Le rêve américain au réveil après 3 jours dans la Silicon Valley
On m’a souvent dit que j’étais fait pour vivre en Californie et, en revenant d’un voyage de 3 jours en immersion dans la tech de la Silicon Valley entre San Francisco et Palo Alto avec Google, je le prends pour un compliment ! C’est une région qui se donne les moyens de prendre des risques avec des gens plutôt très sympathiques qui font des choses formidables sans se prendre au sérieux alors qu’ils sortent tous de Stanford ou de Berkeley. Bref, c’est vrai les habitants de la Valley sont vraiment « cools » et si je le suis aussi tant mieux !
Mais la « coolitude » a un prix : Les montagnes de dollars qui surplombent la célèbre « Valley » et ceci depuis 1909, date de la création de la « Federal Telegraph Company », la première startup du monde finalement, où l’armée américaine a injecté d’emblée de l’argent en subvention et en pré-commande ! Car c’est largement ça l’origine du succès de cet endroit unique au monde : une administration très riche, l’armée, qui aide massivement des entreprises qui elles-mêmes font la fortune de 2 ou 3 Universités d’où elles sortent : Berkeley, l’UCSF et surtout Stanford !
C’est ça, la Silicon Valley, d’abord beaucoup d’argent de l’Etat, des Universités à 50 000 dollars l’année (mais il parait qu’il y a des bourses pour les pauvres…) qui ont des actions Google ou LinkedIn et des fonds d’investissement qui complètent (les célèbres VC..) pour que des jeunes gens roulent en Tesla sans conducteur et achètent des maisons assez simples à 5 millions dollars à Palo Alto ou Mountain View . C’est un monde où le capital risque (les fameux…VC) a été inventé, un monde étonnant où on peut vendre 120 millions de dollars un truc qu’on a pas encore fabriqué mais qui changera (peut-être…) le monde de la chirurgie ou du marketing.
C’est un lieu où les choses vont vite car il y a peu d’acteurs qui se connaissent bien et, en plus, ils sont tous au même endroit. A San Francisco, il n’y a pas l’INSERM, le CNRS, le CEA, l’INRIA, l’INRA, l’AP-HP, Gustave Roussy, Curie ET l’Université du Sud, du Milieu, du Nord, de l’Est, de l’Ouest… il y a Stanford, Berkeley et l’UCSF avec des laboratoires et des hôpitaux dedans et UNE route de quelques kilomètres avec des VC qui disposent de 30 milliards de dollars !
Dans la Silicon Valley ; on ne vit pas à la « vitesse réelle » mais à la « vitesse projetée », ce qui veut dire que l’on ne cherche pas des solutions à des sujets d’aujourd’hui mais aux problèmes de demain car votre voisin a surement déjà trouvé la solution au sujet « de maintenant » donc ce n’est plus utile : C’était hier qu’il fallait faire ça !
Un monde où la discussion n’est plus de savoir s’il faut utiliser le LLM GPT4, Lama, Gemini, Mistral ou Anthropic mais à quoi ça va servir. Les gens qui font de l’IA là-bas n’utilisent pas un seul type de LLM, ils panachent en fonction des sujets qui sont dans le « prompt ». Le problème du meilleur LLM est réglé, ils sont tous bons donc on fait des mélanges et on goûte : Ils cuisinent le LLM !
La Silicon Valley n’est déjà plus dans la « Generative IA » (GIA) mais dans l’ « Applied GIA », c’est-à-dire dans la recherche des cas d’applications (si possible lucratifs…) de la GIA qui vont de la production automatique de post-Linkedin, à la santé, au marketing et, le plus impressionnant, à la génération de vidéos, de musiques ou de chansons… Ils avancent vite, très vite, et après ils trouvent des solutions pour régler les problèmes que ça engendre comme ces nouveaux outils d’IA d’Intel qui détectent les « deep fakes » vidéo par l’analyse l’expression cutanée de la saturation en oxygène ou qui génèrent des images avec du « presque comme.. » pour préserver le Copyright ou votre vie privée sur internet.
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Les « Gars de la Valley » avancent tellement vites que certains tombent malade d’hyperproductivité car la passion de faire des choses avec la météorite « IA générative » est beaucoup plus excitante que le jardinage et la pêche à la ligne, même si, de fait, on beaucoup plus de temps…Pathologie étonnante mais que je connais assez bien…
C’est là probablement les grandes différences avec les « mentalités à la Française », ces gens sont un peu fous et surtout très optimistes : ils avancent et on verra bien ! Au pire, ils mettront des pansements mais, comme ça, on sera où se trouve l’arbre que l’on a percuté et la prochaine fois on passera pas par là sauf si on a complétement déraciné l’arbre en tapant dedans !
Alors qu’ici combien de fois j’ai entendu: « Mais non ! C’est pas sûr du tout ! il faut d’abord réfléchir mon (petit…) gars, il y a 3 possibilités : Si on prend l’option A, alors là, 3 solutions (dont une très improbable mais je te la dit quand même car je suis hyper malin…) maintenant si on prend l’option B, c’est plus compliqué car Mr Machin, comme je pense qu’il est jaloux, il va nous planter… et l’option C, c’est complètement fou, on l’a jamais fait ! ».
Ici, il y a plein de très grands joueurs d’échecs, très (trop…) intelligents, moyennement drôles, un peu condescendants et souvent un peu pessimistes ! Des gens qui gâchent le présent pour un hypothétique avenir et qui, d’ailleurs, s’appuient souvent sur les statistiques d’hier !
Mais attention, c’est pas que bien la Californie ! Dans les rues de San Francisco, il n’y a pas grand monde en dehors de quelques zombies défoncés au Fentanyl devant des dizaines de petits commerces fermés qui n’ont pas survécu au Covid.
Donc même si les pessimistes m’agacent, les gens sérieux m’ennuient, et si les joueurs d’échecs m’ont souvent pris pour un « simplet », je suis heureux de vivre et travailler pour un pays où la médecine est gratuite pour tous, où les frais d’inscriptions universitaires sont raisonnables et où les bars et les restaurants sont ouverts car l’Etat a sauvé nos petits commerçants…
La Silicon Valley n’existera jamais ailleurs qu’en Amérique et surement pas en France et finalement tant mieux car je ne crois pas que notre modèle social soit compatible et c’est très bien pour la plupart d’entre nous. Mais s’il y une chose que l’on retient au réveil après le rêve americain, c’est un optimisme et une manière de ne pas de se prendre au sérieux dont on devrait franchement s’inspirer pour que les plus chanceux d’entre nous puissent nous permettre de conserver une sorte d’exception sociétale française qui fait que, ce matin, je suis content de me poser à Charles de Gaulle en revenant de San Francisco !
Let's make this thing work
8 moisBien dit!
Expert en stratégie de santé / Président Bionnassay Consult / Senior Advisor & Mentoring de dirigeants
8 moisMerci Eric Vibert, MD, PhD pour cette excellent carnet de voyage et note d’humeur, tu pourrais ajouter un ligne d’éditorialiste à ton CV déjà bien rempli 👍
EMEA Sales and Go-To-Market Google Cloud, engaged for a more inclusive and diverse Tech
8 moisMerci Eric Vibert, MD, PhD pour ce billet qui te ressemble beaucoup et qui résume avec beaucoup de justesse notre expérience, nos rencontres et nos échanges lors cette Learning Expedition il y a quelques jours
Correspondant national chez Académie nationale de Pharmacie
8 moisParfait ! J’adore
Président Directeur Général de l'Inserm
8 mois👍😊