si on considère notre prêt mixte, cela signifie que la banque aura au moins 30% de son prêt amortissable remboursé, et donc 15% de la valeur du bien (puisque le prêt amortissable couvre 50% du bien). La protection pour la banque contre une perte en cas de revente est donc robuste jusqu’à une baisse de 15% du prix du bien sur un horizon de 10 ans.
Est-ce qu’il est raisonnable de considérer comme peu probable une telle baisse sur cet horizon de temps ? Les économistes du HCSF peuvent sans doute se prononcer doctement sur ce point, et ajuster au besoin la part de « in fine » dans le mix proposé. Une solution avec 30% maximum de prêt in fine sur le montant du bien pourrait tout aussi bien redynamiser le marché en baissant encore le risque « systémique » accepté.
Il reste à traiter le cas où l’emprunteur refuse de vendre au terme de son prêt « in fine ». Il y a sans doute alors mieux à faire pour la banque que de recourir à une éviction forcée. Si le terme du prêt in fine est atteint, il serait sans doute utile de l’aligner avec le terme du prêt amortissable. Et dans ce cas, la capacité de remboursement de l’emprunteur serait à nouveau disponible puisqu’il n’aurait plus de mensualité à payer sur la partie principale de son acquisition (en considérant que la partie amortissable représente la moitié ou plus de son prêt total). La banque pourrait alors transformer le prêt in fine en prêt amortissable sur une nouvelle durée longue classique de crédit immobilier. Le principal risque dans ce cas, assez technique, consisterait pour la banque à évaluer le niveau des taux fixes à proposer dès l’acquisition pour cette deuxième partie de crédit.
Mesdames et messieurs du HCSF qu’en dites-vous ?
Un crédit immobilier mixte, avec une partie « in fine » couvrant 30% à 50% de la valeur du bien, cette partie in fine étant transformable en prêt amortissable au terme de 20 à 25 ans pour une nouvelle durée de 20 à 25 ans. Les mensualités des emprunteurs baisseraient en moyenne (donc les risques de « subprimes » aussi), le marché serait relancé massivement grâce à la re-solvabilisation des ménages, et les risques « systémiques » de non remboursement en cas de forte baisse des prix seraient maîtrisés grâce au pilotage économique du taux maximum autorisé sur la partie in fine.
Le meilleur des deux mondes !