Le monde à l'épreuve d'un nationalisme grandissant
Un partisan de Jair Bolsonaro, porte un masque de Donald Trump pour célébrer la victoire de Bolsonaro [AP Photo/Nelson Antoine ]

Le monde à l'épreuve d'un nationalisme grandissant

Toute l’histoire de l’humanité est là pour en attester. Lorsque les élites dirigeantes mentent et trahissent, les peuples finissent tôt ou tard par leur faire payer.

D’élections en élections, les peuples votent en faveur des partis nationalistes et rien ne semble en mesure d'inverser cette tendance. Il est déjà largement établi que la précarisation de la classe moyenne inférieure, les dérives des nations, le sentiment de ne plus s'appartenir, et les mouvements incontrôlés de population, sont les principaux facteurs qui favorisent le nationalisme.

Il faut lire ou relire Christopher Lash " La révolte des élites et la trahison de la démocratie" pour comprendre la séquence politique que nous vivons et la déliquescence programmée de nos démocraties. En 1996, Lash analysait déjà le fossé grandissant entre le haut et le bas de l'échelle sociale. « Naguère, c'était la " Révolte des masses" qui était considérée comme la menace contre l'ordre social [...]. De nos jours, la menace principale semble provenir de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie sociale et non pas des masses »

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Toute défaite politique est avant tout une défaite des idées. La situation que nous vivons en Europe, aux Etats-Unis ou encore au Brésil est le symptôme d’une fracture sociale, d’un malaise profond d’une population qui se sent oubliée, méprisée et exclue.

La victoire des nationalistes est d’abord et avant tout la faillite de la classe politique traditionnelle qui semble découvrir l'ampleur du tsunami qui déferle dans le plus grand pays d'Amérique Latine.

Quelle tristesse que de voir un peuple aussi cosmopolite et chaleureux élire un président raciste, autoritaire, homophobe, misogyne, adepte de la violence, nostalgique de la dictature militaire, promettant l'exil ou la prison à ses opposants. Cependant avec plus de 10 millions de voix d'écart la victoire de Bolsonaro ne souffre d'aucune contestation et se doit d'être respectée, ainsi va la démocratie...

Trump, Orban, Salvini et donc Bolsonaro n’ont pas eu besoin de se creuser la tête bien longtemps pour convaincre nombres d'électeurs de voter pour eux, ils n'ont eu qu’à se baisser pour ramasser les voix d’électeurs fatigués et déçus par un personnel politique qui n’a fait que trahir les espérances de pays désormais désabusés.

A la Bourse de Sao Paulo, l’indice Bovespa progressait de plus de 3 % à l'ouverture suite à l’élection du nouveau président Brésilien (1). On se souvient que le Brexit et la victoire de Trump avaient été salués en leur temps par les bourses de Londres et de New York. Promesses de privatisations et grands plans d'investissements semblent être la bonne formule pour satisfaire et rassurer des milieux financiers toujours plus cyniques. Si Bolsonaro avouait lui même " ne rien connaitre à l'économie" il a pu s'appuyer sur "coalition de l'oligarchie économique et financière qui y trouve son compte", pour se faire élire estime Stéphane Witkowski, Membre du Conseil d’orientation du Centre d’études et de recherches « Amérique latine – Europe » (2). Il a également pu s'appuyer sur de puissants lobbies notamment celui des représentants des grands propriétaires terriens.

En France l'irrésistible ascension du Rassemblement National ou du - Front national pour les plus nostalgiques - est le fruit d’une politique chaotique menée depuis 40 ans dans notre pays par une gauche qui a trahi le peuple et une droite la nation. Il y a dix ans, à la question « Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe » les français rejetait à 54% le traité constitutionnel européen, une décision qui sera piétinée par les parlementaires, réunis en congrès le 4 février 2008 à l’initiative de Nicolas Sarkozy. Ce mépris et cette forfaiture de la démocratie n'a fait qu'accentuer la perte de confiance des citoyens français dans leurs représentants. François Hollande se fera quant à lui élire sur les bases d’un programme économique qu'il n'appliquera jamais. "Sa révolution copernicienne" symbolisée par la diminution des charges des entreprises de 40 milliards d’euros sans la moindre contrepartie, ravira la droite - un comble - et sera perçue comme une trahison de l'esprit du Bourget par la gauche. A chacun sa trahison.

Il ne fait aucun doute que les illusions perdues, les utopies déçues, le discrédit de la promesse politique sont les ferments de l’abstention et du vote extrême.

« La perfection des moyens et la confusion des buts semblent caractériser notre époque. On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré. » -Albert Einstein

Le discours sécuritaire anti-immigration et anti-musulman des partis nationalistes surfe sur des peurs grandissantes, accentuées par le climat de terrorisme et de flux migratoires. Ces partis sont devenus le grand hangar des espérances légitimement déçues. A la crise économique, sociale et morale s'est ajoutée une crise migratoire qui n'a fait qu'aggraver une situation déjà extrêmement préoccupante. Face au drame de millions d'enfants de femmes et d'hommes du sud qui tentent désespérément de gagner le Nord, l'Europe n'a jamais été aussi divisée et éloignée des valeurs fondamentales et humanistes qui jadis faisaient sa fierté.

