Le Maroc sur le podium (3)
Si vous avez raté les chapitres 1 et 2 de cette série, vous pourriez les lire ici:
Tout le monde en quête de réponses
La coupe du monde n’est pas encore terminée que spécialistes, amateurs et simples spectateurs se posent déjà d’innombrables questions. Certains d’entre eux se convertissent même en experts pour donner des réponses dont la plupart ne sortent pas du domaine de la tautologie et de la spéculation farfelue comme le dit si bien la maxime arabe : « Après moults efforts, il a expliqué l’eau par l’eau. »
"بعد جهد جهيد فسر الماء بالماء"
En effet, les victoires, de même que la qualité du jeu des Lions de l’Atlas et les valeurs humaines qu’ils ont incarnées, tout en attirant le respect, l’admiration et l’amour du monde et, en même temps, la jalousie et les accusations calomnieuses, islamophobes et racistes de certains médias[1], allaient donner libre cours à de nombreuses questions du type :
Toute une kyrielle de questions et bien d’autres auxquelles de nombreux analystes se sont ingéniés à répondre. Les animateurs de programmes de sport dans les principales chaines de télévision invitaient régulièrement des experts connus et d’autres moins connus, dont des Marocains, pour leur révéler les secrets de cette métamorphose fantastique. Les adversaires des Lions de l’Atlas cherchaient vainement des clés leur permettant de lire clairement dans le système de jeu des Marocains et de percer leurs remparts impénétrables.
En quête de réponses aux questions qui devenaient de plus en plus lourdes à supporter, les déclarations formelles et informelles du coach ont été passées au peigne fin, la vie des joueurs analysée à la loupe, les vidéos de l’équipe et des joueurs visionnées et revisionnées des dizaines de fois, … Ainsi, au fil des débats, des rencontres, des interviews et des matchs, de nombreuses réponses et explications dont certaines sont désopilantes, furent avancées : certains ont invoqué la notion de Niyya, de nombreuses fois répétée par le coach marocain ; d’autres ont estimé que le secret résidait dans la relation sacrée et quasi ombilicale existant entre les joueurs et leurs mères ; d’aucuns ont avancé que l’explication ne pouvait résider que dans l’adversité et la précarité dans lesquelles la plupart des joueurs avaient vécu. Certaines explications se sont focalisées sur les conditions favorables mises en place par les autorités du pays pour améliorer le football ; etc.
Par-delà la diversité de ces réponses et la variété des tentatives d’explication, de nombreux spécialistes ont commencé à se poser des questions d’une toute autre nature :
Comme souligné plus tôt dans cette introduction (voir chapitre 1), je ne suis pas spécialiste du football et, dois-je reconnaitre, je n’en suis même pas amateur invétéré. Je ne regarde que les matchs de l’équipe nationale et, encore, seulement quand j’arrive à me libérer d’autres obligations. Il m’arrive parfois et seulement quand j’ai le temps, de regarder certains matchs ou parties de matchs importants comme ceux de FC Barcelone, de Réal Madrid ou du PSG. Je suis admiratif des gens qui connaissent tous les joueurs des principales équipes et savent exactement dans quelles positions ils jouent. Si je m’intéresse à l’aventure de l’équipe des Lions de l’Atlas dans le Mondial du Qatar 2022 et à toutes les questions que ses exploits ne cessent de susciter, c’est d’abord, parce que comme tout le monde, j’étais touché par le parcours phénoménal des Lions. J’étais – et je suis encore – rempli de fierté d’être Marocain. Je dois cependant reconnaître qu’au-delà de cette joie et de cette fierté, une autre raison explique mon intérêt et surtout ma décision de partager ces réflexions avec vous. Il s’agit de savoir s’il y a des leçons à tirer de l’aventure des Lions au Qatar 2022, qui seraient transposables dans les domaines du management et du développement économique et social.
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Bien entendu, cette question pourrait être désagrégée en de nombreuses sous-questions. Je m’en limiterais cependant à quelques-unes qui me paraissent particulièrement importantes en la matière à savoir :
1. Comment révéler le Lion caché en chacun de nous de manière à faire preuve d’autant de combativité et de grinta dans les domaines de développement économique et de recherche scientifique que chez les Lions de notre équipe nationale ? Un invité de la télévision marocaine a même parlé de la regraguisation de tous les secteurs au Maroc.
2. Peut-on voir un jour le Maroc sur le podium de la croissance et du développement socio-économique et humain ?
3. Peut-on rêver de voir un jour des Nobels marocains dans les domaines de la recherche scientifique, de la médecine, etc. ?
4. Peut-on pousser le rêve au point de voir un jour le Maroc dans le top-10 ou le top-5 mondial en termes de nombre de brevets d’invention ?
Mon intention ici n’est pas de proposer un nouveau modèle de développement économique et social, ni de nouveaux plans de développement sectoriels comme Maroc Vert, Halieutis, Numeris ou le Plan d’accélération industrielle. Mon intention et de faire ressortir de l’exploit footballistique marocain des enseignements généralisables à d’autres contextes où ils pourraient être mis à profit avec le même succès, sinon plus. Bien entendu, comme cela sera expliqué plus loin dans cet essai, un tel travail nécessitera immanquablement un effort de décontextualisation ou de déconstruction pour assurer la transférabilité des enseignements tirés de l’exploit des Lions dans d’autres domaines que le football.
Il va de soi que je n’ai aucunement la prétention de faire le tour de la question d’une façon exhaustive. Mon seul souhait est de lancer un débat autour des principaux thèmes que je me propose d’aborder dans cet essai, et encore une fois, de manière non-exhaustive. J’invite d’autres personnes à y apporter leur contribution afin d’aider notre pays à se développer sur les plans social, économique, humain et scientifique. Comme nous le verrons plus loin, ce ne sont ni les ressources ni les compétences qui nous manquent pour ce faire. D’ailleurs, de nombreux exemples de projets structurants sont là pour nous rappeler que tout ce dont on a besoin ou presque, c’est d’inciter le lion qui sommeille en chacun de nous de se relever et de rugir comme l’on fait les Lions de l’Atlas à Qatar 2022.
03 octobre 2023
Au revoir avec le chapitre 4 mardi prochain
Brahim Allali, Ph.D.
[1] La chaine allemande Welt allait même comparer le geste que faisaient les joueurs de l’équipe nationale en levant l’index de la main droite vers le ciel à celui que font les combattants de Daech. D’autres ont critiqué le fait que 14 des 26 joueurs de la sélection marocaine étaient nés en dehors du Maroc. De même, l’honneur fait au drapeau palestinien par les joueurs de l’équipe nationale leur a valu des accusations d’antisémitisme. Dans la même veine, la chaine de télévision danoise 2TV News a comparé l’attachement des joueurs marocains à leurs mères au comportement instinctif des primates.
[2] D’ailleurs, avant même la fin de la coupe du monde, l’ONMT a lancé une nouvelle campagne publicitaire capitalisant sur l’exploit des Lions pour attirer de nouveaux touristes au pays. De même, Barid Al Maghrib (Poste Maroc) a sorti un nouveau timbre-poste commémorant la participation des Lions à la coupe du monde Qatar 2022.
[3] Plusieurs spécialistes ont souligné que toutes les équipes ayant gagné la coupe du monde avaient un coach national.