Le nouveau périmètre de l’interdiction du déséquilibre significatif commercial : le contrat de partenariat
La loi de modernisation de l’économie dite loi LME votée le 4 aout 2008 et entrée en application le 1er janvier 2009 est venue poser le cadre de la notion de « déséquilibre significatif » dans les relations commerciales. Ainsi l’article L. 422-6, I, 2° du Code de commerce dispose qu’ « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
C’est en 2015 et par deux arrêts du 3 mars 2015, que la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur la notion de déséquilibre significatif commercial tel qu’entendu au sens de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce.
Ces deux arrêts ont eu une utilité précieuse car il en est ressorti que selon l’analyse des juges du droit, l’appréciation du déséquilibre significatif doit s’effectuer au regard d’une analyse concrète et globale du contrat régissant les relations entre les parties, sans se limiter aux clauses contractuelles causant un potentiel litige.
La Jurisprudence se base sur l’existence d’un faisceau d’indices afin de déterminer si certaines clauses contractuelles sont susceptibles de relever de la qualification de « déséquilibre significatif ».
La pratique a mis en exergue une difficulté de taille, à savoir l’absence de définition de la notion, ce qui conduit à l’examen attentif de l’appréciation des juges et ce, au cas par cas.
Par ces deux arrêts, la Cour de cassation a éclairé la lanterne des praticiens en posant des principes de base applicables en matière de déséquilibre significatif de la relation commerciale.
Ainsi, elle a précisé que l’analyse de la situation ne devait pas se borner à une étude des seules clauses litigieuses ou de l’ensemble des clauses une par une. En effet, l’analyse doit être globale et liée à l’accord concret passé entre les parties ainsi qu’au contexte dans lequel les parties sont parvenues à cet accord.
La Haute cour dans ces deux arrêts, a précisé et mis en exergue les critères d’appréciation du déséquilibre significatif. Ainsi et de manière non exhaustive, l’absence de réciprocité d’une clause, son caractère potestatif, son caractère général et imprécis, le caractère automatique ou encore l’absence de négociabilité sont des critères qui doivent permettre aux contractants d’éviter de se trouver dans une situation de déséquilibre.
L’évolution de la jurisprudence en la matière a permis d’affiner les contours de la notion mais c’est la Cour d’appel de Paris, qui dans un arrêt récent du 27 septembre 2017 (CA Paris 27-09-2017, n° 16/00671), est venue apporter une nouveauté en s’attardant sur le I), 2° de l’article L. 442-6 du Code de commerce.
C’est ainsi, que les juges ont précisé que le déséquilibre significatif en matière commerciale ne pouvait être interdit que dans les cas de relations commerciales se révélant être de véritables partenariats commerciaux, et non pas seulement de simples relations contractuelles dans la sphère commerciale.
Cet arrêt est important car il vient restreindre de manière drastique l’application de la notion de « déséquilibre significatif ». En plus d’être important, il est intéressant car la Cour d’appel, afin d’asseoir sa décision, est venue préciser ce qu’elle entendait par une relation de partenariat.
Ainsi, elle indique que les contractants doivent entretenir une relation basée sur « une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble dans les activités de production, de distribution ou de services ». Nous soulignons immédiatement que la notion de « partenaires » est bien plus précise et semble aller plus loin que la notion classique de « contractants ».
Pour les professionnels, il ressort que deux cas de figure peuvent les aiguiller sur le fait de savoir s’ils sont en situation de partenariat :
- La signature d’un contrat de partenariat intitulé comme tel et qui formalise la volonté des parties de construire une relation suivie ;
- Le comportement des cocontractants qui peut traduire la volonté de développer des relations stables et établies dans le but de coopérer autour d’un projet commun.
Ce dernier point étant plus complexe dans la mesure où il laisse une large place à l’appréciation subjective des situations diverses dans lesquelles le comportement des cocontractants pourra être apprécié.
Si cet arrêt pourrait être apprécié comme un arrêt d’espèce, il n’en est rien car rappelons le, la Cour d’appel de Paris a compétence exclusive pour connaître du contentieux de l’article L. 422-6 du Code de commerce.
Dès lors la solution ici adoptée, vient restreindre le champ de l’interdiction du déséquilibre significatif commercial. Il semble donc que la volonté de la Cour soit ici de réorienter les contentieux relatifs aux clauses abusives dans les contrats B to B vers le nouvel article 1171 du Code civil relatif au déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à un contrat d’adhésion, issu de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.