Le lien et la mémoire des aboyeurs
Les années 30 avaient leurs aboyeurs : caricatures grimaçantes, vociférantes et gesticulantes qui raffolaient souvent des mots à deux syllabes tels que « Deutschland » « Juden » « Arbeit » ou « Führer » En France ont abusait du mot « Métèque », mais déjà le Maréchal Pétain avait compris qu’il fallait préférer un ton calme et paternaliste plus soporifique que galvanisant afin de mieux anesthésier ses publics. Aujourd’hui les aboyeurs et les aboyeuses en puissance se font chats. Ils font semblant de ronronner mais ne cessent en réalité de guetter leurs prochaines proies à l’image de ces fauves ou de ces crocodiles qui font semblant de dormir. Alors, après avoir accédé au pouvoir, ils sauront sortir de leur fausse somnolence pour exhiber leurs crocs et leurs griffes. Ils attendent leur heure. Ils gardent leurs pitbulls au chenil et promènent leurs caniches. Ils raffolent eux aussi de certains mots à deux syllabes comme le mot migrant qu’ils ne cessent de mettre au pilori des mauvais fantasmes. L’écrivain Laurence W. Britt a publié en 2003 dans le magazine américain Free Inquiry les 14 signes alertant sur l’arrivée ou sur le résurgence du fascisme en se basant sur les similitudes qui ont pu exister entre différent régimes concernés : l’Italie de Mussolini, l’Allemagne d’Hitler, l’Espagne de Franco, le Chili de Pinochet, le Portugal de Salazar, la Grèce de Papadópoulos et l’Indonésie de Soeharto. Il a donc recensé la montée d’un nationalisme puissant et continu, du nationalisme, du mépris des droits humains, de l’identification d’ennemis, de boucs émissaires comme une cause unificatrice, de la domination de l’armée, du sexisme rampant, du contrôle exercé sur les grands médias, de l’obsession quant à la sécurité intérieure, de l’entrelacement de la religion et du gouvernement, de la protection des pouvoirs appartenant aux grandes corporations, de la suppression des droits des travailleurs, du dédain pour les intellectuels et les arts, de l’obsession pour le crime et le châtiment, du copinage et de la corruption rampante : notre score actuel est de toutes façons supérieur à 10 sur 14. Il est évident que nos aboyeurs déguisés en chats concoctent un « ordre nouveau ». Ce que la libération avait balayé il y a moins de 80 ans, ces tubercules remisées provisoirement dans les caves de l’histoire pour être mises hors gel par les héritiers de l’ignoble, ressortent aujourd’hui à la lumière du petit jour : après avoir cautionné le pire, elles redeviennent politiquement correctes. Des USA de Donald Trump à l’Italie de Giorgia Meloni, en passant par l’Angleterre de Boris Johnson et de Rishi Sunak, et par la Hongrie de Viktor Orbàn nous voyons renaître une forme de néofascisme enfariné qui sait se faire mondain tout en cherchant à piéger la jeunesse ouvrière et prolétaire. Le néofascisme mise toujours sur des républiques divisées par les égos de leurs élus, comme ce fut le cas lors du passage de la République par la case terreur entre 1793 et 1794. Lentement mais sûrement, le fascisme se développe comme un mouvement de masse, toujours orienté vers le mythe du « grand remplacement ». Il nous menace du chaos pour nous y plonger. Il prend en Europe le profil d’une pandémie sournoise dont certains pensent naïvement être protégés lorsqu’ils tombent dans le piège du masque « légaliste » et du vernis de respectabilité d’un rassemblement de malfaiteurs en bande très organisée, visiblement cornaqué par une « famille » plus ou moins unie, plus ou moins divisée, comme la plupart des mafias, et qui nous permet aujourd’hui de signaler Jean-Marie le père, Marine la fille, Marion et Nolwenn, les petites-filles et nièces, et Jordan, le conjoint de l’une d’entre-elles. Quand les aboyeurs font mine provisoirement de ne plus aboyer sur les plateaux des chaînes d’information en continu, on pourrait prendre pour un ronronnement ce qui relève en réalité du grondement menaçant.
Jean-Pierre Guéno