Le niveau des allocations de chômage des plus précaires en question

La ministre du Travail a expliqué, il y a quelques jours, qu'il existait des cas où l'allocation mensuelle accordée par l’assurance chômage était supérieure au salaire mensuel que percevait un chercheur d’emploi avant sa prise en charge. Cela concernerait 20% des bénéficiaires de l’assurance chômage.

Cette proportion a aussitôt suscité l’étonnement et ce d’autant plus qu’une étude de l’Unédic ayant le même objet aboutit à des résultats très inférieurs !

La note « Taux de remplacement mensuel net », non datée, qui a été produite par Pôle emploi pour étayer les propos ministériels permet de mieux comprendre comment un tel résultat a été obtenu.

Pour calculer le taux de remplacement mensuel net d’un chercheur d’emploi, Pôle emploi rapporte l’allocation mensuelle nette d’un chercheur d’emploi non pas à la rémunération mensuelle moyenne nette des jours de travail accomplis mais à la rémunération moyenne nette de la période au cours de laquelle les jours de travail en question ont été accomplis. Pour expliciter le sujet, la note retient l’exemple, un peu caricatural, d’une personne qui a travaillé, au cours d’une période de 11 mois, 8 jours chacun de ces mois dans le cadre d’une succession de CDD, soit 88 jours au total. La rémunération moyenne que calcule Pôle emploi n’est pas établie en fonction des 88 jours de travail mais en lissant les rémunérations sur 11 mois. C’est grâce à cette modalité de calcul de la moyenne que l’on parvient à montrer que le chercheur d’emploi perçoit plus en chômage qu’en travaillant.

Quelle est la validité de cette approche ?

Il faut rappeler que, telle qu’elle a été conçue, en France, l’assurance chômage a pour mission de servir un revenu de remplacement déterminé en fonction du revenu remplacé, celui-ci étant normalement constitué de la moyenne des rémunérations afférentes aux jours de travail dont l’intéressé justifie pour s’ouvrir des droits. La durée de l’indemnisation est également fonction de la totalisation des jours de travail effectifs retenus. Dans l’exemple donnée précédemment, cela conduit à calculer la moyenne des rémunérations sur la base des 88 jours de travail effectifs et, corrélativement, à accorder une durée d’indemnisation sur la même base, soit 122 jours après transformation des 88 jours de travail en jours calendaires.

L’étude de Pôle emploi sort de ce cadre. Il est considéré que, pour l’établissement du taux de remplacement, il convient de ne pas se référer au salaire moyen afférents aux jours de travail, mais à une période dissociée du travail effectif, soit celle au cours de laquelle les jours de travail ont été accomplis ce qui évidemment fait artificiellement baisser la moyenne des rémunérations.

Cette approche est décalée par rapport à ce que prévoit la règlementation en vigueur et elle est aussi contestable parce qu’elle ne tient pas compte de ce que le revenu d’une personne qui a alterné de courtes périodes de travail et de chômage est constitué de salaires et d’allocations de chômage. Si on devait en effet remplacer la règle en vigueur par celle suggérée par Pôle emploi, il faudrait alors, pour effectuer les comparaisons de moyennes, prendre également en compte les allocations de chômage qui se situent dans cette période. Le résultat serait bien différent de celui annoncé.

Une telle publication si elle soulève des questions d’ordre technique a aussi surtout pour principal inconvénient d’accréditer l’idée que ceux qui sont confrontés à la privation d’emploi et vivent dans la précarité s’en sortiraient finalement plutôt bien, alors qu’ils subissent leur situation, n’ayant d’autres choix que d’accepter les emplois de courte durée qui leurs sont proposés. Cette communication qui conduit, à mots couverts, à désigner les intéressés comme des profiteurs de l’assurance chômage a, sur eux, des effets délétères.

L’assurance chômage est un dispositif fondé sur la solidarité interprofessionnelle et, dans ce cadre, il parait normal que ceux qui connaissent une certaine stabilité acceptent que les plus exposés au risque de privation d’emploi bénéficient de mesures de soutien et de protections renforcées. Ce n’est pas une réduction de leurs droits qui les aidera à s’insérer. Il faut plutôt envisager l’adoption de mesures qui découragent la conclusion de CDD, favorisent la reprise d’emploi et prévoient un soutien accru aux chercheurs d’emploi dont les droits arrivent à terme.



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