Dépassés par cette fièvre identitaire, les partis traditionnels sont sans imagination et ne comprennent toujours pas qu'on ne combat pas les partis nationalistes par des incantations et des manœuvres politiciennes mais par des actions concrètes. La culpabilisation morale et politique des électeurs tentés par ces partis n'aura fait que les conforter dans leur choix. Face à une crise économique exacerbée par le libéralisme, il devient urgent de repenser notre modèle de société, de répondre aux aspirations d’une génération oubliée et à l'exaspération décuplée des plus fragilisés. Il nous faut aussi et surtout construire une offre politique résolument différente qui puisse susciter un désir d'avenir.

En occident le débat politique oppose désormais les forces technocratiques aux forces populistes et c'est bien ces dernières qui semblent avoir le vent en poupe. Trump hier, Bolsonaro aujourd'hui, le Brexit demain et la France sans doute après demain, ce qui semblait impensable il y a encore une décennie est aujourd’hui une réalité avec laquelle il nous faut désormais composer. Le nationalisme, la révolte contre le statu quo ou encore la priorité absolue donnée à l’intérêt national font désormais recette. Si nos gouvernants ne parviennent pas à réenchanter l'avenir des peuples et à les rassurer sur le sentiment de ne plus s'appartenir, le pire est assurément devant nous à moins qu'il ne soit déjà là.

#Brésil #Bolsonaro #Brexit #Europe #Nationalisme

(1) Brexit, Trump, Bolsonaro: le populisme est-il bon pour les marchés financiers? : https://www.lopinion.fr/edition/international/brexit-trump-bolsonaro-populisme-est-il-bon-marches-financiers-166991

(2) Brésil : les cinq raisons du succès de Jair Bolsonaro, le candidat d'extrême droite vainqueur de la présidentielle : https://www.francetvinfo.fr/monde/bresil/presidentielle-au-bresil-les-cinq-raisons-du-succes-de-jair-bolsonaro-le-candidat-d-extreme-droite-favori-du-second-tour_3004791.html

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Steve Moradel

Twitter: @Stmoradel

www.Stevemoradel.com

Michel PETITPREZ

Consultant - Formateur

6 ans

Le projet européen aurait pu constituer une source d'espoir. Il n'en est rien au vu des dissensions entre les Etats membres de l'UE sur de nombreux sujets. Je suggère, pour les prochaines élections européennes, comme antidote à la montée des nationalismes, le slogan suivant " L'Europe d'abord". Que les chefs de gouvernement et le Parlement européen se mettent d'accord sur des objectifs prioritaires tels que la réduction des inégalités, une Europe indépendante, une harmonisation sociale et fiscale... Enfin, il faut que le Politique prenne la main sur l'Economie.

Jacques Cavé

Advertising Photographer chez Direction des Studios VIVA - Lyon

6 ans

D'accord avec vous Steve, d'accord avec vous aussi Nicolas Conan et Eric Barthe. La situation mondiale, vue avec le recul de mes 75 printemps, me parait irréversible donc très inquiétante. Serait-ce foncer aveuglément vers une troisième guerre mondiale pour remettre les pendules à l'heure ? Pour ne parler que de la France, nous sommes en effet, depuis 40 ans, gouvernés par des incapables et des opportunistes, et ce n'est pas avec celui que nous avons actuellement que les choses vont s'arranger, car même si enfin l'être idéal dont nous aurions besoin se présentait, le peuple Français est aujourd'hui trop divisé et la guerre des égos des menteurs et des traitres un véritable poison. Peut-être suis-je trop pessimiste, moi qui est toujours été plutôt optimiste jusque il y a peu de temps encore ? Allez savoir. Salut à tous.

Nicolas Conan

Nous sommes la dernière génération à pouvoir éviter un effondrement du climat.

6 ans

La peur de l'avenir et la différenciation reste le moteur le plus efficace pour segmenter les humains et faire valoir des intérêts individuels sous prétexte de servir un communauté restreinte plutôt que l'ensemble de l'humanité... C'est un modèle qui se répète et qui est même antérieur à la généralisation de la démocratie. Je ressens la même lacune du pouvoir quand il s'agit de rassembler un peuple et une organisation autour d'une politique et de plusieurs lignes stratégiques que celles de nos grandes entreprises (à quelques exceptions prêt) à rassembler leurs employés autour d'une mission et d'un but commun... L'homme est faible et il vote à son image plutôt que pour un collectif. Plus il a peur, plus il entérine un modèle de penser archaïque qui tendra à la reproduction historique. 

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