Le recrutement hostile: comment le repérer?
Interview Khadija Boughaba paru en mars 2009 - Le Matin
Comment faire la différence entre un recrutement durable et un recrutement hostile?
Un recrutement hostile vise le recrutement des hommes clés de ses concurrents, à les vider de leurs forces vives pour porter atteinte à leur capacité créative ou commerciale. Contrairement à un recrutement habituel dans lequel le recruteur identifie un besoin interne en compétences dans son organisation, suite à un départ, une croissance ou une restructuration.
Des fois, les cadres se font avoir, attirés par un grand salaire, et ne voient pas le danger. Comment s'assurer des intentions des recruteurs?
Je pense qu’il est rare que des cadres ciblés dans cette approche ignorent les motivations de ces recruteurs sinon ils n’auraient pas été approchés. Comme dit plus haut, il s’agit d’hommes clés qui sont visés donc de personnes contribuant à l’avantage concurrentiel de leur entreprise, ils sont conscients de leur position et ne manqueront de négocier leurs conditions d’embauche chez le nouvel employeur. Ceci dit certains se laisseront persuadés que c’est leurs compétences qui sont visées et du coup ne voient pas le danger qui les attend.
Alors il y a lieu de s’informer sur l’entreprise en cas d’approche avec une proposition alléchante :
-en interne si possible à travers des connaissances travaillant dans cette entreprise ou y ayant travaillé,
-en externe à travers les medias, le site web, les réseaux professionnels
Le but étant de s’assurer qu’il s’agit bien d’un poste de l’organigramme à pourvoir et non pas d’un poste créé de toutes pièces à l’occasion. Il y a lieu de tester également la transparence de l’offre au cours de l’entretien de recrutement en posant des questions précises sur la dimension du poste à pourvoir, les responsabilités à assumer, les résultats attendus, s’il s’agit d’un poste nouvellement créé ou d’un remplacement .
Après recueil de ces données, l’intéressé disposera d’éléments suffisants pour apprécier ou mesurer les risques éventuels de l’opportunité qui se présente à lui et de prendre une décision plus objective.
Quand peut-on céder à une telle tentation?
C’est clair que la tentation sera toujours très grande ; en tout cas elle ne laissera jamais indifférente la personne ciblée !
Sur le plan personnel, cette approche renforcera l’égo de la personne ciblée voir même le flatter. Se sentant valorisée, cette personne sera plus prédisposée à étudier la proposition d’embauche qui lui est présentée malgré sa situation actuelle. Sur le plan professionnel : cette approche provoquera une remise en question de sa situation professionnelle et de ses rapports avec son employeur actuel. Sa décision de céder ou renoncer à la tentation dépendra en grande partie de ce constat.
Si la personne ciblée est totalement satisfaite et apprécie fortement son travail actuel du point de vue rémunération, conditions de travail, perspectives d’évolution de carrière, et un fort sentiment d’appartenance à son entreprise actuelle, alors il y aurait très peu de chance qu’elle cède à la tentation.
Si au contraire la personne ciblée se trouve dans une phase de malaise avec son employeur actuel , liée à la non reconnaissance de sa contribution en tant que compétence clé, à une rémunération insuffisante, à un manque de visibilité sur sa carrière ,alors elle devient une proie facile et ne manquera pas de céder à la tentation.
Au Maroc la pratique du recrutement hostile est - elle courante ?
Bien évidemment, cette pratique se développe de plus en plus au Maroc avec un environnement devenu de plus en plus concurrentiel. Cette démarche est adoptée beaucoup plus par des nouvelles sociétés qui s’installent proposant des salaires mirobolants aux compétences clés du concurrent le temps qu’elles s’approprient leur savoir faire, ou encore par des sociétés qui existent déjà et dont le but est de déstabiliser le concurrent par la perte de ressources vitales au fonctionnement de l’entreprise en question. Cette arme est de plus en plus utilisée au Maroc et rares sont les entreprises qui prennent conscience du danger réel de la perte de leurs ressources. Certaines grandes entreprises déploient déjà des actions RH visant à fidéliser leurs collaborateurs les mettant à l’abri de ces tentations. Sinon c’est les PME qui accusent le plus grand ‘Risk RH’ , où l’importance de la dimension RH n’est pas encore la plus part du temps considérée comme facteur déterminant du développement de leur entreprise.
Sur quels points faut-il insister dans le contrat du travail pour ne pas tomber dans ce piège et se retrouver à la rue quelques mois après?
Je ne vois pas particulièrement des points dans le contrat de travail qui vont servir à se faire protéger des risques d’être remercié quelques mois après. Il y a d’abord la période d’essai de trois mois renouvelable une fois pour les cadres, période où l’employeur peut à tout moment résilier le contrat sans aucune indemnité. Sinon il y a lieu de négocier une clause dans le contrat relative à une indemnisation spéciale en cas de licenciement (le cas des parachutes dorés).
Que conseillez-vous aux jeunes cadres avides de grands salaires?
Un seul conseil, ne jamais prendre de décision impulsive, et prendre le temps d’étudier toutes les facettes de la proposition : les risques liés à cette mobilité sur la carrière à court ou à long terme, le risque de développer une image de « mercenaire » sur son profil, la capacité de rebondir en cas de nouveau départ. Bref rester maître de la situation et non pas subir !
Operations & Support Director Eng E-MBA
8 ansSi les cabinets de recrutements contre attaquent cette pratique,elle sera plus facile à détecter car toute tentative d'un concurent direct sera tout de suite douteuse.