Le lien du repentir
Sur le plan moral, le repentir est un sentiment qui consiste à ressentir le regret d’une faute, d’une faiblesse, avec le désir de réparer et de ne plus recommencer.
Sur le plan religieux, il désigne le regret douloureux de ses péchés avec le désir de les réparer, de les corriger et de ne plus y retomber. Il peut alors avoir des effets positifs, mais son instrumentalisation par des tiers qui débouche trop souvent sur la culpabilisation, peut aussi devenir un poison mortel lorsqu’il prétend soutenir et justifier toutes les inquisitions du monde.
Sur le plan intellectuel, le repentir évoque le regret d’une erreur commise par maladresse, par précipitation, par inadvertance ou par une faute de jugement ou d’appréciation. Il nous amène à reconnaître que nous nous sommes trompés.
Sur le plan artistique il évoque les changements, les corrections apportés à une œuvre d’art en cours d’exécution. Il est précieux, car pour les peintres, comme pour les compositeurs ou pour les écrivains, le repentir restitue le cheminement, les instants de la création.
Lorsqu’il est d’ordre moral ou religieux, le repentir nous fait entrer dans le club des repentis. Avec les regrets, il peut engendrer le remords, et aller jusqu’à la mortification. Certains prétendent l’atténuer et aller jusqu’à l’effacer par la confession, par la pénitence, par le châtiment ou par la souffrance, comme si la peine effaçait la peine, comme si la souffrance effaçait la souffrance, comme si l’expiation suffisait à neutraliser les états d’âme.
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Lorsqu’ils ont fait une bêtise, les enfants déclarent pour s’en excuser qu’ils ne l’on « pas fait exprès », espérant que leur innocence laissera jouer l’ardoise magique de la mansuétude des adultes et de leur disculpation. Mais la vie sait nous apprendre la terrible loi de ce qui peut être irréversible.
Nous en avons une petite idée lorsque nous venons d’envoyer un mail sans en avoir suffisamment prémédité la portée, le sens et les propos. Nous aimerions tant, parfois, avoir le pouvoir magique de revenir en arrière, de repartir à zéro.
On dit de certains barbares, de certains chevaliers de l’amnésie aussi instantanée que volontaire, qu’ils paraissent hermétiques au repentir. Qu’ils n’ont pas d’affects. Qu’ils ne regrettent jamais rien. Qu’ils n’assument pas les conséquences de leurs actes. Il nous reste à espérer que le souvenir de la souffrance de leurs victimes viendra un jour, sans qu’ils s’y attendent, hanter leurs pensées comme une source résurgente, comme une source empoisonnée qu’ils avaient crue tarie. On dit de la repentance, au-delà de prise de conscience et de la reconnaissance de la faute commise, qu’elle engendre aussi la recherche du pardon. Bel épilogue, belle leçon d’humanité en perspective : le lien du repentir déboucherait alors sur le lien du pardon. Les victimes arriveraient alors à disqualifier définitivement tous les bourreaux du monde.
Jean-Pierre Guéno