Le Maroc et les prix de transfert

Les prix de transfert sont un enjeu important quand on parle de gouvernance et d'optimisation intragroupe dans un contexte multinational. En effet, les échanges à l'intérieur des groupes mondiaux sont normaux, en ce sens qu'ils sont courants, et ils sont généralement fondés sur des motivations de rationalisation de l'organisation de telle ou telle tâche (harmonisation du management par exemple), de la gestion de tel ou tel type d'actif (gestion des droits de propriété industrielle tels que les brevets et marques par exemple). L'enjeu est important parce que l'impact de ces pratiques peut être lourd dans les comptes, avoir un impact fiscal parfois surprenant : les coûts générés dans un pays peuvent anihiler ou au moins réduire largement la charge de l'impôt tout en augmentant le résultat dans un pays à fiscalité plus favorable. Le schéma rapidement planté ici est clair et de plus en plus connu avec la fameuse combinaison entre la fiscalité néerlandaise et son homologue irlandaise, au sein de l'UE.

C'est donc naturellement que les diverses administrations fiscales (notamment dans les pays à fiscalité plus lourde, bien entendu) cherchent à contester ces déplacements de bénéfices, en s'appuyant sur leur illégitimité. C'est ainsi que des prix de transfert jugés excessifs par l'administration en cas de contrôle (ou tout simplement qualifiés de fraude...) font l'objet de #réintégration fiscale pour les sociétés qui les payent.

Les #multinationales appréciant assez peu une telle suspicion, tantôt légitime, tantôt douteuse, menaçant parfois de ne plus investir dans tel ou tel pays ou préférant s'implanter en d'autres lieux, une réglementation "standard" se met en place peu à peu à travers le monde. Ainsi, d'abord dans les pays européens, il a été instauré des procédures d'accord préalable permettant aux contribuables de se prémunir de redressements mal compris et mal venus compte tenu de leur bonne foi.

Au Maroc, ces procédures ont été insérées dans le corpus fiscal à l'occasion de la loi de finance pour 2015. Sans rentrer dans les détails, rappelons ici que ces procédures consistent en la conclusion d'accords d'une durée de 4 années, avant l'entrée en vigueur des pratiques visées, et permettant aux sociétés y ayant recours d'être à l'abri de toute contestation de la part de l'administration fiscale sur le sujet. L'intention est louable et elle devrait mener à des recours rapides et massifs à cet genre d'accords. Pourtant, ce n'est pas le cas matériellement. Pourquoi ?

Pour cela, on peut se pencher sur les conditions de conclusion des accords. Tout d'abord, il faut souligner que ces accords doivent suivre la forme d'un modèle type qui n'a été publié que tardivement après la loi. Ceci expliquant cela, difficile de conclure un accord quand on ne sait quelle forme respecter.

Ensuite, il faut remarquer que les détails demandés aux sociétés pour permettre à l'administration d'apprécier la situation et conclure des accords peuvent être jugés intrusifs. En effet, juste à titre d'exemple, le busniess plan et les perspectives de toutes les sociétés impliquées dans l'opération de prix de transfert doivent être communiqués. De même, toujours à titre d'exemple, des engagements sur le maintien de l'emploi peuvent être demandés... Autant dire que cela relève parfois de ce qu'on appelle en France du secret des affaires dont la confidentialité est aujourd'hui protégée.

Dans ces conditions, la question se pose naturellement d'anticiper le risque. La pratique des #prix de #transfert n'est en effet pas nouvelle et la position de l'administration fiscale marocaine peut être anticipée. L'absence d' #accord #préalable ne signifie pas redressement automatique et incontestable. Elle signifie simplement risque de redressement en cas de contrôle. Comment faisait-on avant l'introduction du dispositif alors ?

Tout simplement, il fallait se préconstituer, au moment de la mise en place et de la mise en oeuvre des prix de transfert, un dossier justifiant la nature de l'opération et les montants en jeu. Si les conventions justifiant des flux sont solidement établies et correctement étayées, il est toujours possible de contester un redressement (rappelons ici, au passage, que la charge de la preuve appartient souvent à l'administration...).

Ainsi, si on traite les prix de transfert comme n'importe quelle opératiopn, en veillant à ce qu'elle ne soit pas artificiellement gonflée au point de pouvoir être analysée comme une fraude, le risque est surtout dans le temps et les frais générés pour la défense de l'entreprise.

Doit-on alors recommander la conclusion d'accords préalables sur le sujet ? La question a un vrai sens compte tenu de ce qui précède. La réponse peut être variable. Ainsi, si l'opération implique plusieurs pays disposant de mécanismes de reconnaissance des prix de transfert, sécuriser l'opération peut avoir un sens et un intérêt certains. La lourdeur administrative reste une contrainte et présente un aléa qui sera fatalement rencontré. Mais si l'opération est ancienne, si la situation a déjà passé le cap d'un contrôle antérieur sans dommage, alors on peut se demander si la procédure en vaut la peine...

Une autre question peut se poser aussi à ce stade: quel intérêt pour le Maroc à mettre en oeuvre ces procédures ? Au delà du fameux classement Doing Business qui sert encore de maître étalon de la compétitivité d'un pays, dans quel contexte ces accords sont-ils particulièrement intéressants ? Le principal intérêt semble résider dans les cas où les frais de gestion et de représentation locale sont des données clés dans la structure financière, comptable et fiscale des filiales locales. Quand on parle de strucutre de production industrielle, cela peut avoir un intérêt plus limité compte tenu du poids des investissements à réaliser et de l'impact consécutif des amortissements. QUand on parle de filiales esssentiellement de distribution, locale ou en tant que plateforme régionale, la question peut être plus sensible pour les entreprises. L'état de l'économie marocaine semble nous placer dans le deuxième cas, avec les conséquences induites. Mais la matérialité et la lourdeur de la procédure semble être rédibitoires au regard de l'intérêt pour les entreprises (sous forme de #sécurité fiscale) et pour l'Etat (sous forme de garantie contre certaines #fraudes).

Mohamed KHOUMANIA

Finance Director/ helps compagnies to understand and drive their business

6 ans

un sujet intéressant, surtout que ça devient un élément important dans la vie des filiales marocaines des entreprises internationales. le principe du cost plus comme éléments de décision pour le prix de transfert se retrouve dans le centre des redressements fiscaux de plusieurs entreprises filiales car l'administration fiscale trouve que le mark-up n'est pas suffisant et qu'il y une partie des bénéfices qui sont taxés ailleurs 

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